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Real Madrid-Eintracht Francfort : remake de la meilleure finale de l’histoire de la Coupe d’Europe
La dernière fois que l'Eintracht Francfort s'est présenté sur une pelouse face au Real Madrid, les deux clubs se sont livrés, selon les plus nostalgiques, la meilleure finale européenne de l’histoire. Perdants valeureux face à une équipe de stars, Di Stéfano et Puskás en tête, les Aigles n'ont depuis plus cédé face à une équipe espagnole et ils feront tout pour que la série continue ce mercredi soir lors de la Supercoupe d'Europe, à Helsinki.
La dernière fois que l’Eintracht Francfort a affronté le Real Madrid en match officiel, les Merengues ont remporté leur cinquième Coupe d’Europe de rang dans une rencontre encore aujourd’hui présentée comme « la meilleure finale de l’histoire de la Coupe d’Europe » . Nous sommes un 18 mai, en 1960. L’Eintracht Francfort a alors réussi à priver les Rangers d’une finale à domicile en s’imposant sur un score cumulé de 12-4 (!) en demi-finale et devient l’invité surprise de cet évènement mondial, scruté par quelque 70 millions de téléspectateurs. En face, c’est la routine pour le Real Madrid, qui a déjà gagné les quatre premières éditions de la compétition et s’apprête de nouveau à rouler sur cette pauvre équipe valeureuse, mais perdante sur le papier. Sur la feuille de match, justement, on retrouve les noms ronflants d’Alfredo Di Stéfano, Ferenc Puskás ou Paco Gento. À l’image de l’équipe de l’Eintracht qui affrontera le Real Madrid ce mercredi soir soixante ans après, les Aigles de l’époque apparaissent déjà comme une équipe ayant comme principal atout son collectif, bien loin de la flopée de stars en maillot blanc. Francfort est aussi la première équipe allemande de l’histoire présente en finale de Coupe d’Europe.
Di Stéfano en maître, Puskás en soldat
Dans un Hampden Park mystérieusement acquis à la cause allemande, Paco Gento grille une dernière clope sur son aile gauche à l’entraînement, sous les yeux d’un jeune Alex Ferguson séduit par l’équipe madrilène, mais qui croit dur comme fer en l’Eintracht, qui a réussi à battre ses Rangers. Au coup d’envoi, les Allemands créent la surprise et viennent taper les montants de Rogelio Domínguez. Puis, à la 18e minute, Richard Kress marque et tout le public se lève une première fois pour applaudir. Les présents ne se rassiéront pas de la soirée. Le coup porté à l’orgueil du Real Madrid réveille Di Stéfano. À 34 ans, l’attaquant ne se fait plus appeler la Flèche blonde, mais il est toujours le maître des Merengues, aussi arrogant que brillant. Même au crépuscule de sa carrière, son endurance et sa capacité à contrôler les matchs font de lui-seul l’âme de toute l’équipe. Dernière illustration en date : le souvenir d’une ultime journée de championnat, où Di Stéfano et Ferenc Puskás se battent sur les hauteurs du classement des buteurs et où le premier, seul face à un but vide, fait la passe au second pour lui laisser sa couronne.
Celui qui est le seul à pouvoir définir son poste, naviguant de la défense à la pointe de l’attaque, s’avère une fois de plus inarrêtable pour l’équipe adverse. L’Eintracht en fait les frais. Lui qui a marqué lors de chacune des quatre finales de Coupe d’Europe précédentes égalise, puis fait passer les siens devant : 2-1. S’entame alors ce qu’un individu post-2017 aurait appelé une remontada. Ferenc Puskás s’illustre à son tour et permet au Real Madrid de rentrer aux vestiaires avec une solide avance. Puis, il marquera trois autres buts à la reprise. Une revanche pour le Major galopant, qui avait rejoint le Real Madrid en 1958 avec des kilos en trop. « Je ne peux pas jouer, je suis trop gros », avait-il dit à Santiago Bernabéu. Le Real l’avait signé malgré tout. Son quadruplé est aussi une petite revanche plus patriotique. Six ans auparavant, après la défaite de la Hongrie contre l’Allemagne de l’Ouest en finale de la Coupe du monde, il avait accusé ses adversaires de se doper. Même s’il s’était ensuite rétracté, il n’avait pas été pardonné. Les autorités allemandes du football avaient donc interdit à toutes leurs équipes de jouer contre une équipe comptant Puskás dans ses rangs et le numéro 10 du Real avait dû présenter des excuses officielles avant d’affronter l’Eintracht en finale. Le club allemand s’en serait sans doute bien passé.
Une nuit de records
Entouré des autres stars Paco Gento à gauche et du Brésilien Canário à droite, le Real enfonce ses griffes dans sa proie du jour, qui se battra jusqu’au dernier souffle. Alors que le tableau de craie affiche 6-1, Erwin Stein ramène les siens dans la partie une première, puis une deuxième fois. Entre temps, Alfredo Di Stéfano a porté le coup de grâce pour s’adjuger un triplé. L’arbitre use de son dernier souffle après dix buts validés pour siffler la fin de la rencontre. 7-3 : un record de buts lors d’une finale de Coupe d’Europe, qui n’a jamais été égalé depuis. Les Madrilènes sont champions d’Europe pour la cinquième fois consécutive, encore un record. En tribune aussi, un record est tombé : 127 621 personnes se sont réunies pour ce « privilège », comme le qualifiera alors Hugh McIlvanney, qui a couvert le match pour The Scotsman. « Le grand stade de Glasgow a répondu par l’ovation la plus forte et la plus soutenue qu’il ait jamais donnée à des athlètes non écossais, écrit le très célèbre journaliste écossais depuis son strapontin avant d’envoyer rapidement son compte rendu à la mise sous presse. Ils ont été émus par l’expérience de voir un sport joué à son niveau ultime. De même, leurs hommages à l’Eintracht, une équipe dont la qualité méritait mieux que le rôle de perdant héroïque, contenaient une révérence que l’Écosse ne peut égaler. » Des années plus tard, le même journaliste a décrit cette finale comme « un tournant » : « C’était le jeu tel que nous avions toujours su qu’il pouvait et devait être joué. »
Par Anna Carreau