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Raz de Mahrez
En l'espace d'une soirée, dimanche, l'histoire de Mahrez avec la sélection algérienne a pris une toute nouvelle tournure. Contre le Nigeria, l'attaquant de 28 ans a pris ses responsabilités sur le terrain comme en dehors, assumant ainsi son nouveau statut de capitaine en sélection depuis l'arrivée de Djamel Belmadi. Costaud.
Le temps additionnel est dépassé depuis vingt-cinq secondes, mais ce n’est pas le moment d’avoir les yeux rivés sur le chronomètre. Sur la pelouse du stade international du Caire, Youcef Belaïli et Riyad Mahrez sont près du ballon pour ce que les commentateurs aiment appeler un coup franc intéressant. L’Algérie et le Nigeria sont alors dos à dos (1-1), et la prolongation semble s’imposer comme une évidence pour tout le monde. Sauf pour l’attaquant de Manchester City. En quelques centièmes de seconde, tout bascule : Mahrez s’élance et voit sa frappe brossée puissante passer entre Etebo et Collins pour finir sa course au fond des filets d’Akpeyi. Fin, les Fennecs sont en finale de la Coupe d’Afrique des nations pour la première fois depuis 1990. Le but d’une vie pour un bonhomme de 28 ans, essoufflé et heureux au moment de se présenter au micro de beIN Sports pour réagir à chaud : « On a eu les occasions pour tuer le match, on ne l’a pas fait. Les deux formations se cherchaient, se valaient, ce n’était pas facile de se procurer des opportunités. Mais on a été solides, à part leur penalty après vidéo, ils n’ont pas eu grand-chose. Et puis il y a eu ce coup franc, j’ai pris mes responsabilités et je l’ai mis. » La preuve ultime que le costume de leader n’est pas trop grand pour lui.
Sans pression
L’histoire de Mahrez avec l’Algérie avait besoin d’un nouveau tournant après un quinquennat de déceptions et de fulgurances, lancé le 31 mai 2014 par deux passes décisives lors d’un succès contre l’Arménie (3-1) et une titularisation contre la Belgique trois semaines plus tard pour l’entrée en lice des Verts à la Coupe du monde 2014. Et depuis ? Beaucoup de frustration engendrée par deux échecs à la CAN – malgré des statistiques correctes pour le natif de Sarcelles – et une absence au Mondial en Russie l’été dernier. Mais aussi un nouveau statut acquis grâce à ses performances à Leicester et son transfert onéreux à Manchester City en juillet 2018 (68 millions d’euros). « On ne va pas se mentir, quand on joue dans un grand club, on a toujours une certaine pression quand on revient au bled, confiait Mahrez en conférence de presse après la victoire contre le Sénégal en phase de groupes. C’est sûr qu’on doit faire la différence, mais on n’est pas seuls, il faut dix joueurs derrière nous pour réussir. » L’effet Djamel Belmadi.
L’arrivée du technicien sur le banc de l’Algérie en septembre 2018 a tout simplement permis à Mahrez de prendre une nouvelle dimension avec les Fennecs. La recette magique de Belmadi ? Mettre sa star en confiance pour lui permettre de se fondre dans le collectif et lui enlever de la pression en pleine compétition après un premier succès contre le Kenya : « Il faut mettre moins de focus et d’attention sur Mahrez, surtout si on veut réussir une grande CAN. On sait qu’il est talentueux et qu’il joue dans un grand club, mais il ne faut pas lui mettre trop de pression. Riyad n’a pas envie d’avoir le statut de star. » Mais cela ne l’a pas empêché d’accepter le brassard de capitaine et ses conséquences depuis le début de l’année civile. « Je suis prêt à assumer mon rôle de capitaine, assurait-il avant le début du tournoi en Égypte. Être leader sur ou en dehors du terrain est une grosse responsabilité, mais il y a d’autres joueurs qui peuvent le faire aussi. » Peu importe le discours modéré, les actes sont là.
Leader tout-terrain
Sur le terrain, d’abord, où le Citizen a assumé son statut, au contraire de Mohamed Salah ou Hakim Ziyech, bénéficiant peut-être de plus de fraîcheur après une saison passée dans la rotation des nombreux attaquants à disposition de Pep Guardiola. Depuis le début de cette CAN 2019, Mahrez n’est pas toujours éblouissant, mais il joue juste et il s’est imposé comme une pièce essentielle d’un collectif bien huilé. Puis il n’a pas bronché au moment de laisser sa place à Adam Ounas à la 86e minute d’un quart de finale tendu contre la Côte d’Ivoire, assistant du banc à la prolongation ainsi qu’à l’irrespirable séance de tirs au but. Comme pour accepter le fait qu’un simple brassard ne le rend pas intouchable, même si ce coup franc contre le Nigeria devrait lui offrir du crédit dans le cœur des supporters algériens au moins jusqu’à vendredi.
??? le coup franc était pour toi. On est ensemble ???? https://t.co/nQrkYIrUU0
— Riyad Mahrez (@Mahrez22) 14 juillet 2019
En dehors du terrain, Mahrez est également impeccable. Souvent présent en zone mixte pour calmer les ardeurs après un succès ou partager son bonheur, l’ancien joueur du Havre a aussi brillé sur les réseaux sociaux après la rencontre face au Nigeria. Au menu : Julien Odoul, président du groupe Rassemblement national de Bourgogne Franche-Comté, qui avait réclamé une victoire des Super Eagles contre l’Algérie afin d’éviter « la marée de drapeaux algériens » et « préserver la fête nationale » . « Le coup franc était pour toi. On est ensemble » , lui a-t-il répondu quelques minutes après son pion, après avoir demandé aux fans des Verts de « célébrer dignement sans tout gâcher » sur beIN Sports. Un symbole fort lancé par un homme d’origine algérienne, né en France et qui aura touché ses premiers ballons sur les pelouses hexagonales (comme treize autres joueurs du groupe de Belmadi), sans jamais renier son attachement au pays de ses parents. « Mon père me prenait souvent avec lui en vacances en Algérie, je me sentais depuis plus algérien et ça me tenait à cœur de porter le maillot de l’Algérie, racontait-il sur le plateau du Canal Football Club en 2016. Je suis très content d’avoir exaucé ce rêve. » Rendez-vous vendredi pour une nouvelle folie.
Par Clément Gavard