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Real-City : débat en haut
Une semaine après une manche aller enflammée, le Real Madrid et Manchester City se retrouvent mercredi soir, au Bernabéu, pour désigner le deuxième invité d'une finale de C1 qui se jouera au Stade de France à la fin du mois. C'est aussi deux visions du foot qui vont débattre : le foot des individus contre celui de l'expression collective.
« Il n’y a pas de secret : on travaille dur tous les jours. » Ainsi Karim Benzema, arrivé sans carte et sans boussole en 2009 à Madrid avant de progressivement devenir l’un des aventuriers les plus affûtés de l’une des îles les plus uniques de l’histoire du foot, est venu poser le point final d’une drôle de soirée, mardi dernier à l’Etihad Stadium de Manchester. L’attaquant français, qui disputait alors le 600e match de sa vie sous le maillot du Real, n’a plus 21 ans, mais désormais 34, et ne cesse d’enchaîner les miracles au cœur d’une saison où il s’amuse à faire plus que jamais déborder la marmite. On peut en parler avec des chiffres – 42 buts marqués en 42 matchs disputés toutes compétitions confondues, dont 14 en 10 rencontres de Ligue des champions, et 13 passes décisives –, mais aussi avec des images : Benzema est aujourd’hui le symbole d’un Real mystérieux, mais heureux, vainqueur ce week-end du 35e titre de champion d’Espagne de son histoire, qui représente fièrement le football des joueurs. Un football, dirigé par un fils de paysans devenu entraîneur sage dont les qualités de pacificateur brisent les frontières, qui se conjugue au chaos plutôt qu’à l’ordre, brille grâce aux idées d’individualités installées dans un cadre simple et peut être un objet d’étude déroutant.
Mercredi soir, au sein d’un Santiago-Bernabéu dont les pouvoirs ont été une énième fois décryptés lors des heures précédant l’absorption du PSG par l’irrationnel au tour précédent, c’est un nouvel épisode qui va se jouer : battu d’un poil au tableau d’affichage (4-3) par City lors d’une première manche qui l’a malgré tout vu être dévoré sur de longues séquences, le Real, encore miraculeusement en vie dans cette confrontation, a l’occasion de rejoindre la dix-septième finale de C1 de son histoire. Le Manchester City de Pep Guardiola lui est pourtant supérieur, de loin, mais le Real reste le Real, ce que Xavi avait parfaitement détaillé après une défaite du PSG au Bernabéu (3-1) en février 2018 : « J’ai déjà vécu ça avec le Barça. Tu te dis :« Putain, on est en train de mieux jouer qu’eux. »Tu tapes sur le poteau, et là, tu penses :« Aïe, aïe, aïe, pourquoi elle n’est pas rentrée celle-ci… »Là, t’as à peine le temps de te lamenter que le Real t’a déjà marqué un but en contre-attaque. Avec eux, il n’y a pas de« aïe, aïe, aïe » ou de « ouille, ouille, ouille ». Ils ne font pas de chichi. Si tu ne les enfonces pas, ce sont eux qui t’enfoncent. Ça fait plus de trente ans que le Real aborde ses matchs comme s’il s’agissait de bras de fer. Ils vivent chaque rencontre comme un duel. Ils te regardent droit dans les yeux et ils te défient. Tu veux attaquer ? Vas-y, nous aussi on va le faire, mais si vous ne marquez pas, nous, on la mettra dedans. »
Un test de personnalité et une fête à continuer
Pep Guardiola connaît cette histoire sur le bout des doigts, et c’est pourquoi il a présenté cette demi-finale retour à Madrid comme un « test de personnalité » pour ses hommes. Dans sa masterclassdonnée récemment à The Coache’s Voice, consacrée à l’exploit de Liverpool face au Barça en mai 2019, Pep Lijnders, l’adjoint de Jürgen Klopp, insiste sur le fait que le pire ennemi des joueurs est « le doute ». Ce qui nous ramène à l’essence même de ce qu’est City : un représentant du football des plans, des circuits travaillés, de l’expression collective. Lors du feu d’artifices de la manche aller, c’est grâce à leurs certitudes et à leur supériorité collective que les Mancuniens ont mené de deux buts à trois reprises et plusieurs recettes travaillées depuis l’arrivée de Guardiola sur le banc de City ont été servies sur la table. Les deux premiers buts inscrits par les Citizens sont notamment venus d’un mouvement classique, où l’adversaire de City est étiré des deux côtés sur la largeur pour engendrer des doutes, du surnombre et des espaces à attaquer pour d’autres joueurs offensifs lancés plus que placés.
On a également vu, pêle-mêle, la capacité des locaux à mettre en situation d’urgence leurs invités, les centraux prendre des initiatives balle au pied ou encore un joueur (Zinchenko) occuper trois rôles dans la même rencontre. Cela n’a pourtant pas suffi : Pep Guardiola a aussi vu ses hommes, plus brillants en transition que sur des phases d’attaque placée où le Real n’a pas concédé grand-chose, croquer plusieurs opportunités dorées. Au cours de ce premier débat, l’écart de niveau entre un City rodé et un Real qui a avant tout été assez malin pour convertir les petites portes ouvertes par son adversaire a souvent semblé colossal. Deux visions du foot se sont affrontées, presque deux visions de la vie, et la soirée du Bernabéu va devoir en récompenser une. Le Real, privé de David Alaba pour ce retour, est désormais délesté du stress d’une course au titre, au contraire de Manchester City, qui a dû attendre la deuxième période de son déplacement à Leeds pour s’amuser un peu samedi dernier. Tout semble pouvoir se passer et il est probable qu’un peu de tout va se passer dans cette demi-finale retour qui devrait, de nouveau, faire glisser au second plan les considérations tactiques. Allumez les lumières. Que la fête continue.
Par Maxime Brigand