- C1
- Finale
- Atlético-Real (1-1, 3 tab 5)
Real, la onzième rugissante
El Rey de Europe a une onzième fois frappé du poing sur la table. Un sacre aux forceps, à la force des nerfs plus que des cuisses, qui rend à Zinédine Zidane des airs de sauveur du Madridismo. Pour autant, le chantier merengue reste entier, à moins qu’il n’ait fait de la schizophrénie son identité.
L’épique et la gloire s’écrivent dans la souffrance. Depuis la nuit des temps, ou la création d’un sport appelé football, ces récits homériques se construisent également à la plume de héros. De Zinédine Zidane à Cristiano Ronaldo, du trou noir de la mi-janvier jusqu’au sacre de Milan, le Real Madrid tient bien une nouvelle légende à conter à ses socios. Une Undécima à la saveur si singulière : confirmant le statut de rois d’Europe des Merengues, elle ne récompense pas la meilleure équipe madrilène, ni même continentale.
D’aucuns disent que seule la victoire compte, d’autres racontent qu’il faut laisser le succès à ceux qui en ont besoin pour exister. Car si le Real est un vainqueur légitime, l’Atlético offre le visage d’un perdant magnifique. Même si Simeone, en gladiateur à l’honneur intact, parle « d’un échec, car personne ne se souvient du second » , le capitaine Sergio Ramos lui répond par les honneurs que cet Atlético mérite : « Certains gagnent, d’autres perdent, mais il faut féliciter l’Atlético pour la superbe saison qu’il a faite. » Superbe, mais insuffisant, encore une fois.
Zidane, de Glasgow à Milan
L’enceinte de San Siro n’est pourtant pas un théâtre propice pour les aficionados merengues superstitieux. En quatorze visites dans l’enceinte des deux Milan, le Real ne s’y est jamais imposé. Une donnée historique qui n’empêche donc l’histoire madridista d’accueillir une nouvelle nuit magique au final héroïque dans son armoire à trophées. Pourtant, loin du coup de casque de Sergio Ramos au bout de la nuit lisboète, ce sacre ne relève pas de la même saveur. Quand la Décima, attendue par tout le Madridismo depuis la reprise de volée de Zidane sous la pluie écossaise en 2002, ne souffrait aucune contestation malgré l’héroïsme de l’Atlético, cette onzième couronne européenne renvoie à des airs de hold-up. Bouilli par une pré-saison placée sous le signe des dollars australiens et chinois, déboussolé à la mi-saison par le renvoi d’un Benítez dont la greffe n’a jamais pris, le Real s’est retrouvé autour de l’union sacrée personnifiée par Zinédine Zidane. Le chouchou du Bernabéu, la faiblesse de Florentino Pérez, le porteur de paix institutionnelle s’est encore une fois mué en trèfle à quatre feuilles merengue.
Une schizophrénie identitaire ?
La recette de cette Undécima réside ainsi plus dans le caractère de compétiteur et la nécessité de succès des troupes de Zidane que dans le parcours des Madrilènes. Car, avec des adversaires aussi peu effrayants que la Roma, Wolfsburg et Manchester City sur sa route, le Real a été épargné des équipes de son calibre. De loin, il a assisté aux luttes intenses entre Juve, Bayern, Barça et Atlético, tout en se rachetant un physique. Car même lorsque Bale et Modrić étaient pris de crampes lors de cette prolongation, certains membres de l’Atlético étaient également sur les rotules, eux qui sont réputés pour leur endurance extrême.
Le talent individuel, certes effectif depuis la reprise en main de ZZ, a encore une fois caché un collectif sans identité. Et ce ne sont pas les sempiternels coups de tête de Florentino Pérez qui pourront aider le onze merengue à en connaître une, à moins que, justement, cette schizophrénie chronique soit l’ADN de ce club. Pour sûr, lors de trois de ses conquêtes européennes (1960, 2000 et 2016), le Real a changé d’entraîneur en cours d’exercice. Reste à savoir jusqu’à quand la divinité marseillaise pourrait continuer à écrire l’histoire merengue.
Par Robin Delorme