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RC Lens, les recrues sont déjà là
À Lens, on n'a pas de recrues, mais on s'en fout presque. Depuis que les quatre millions d'euros d'Hafiz Mammedov se sont volatilisés et que la DNCG a interdit au Racing de recruter, les plans B Sang et Or font le boulot, qu'ils soient issus du centre de formation ou en fin de course...
« J’attends de voir les moyens que l’on mettra à la disposition du club, à ma disposition, pour pouvoir recruter une équipe. Je suis très attentif à cela. Je ne demande pas des moyens considérables, mais je veux avoir un minimum d’argent. Il faut renforcer le groupe pour avoir une belle équipe. » Kombouaré version mai 2014, sur le site officiel du RC Lens. À ce moment, les Sang et Or sont assurés de remonter en Ligue 1 et sont également persuadés d’avoir leur Roman Abramovitch à eux en la personne d’Hafiz Mammedov. Il faut dire qu’avant d’avoir des problèmes de code IBAN, puis de calendrier avec la fête nationale azérie, l’actionnaire majoritaire du Racing promettait du lourd. Falcao ? Ibrahimović ? Pourquoi pas, si le club en a besoin, promettait-il aux supporters. Et une enveloppe de 15 millions à son coach pour monter une équipe à même de viser la 10e place en championnat.
Quatre mois et quatre millions d’euros plus tard, Antoine Kombouaré et le peuple lensois ont déchanté : montée validée au dernier moment par la DNCG, recrutement bloqué… Et donc l’obligation de faire avec les moyens du bord. « Il n’y a pas de recrues, c’est ennuyeux bien sûr, mais au moins, ça permet à d’autres joueurs d’avoir leur chance, de s’exprimer » , expliquait le coach artésien avant la victoire à Lyon lors de la 3e journée. Juste après un second succès de rang contre Reims, un soupçon d’optimisme pointait : « On peut penser que certains joueurs ont élevé leur niveau de jeu parce qu’ils ont senti une opportunité. Je leur avais dit très vite : vous avez une chance fantastique, profitez-en ! » Optimiste mais pas inconscient : Kombouaré a toujours envie de recrues afin « de ne pas envoyer certains jeunes au casse-pipe » . D’ici l’arrivée des millions promis par le grand patron, il devra néanmoins se contenter des piliers suivants : Rudy Riou, Jérôme Le Moigne, Lalaina Nomenjanahary, Wylan Cyprien ou encore Adamo Coulibaly. Présentations.
Rudy Riou, le gardien en sursis
Vétéran voué à un rôle de doublure et taulier de vestiaire, Rudy Riou, avec ses 15 saisons professionnelles, est l’un des grands gagnants de l’été. Alphonse Areola, puis Gianluca Cerci, les numéros 1 annoncés, ont successivement disparu de la circulation en raison des problèmes administratifs du club. Plus exposé, mais pas malheureux, l’ancien de Montpellier et Marseille. En août, un sondage organisé par Lensois.com révélait que 86% des participants n’avaient pas confiance en lui. Aujourd’hui, il tient pourtant la baraque, avec encore une parade décisive contre Bastia, et vit avec philosophie le fait d’avoir une épée de Damoclès au-dessus du crâne : « Je ne sais pas combien de temps cela va durer. Je donne le meilleur à chaque fois. Je jouerai si je suis performant et ce sera une fierté. Avoir des états d’âme est un frein au haut niveau. On n’est pas payés pour rechigner à la tâche. J’attends l’arrivée d’un autre gardien sans surprise. Les rapports avec l’entraîneur sont loyaux, sans langue de bois. C’est le moteur du respect » , indiquait-il sur le site MadeInLens. Son été indien pourrait durer jusqu’à mai prochain.
Jérôme Le Moigne, capitaine courage
À 31 ans, l’actuel capitaine Sang et Or ne compte qu’une dizaine de matchs en Ligue 1, découverte sous le maillot de Sedan il y a sept ans. Un bon présage pour le Racing ? Il a planté son seul pion en Ligue 1 contre les Artésiens. Ce natif du Sud – il est né à Toulon -, mais Nordiste d’adoption depuis qu’il a rejoint Sedan en 2006 puis Lens en 2012, n’a pas le profil de la star glamour, même si, à Sedan, on l’avait déjà comparé à Javier Pastore. Pour sa grande taille. Si son niveau technique n’égale pas celui de l’artiste du PSG, Jérôme Le Moigne pourrait quand même être l’une des cautions morales du groupe : la difficulté, il connaît, lui qui s’est rompu les ligaments croisés en novembre 2006, mettant fin prématurément à sa seule saison en Ligue 1. Celle d’après, il évoluait en Ligue 2, son club n’ayant su se maintenir sans lui. Légèrement poissard Jérôme Le Moigne, mais toujours de bonne volonté, comme en atteste ses propos sur l’inter-saison lensoise, tenus dans La Voix du Nord en début de saison : « Si on écoute tout, c’est pesant. De toute façon, on n’est pas au courant de ce qui se passe. On se contente de ce qu’on peut maîtriser : mettre toutes les forces vives sur le terrain et se serrer les coudes au quotidien. Pour l’instant, ça marche bien. »
Lalaina Nomenjanahary, la nouvelle perle malgache
Appelez-le Lalaina, voire le TGV malgache. Car son nom de famille risque de poser problème. Originaire de Madagascar, footballeur sur le tard après avoir au préalable obtenu son bac, le milieu offensif gauche est la nouvelle star malgache du RC Lens. S’il est là, c’est justement grâce à son illustre prédécesseur et champion de France 98, Hervé Arsène, pilier des Sang et Or dans les années 90. C’est l’ancien défenseur qui a fait le forcing pour faire débarquer son compatriote à Avion, d’abord, puis dans la réserve du Racing. Les débuts dans le Nord de la France n’ont pas été des plus heureux, comme le confiait Lalaina dans L’avenir de l’Artois il y a plusieurs mois : « C’était trop dur, il faisait très froid. Moi, quand on me disait qu’il faisait froid, je pensais que c’était comme chez nous, vers les 20° degrés… Jamais je n’aurais pensé jouer sur de la neige. » Être tout simplement footballeur d’ailleurs n’était pas dans les plans du joueur de 28 ans : « Comme tous les enfants, je rêvais d’être footballeur quand j’étais plus jeune, mais c’était un rêve, pas un objectif. C’est pour ça que je n’avais aucune idole, je ne me projetais pas du tout dans le football. Je jouais tout le temps dans le quartier, et je ne me suis jamais inscrit dans un club. Ce sont les superviseurs qui sont venus me chercher. » Des recruteurs qui ont failli l’envoyer à Hambourg en 2009, avant que le transfert ne capote pour des problèmes de visa. Aujourd’hui, il est devenu titulaire sur le flanc gauche lensois, a marqué son premier but en Ligue 1 à Lyon le 24 août, et servi un caviar pour Chavarría le week-end passé à Bastia. Nul doute que le meilleur joueur lensois 2012 selon La Voix du Nord va faire gagner quelques points à son équipe d’ici mai. Avant de viser plus haut ?
Wylan Cyprien, l’emblème
Les supporters de Reims ne l’aiment probablement pas, mais ils ne l’oublieront pas de suite. Lors de la 4e journée, le jeune international U19 a égalisé pour Lens d’une mine dans la lucarne gauche de Placide, pour se qui s’est terminé en fête du football au Stade de la Licorne d’Amiens (4-2). « Mon but ? C’est clair qu’il est pas mal, mais ce n’est pas un aboutissement » expliquait le jeune homme à La Voix du Nord après la victoire lensoise. À seulement 19 ans, le jeune Guadeloupéen est installé dans le onze de base d’Antoine Kombouaré depuis trois matchs, série d’invincibilité en cours pour les Sang et Or. Débarqué du Paris FC en 2008, il avait déjà réussi à disputer 29 matchs toutes compétitions confondues la saison passée. Pour son coéquipier et concurrent Pierrick Valdivia, qui s’est exprimé après la victoire contre Reims sur Lensois.com, pas de doute, le gamin va faire une belle carrière : « Il apprend tous les jours et reste à l’écoute des anciens. Il ne peut que réussir car il vient à l’entraînement avec la banane. » Plus qu’un nouveau titulaire, Wylan Cyprien est aujourd’hui un symbole d’espoir pour le Racing : interdit de recruter, le club doit s’appuyer sur son centre de formation pour espérer quelque chose de la saison en cours. Cyprien n’est qu’un exemple parmi d’autres de cette jeunesse lensoise qui profite des déboires administratifs et financiers du club pour se faire une place au soleil…
Adamo Coulibaly, le grand voyageur
Seulement six buts en Ligue 2 la saison passée, 33 ans au compteur. Quand Mister Mammedov rêvait tout haut de Falcao, les supporters lensois n’imaginaient sûrement pas qu’ils feraient la saison de Ligue 1 avec Adamo Coulibaly comme maître artificier. Passé professionnel sur le tard, en 2007 avec l’équipe belge de St-Trond, l’attaquant franco-ivoirien s’est fait connaître entre 2009 et 2013 sous les couleurs de Debrecen, avec lequel il a gagné des titres sur la scène hongroise – deux championnats et trois coupes nationales notamment – et surtout disputé la Ligue des champions. Avec 4 buts au total dans la compétition reine du football européen, Coulibaly fait aussi bien que Radamel Falcao, comme quoi rien ne sert d’aller chercher le bonheur trop loin… Coulibaly fait ses matchs sans rechigner : cinq titularisations, de la présence physique contre les défenses adverses et un but contre Reims… Et puis quelqu’un qui a travaillé de nuit dans l’usine Peugeot de Poissy quand il jouait pour l’AS Poissy de Karl Olive est sûrement plus adapté au projet lensois qu’un enfant gâté colombien qui fuit la Ligue des champions comme la peste.
Par Nicolas Jucha