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Plus Bellingham la vie
Recrue phare de l’été du Real, Jude Bellingham est devenu en l’espace de quelques semaines à peine la solution à tous les casse-têtes madrilènes. Son match de la semaine, à Naples, n’en a été que le plus beau des reflets.
En octobre 2022, au beau milieu d’un automne enchanté par une claque mise à Liverpool (4-1), deux taloches envoyées à l’Ajax (6-1, 4-2) et un quasi carton plein en championnat, les fans du Napoli écoutaient leur guide Luciano Spalletti raconter à qui voulait l’entendre que « les systèmes n’existent plus dans le football ». « Ce qui compte, désormais, ce sont les espaces laissés par ton adversaire, enchaînait-il. Vous devez être rapide pour les détecter et être capable de trouver le bon moment pour les attaquer. » Un an plus tard, plus de 50 000 personnes se sont regroupées cette semaine au stade Diego-Armando-Maradona. Parmi elles, un joueur de 20 ans, venu dans le coin pour mettre en images les mots de Spalletti. Détail important : il ne portait pas de maillot du Napoli. Cet homme, international anglais, n’est évidemment pas n’importe qui et s’il est venu mercredi soir en Campanie, c’était aussi pour disputer le 25e match de Ligue des champions de sa vie. Une rencontre que l’intéressé a rapidement transformée en exhibition et qu’il a notamment fait entrer dans la postérité grâce à un moment d’éclat.
Le match, un enthousiasmant Naples-Real, était alors démarré depuis une bonne trentaine de minutes, Vinícius Júnior venait d’égaliser pour les visiteurs et Kepa de relancer court un six-mètres avec, à sa droite, Antonio Rüdiger. Là, tout a commencé avec, pour phase initiale du mouvement, un décrochage classique de Toni Kroos au niveau de son défenseur central gauche (Nacho), permettant de faire rapidement sortir un pion (Zieliński) du 4-1-4-1 déployé sans ballon par Rudi Garcia. Puis, alors que le ballon a été transmis à Camavinga le long de la ligne, Jude Bellingham, pointe haute du 4-3-1-2 madrilène (un système rarement utilisé en 2023, si ce n’est à Salzbourg), a déclenché un premier appel entre ses deux attaquants (Rodrygo et Vinícius Júnior), faisant reculer d’un coup la dernière ligne napolitaine. C’est à cet instant que la phase deux du mouvement a pu débuter avec un jeu de mouvements géant du Real qui a permis d’ouvrir un espace plein axe, où Bellingham est de nouveau venu s’insérer avant d’aller percuter balle au pied, de résister à un retour de Zambo Anguissa, de crocheter Østigård et de battre Meret. Espace laissé, espace détecté, espace attaqué : ainsi Jude Bellingham est venu rendre hommage à Luciano Spalletti.
En image, voilà le moment où Bellingham détecte l’espace à attaquer plus haut pour faire stresser et reculer la défense du Napoli…
… ce qu’il va faire entre Rodrygo et Vinícius…
… avant de laisser le Real ouvrir la phase deux du mouvement afin d’ouvrir un espace axial…
… dans lequel Camavinga va venir servir Bellingham…
… qui va ensuite s’offrir un rush en solitaire.
Cette séquence est un parfait résumé du joueur qu’est Jude Bellingham, mais aussi du rôle majeur qu’il a su prendre en quelques semaines à peine au centre d’un Real Madrid qui a vu cet été le deuxième meilleur buteur de son histoire (Benzema) filer en Arabie saoudite et qui a donc logiquement dû se réinventer.
« Il a l’air d’avoir 30 ans »
Voir Bellingham à ce niveau n’est pas totalement une surprise, évidemment. On parle là d’un joueur qui est différent depuis qu’il a déboulé dans le monde pro et qui s’est toujours amusé à jongler entre les rôles sans que son impact n’en soit vraiment bousculé. Un jour, l’un de ses anciens éducateurs à Birmingham avait même blagué à ce sujet, affirmant qu’il pourrait un jour incarner « un nouveau type de milieu de terrain. Le milieu 22, car aussi bien capable de jouer 4, 8, que 10. » Arrivé au Real cet été pour 103 millions d’euros, l’Anglais a vite vu Carlo Ancelotti lui filer un rôle de meneur proche de la surface près de 25 ans après que le technicien italien a construit sa Juventus autour de Zidane. L’actuel détenteur du numéro 5 blanco a surtout très vite assumé, et les chiffres le prouvent : après 785 minutes passées avec un maillot blanc sur un gazon, Jude Bellingham est cette saison le meilleur buteur (huit buts), le meilleur passeur (trois passes décisives), le troisième joueur qui tente le plus sa chance, le deuxième qui cadre le plus, et le meilleur dribbleur de l’effectif du Real Madrid.
Est-ce improbable ? Pas totalement, mais l’impact de l’ancien du Borussia Dortmund, précieux derrière deux attaquants qui aiment s’éloigner de la surface pour mieux préparer leurs actions même s’il doit encore trouver quelques repères, est tout de même renversant. C’est surtout un cadeau du ciel pour Carlo Ancelotti qui tient jusqu’ici un joueur qui lui permet de régler la majorité de ses casse-têtes et qui sait tout très bien faire (animer, combiner, dribbler, marquer, presser). À Naples, le numéro 10 nouvelle génération – soit un numéro 10 qui ne disparaît pas des phases de jeu sans ballon – aura été partout, venant notamment intercepter une mauvaise passe de Di Lorenzo sur le premier but des siens et finissant la rencontre avec quatre tacles réussis (record de la rencontre, à égalité avec son coéquipier du milieu, Federico Valverde). Cette soirée est la continuité d’un début de saison qui le voit globalement se mettre tout le monde dans la poche, d’autant plus quand on sait que Bellingham a aidé son nouveau club à se sortir de galères, comme à Vigo (0-1), contre Getafe (2-1) et encore l’Union Berlin (1-0). L’Anglais, déjà excellent lors du dernier Mondial et loué cette semaine par Ancelotti pour sa personnalité (« Je trouve surprenant qu’il n’ait que 20 ans. Par son caractère, il a l’air d’en avoir 30 »), réussit surtout pour le moment un premier petit exploit que peu de joueurs réussissent à accomplir dans une carrière : attirer sur ses rencontres des regards plus larges que ceux des supporters de son équipe. C’est aussi ça la différence.
Par Maxime Brigand