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Reading se met au russe
Reading est de retour en Premier League. Avec un nouveau président russe bien fagoté, bien accompagné, bien fortuné et d'une opacité d'école. Lui, c'est Anton Zingarevich, fils de Boris et mari d'une Yekaterina. Mais qui es-tu, Anton ?
Roman Abramovitch n’est plus seul en Premier League. A la table des proprios peut désormais s’asseoir Anton Zingarevich. Ce Russe a peut-être un patronyme de dresseur de chevaux, il est surtout depuis le mois de mai, le nouveau boss du Reading FC, champion de D2 en mai. Schéma d’acquisition en deux temps : prise de contrôle majoritaire (51%) à 12,5 millions de livres en mai 2012 puis 12,5 millions d’autres livres en septembre 2013, pour racheter les 49% restants. 25 patates donc pour un jeune homme de 29 ans qui se met plutôt bien. La fortune d’Anton est aujourd’hui estimée à quelque 500 millions de livres, la société qui a racheté Reading, Thames Sports Investment, et une femme biélorusse qui n’a pas le physique d’une lanceuse de poids mais plutôt celle d’une égérie de Victoria Secret. Son petit nom : Yekaterina Domanka, Katsia pour les initiés. Mais malgré sa dégaine d’homme propret, mèche Playmobil, coupe en casque, Anton Zingarevich n’a pour l’instant toujours pas répondu à la question que tout le monde se pose : comment a-t-il amassé tout ce paquet de billets, à 29 ans ?
Papa et tonton flingueurs
Première piste. Anton a écumé les quelques très belles écoles que compte l’Angleterre. Le Bearwood College d’abord, soit l’ancienne École de la marine marchande de la couronne. Le Regent’s College London et la Cass Business School ensuite, une école qui a diplômé l’actuel patron de Coca ou d’EasyJet. Anton serait donc une tête, et ferait partie de cette caste des cracks du business mondial. Ou alors Anton viendrait tout bonnement d’une famille bien argentée. Une deuxième piste se dessine. Oui, papa n’est pas du genre à vérifier son compte courant en fin de mois. Boris Zingarevich pèse 3,2 milliards de livres. C’est la star du timbre et du papier en Russie, grâce à sa société Ilim Pulp, et un poste de vice-président d’Ener1, une société de batterie pour voitures écolo, domiciliée à New-York.
Boris, c’est aussi un peu plus que ça. D’après le site bien informé rumafia.com, Zingarevich senior appartiendrait au milieu du crime international et aurait prospéré en rachetant dans les années 90 une trentaine d’entreprises du papier pour une bouchée de pain. Bizarrement, la fin de ces nineties devient difficile pour les concurrents d’Ilim Pulp. Bombes, morts suspectes, kidnappings, passages à tabac, le milieu du papier et du timbre russe prend les traits d’un coupe-gorge, sauf pour cette chère Ilim Pulp. La justice n’a jamais poussé les enquêtes même si dans la région du géant du papier, l’Arkhangelsk, les « frères Zingarevich » jouissent d’une réputation de durs à cuire, capables par leur simple présence de provoquer le départ d’un convive sur deux lors d’une réception en l’honneur du gouverneur de la province, en janvier 2002. Un coup de force, une Zlatan.
Curaçao et péché mignon
En clair, le pedigree familial interroge la crédibilité du fiston, par simple procès d’intention ou principe de précaution. Car tout le monde ignore toujours d’où vient le pognon du nouveau boss de Reading. Sir John Madjeski, jusqu’alors propriétaire du club, annonçait en janvier l’accord de vente de 51% des parts du club à Thames Sports Investment (TSI). Ne manque plus que la validation de la transaction par la Football League puis la Premier League. Un actionnaire à plus de 30% doit en effet en Angleterre passer une sorte de contrôle d’intégrité. Les autorités du foot anglais pédaleront pendant 4 mois dans la semoule, bloquées par ce foutu secret bancaire de Gibraltar, la belle cachette de TSI. Et Anton verrouille bien l’affaire grâce à son conseiller financier et représentant, Christopher Samuelson. L’homme est l’un des plus fins limiers en placements « rémunérateurs » discrets et/ou off-shore. Un renard. Sa société Mutual Trust est enregistrée en Suisse et dispose de filiales à Brunei, Chypre, Gibraltar ou Curaçao. Il fut aussi sali pour des histoires de blanchiment d’argent. Paradoxal.
Le 29 mai 2012, la Premier League valide quoi qu’il en soit la vente entre TSI et Sir John Madjeski, qui se veut alors rassurant : « Non seulement, Anton Zingarevich vient d’une famille très riche, mais en plus il a été éduqué dans la région, il connaît. Il a l’amour du club et du football (…) Pour TSI, je n’ai aucune crainte quant à leurs références ou leur intégrité. Anton remplit toutes les conditions et nous pouvons nous estimer chanceux d’avoir un type comme lui » . Le patron russe imagine un plan en cinq points : se maintenir en Premier League, garder ses meilleurs joueurs par une meilleure fiche de paie, augmenter la capacité du stade et « intégrer le Top 10 » . Les moyens déployés seront néanmoins moins spectaculaires que ceux du compatriote Roman. Madjeski, qui conserve la présidence pour une dernière année, explique la philosophie générale : « Je ne veux pas que les gens voient Reading comme un club au chéquier illimité. Nous serons aussi précautionneux qu’auparavant. Nous aurons la possibilité de nous renforcer, mais d’une manière sensible, à la manière Reading » . Et de conclure par une phrase qui reste peut-être bien le meilleur résumé de cet Anton Zingarevich de 30 ans, qui se gave, avec une écharpe blanche et bleue autour du cou : « Aujourd’hui, le football, c’est le petit péché mignon de l’homme super riche » .
Ronan Boscher, propos recueillis par Press A