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Raynald Denoueix : « Cette médaille de champion de France ne m’appartient plus »

Propos recueillis par Clément Gavard
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Raynald Denoueix n'a pas perdu le sens du collectif. La semaine dernière, l'ancien maître du jeu nantais a décidé de mettre aux enchères sa médaille de champion de France reçue en 2001, provoquant la mobilisation des supporters canaris pour la lui rendre. Résultat, l'homme de 71 ans ne veut pas la récupérer. Au bout du fil, malgré une petite forme, Denoueix raconte sa gêne, son lien avec le FC Nantes, son rapport au foot d'aujourd'hui et son pessimisme pour l'après-crise sanitaire.

Avant de nous accorder cet entretien, vous avez fait savoir par message que ce n’était pas la grande forme en ce moment. Comment allez-vous aujourd’hui en ce 23e jour de confinement ? Pas bien, pas bien. J’ai un mal de dos chronique, ça fait horriblement mal. Tiens par exemple, je ne sais même pas comment je dois me tenir en te parlant au téléphone, s’il faut que je sois assis, debout, en train de marcher… C’est dur. Le confinement, j’y suis quasiment depuis juillet, donc je ne peux pas dire que ça change beaucoup de choses pour moi. Je me contente de me déplacer de temps en temps, pour deux ou trois balades, mais je ne sors pratiquement plus de chez moi.

La semaine dernière, vous avez pris la décision de mettre aux enchères votre médaille reçue lors du titre de champion de France obtenu avec Nantes en 2001. Racontez-nous cette initiative. Tout cela ne part pas de moi. Au départ, ce sont Frédéric Pineau et Antoine Josse, deux amoureux du club, qui m’ont sollicité. On se connaît un peu, on mange ensemble plusieurs fois par an, et ils m’ont parlé timidement de l’opération « SportAidons » de Cyril Dumoulin (le gardien de l’équipe de handball de Nantes, N.D.L.R.), un mouvement de solidarité du monde du sport en faveur des personnels soignants. J’ai tout de suite accepté d’apporter ma contribution. Je me suis demandé ce que je pouvais donner, je n’avais pas 150 objets de valeur… Je me suis dit que cette médaille, ça pouvait plaire aux gens, ça pouvait leur parler. Donc j’ai décidé de la mettre aux enchères pour la bonne cause, sans penser que cela allait déclencher autant de réactions.

Vous parlez sans doute de cette cagnotte lancée par les supporters nantais (469 participants, 13 355 euros collectés) pour remporter l’enchère et vous rendre votre médaille. Et ça a marché. C’est quelque chose qui me gêne énormément. J’ai du mal à accepter que l’on veuille me rendre un objet que j’ai donné. Sauf qu’en face de moi, ce n’est pas seulement une personne, ils sont très, très nombreux à s’être mobilisés. Je viens d’avoir Cyril Dumoulin, il m’a dit : « Ils vous apprécient énormément, je ne suis pas sûr que vous vous en rendez compte. Pour eux, c’est un geste de remerciement après le titre de 2001. » Bon, pourquoi pas, vu comme ça, mais ça me gêne toujours, elle n’est plus à moi. Il faudrait qu’elle soit exposée dans un endroit symbolique.

Vous n’allez donc pas la récupérer ? Il faut déjà savoir qu’elle est toujours chez moi cette médaille, compte tenu de la situation. On respecte le confinement, elle n’a pas bougé. Mais je le répète : je considère qu’elle ne m’appartient plus.

Il y a toujours des mecs qui parlent à leurs enfants, leurs petits-enfants, et c’est ça qui est magnifique dans le foot. Les gosses tombent dedans et l’histoire continue.

Je serais trop embêté de la garder. (Rires.) En revanche, je suis content si ça a pu booster les enchères, il faut aussi récompenser ceux qui donnent de leur personne pendant cette crise.

Mais le geste des supporters nantais vous a quand même touché, non ?Oui, bien sûr ! Même si je suis surpris, ça remonte quand même à il y a vingt ans. C’est ça qui est beau avec le foot : ça se transmet de génération en génération. Aujourd’hui, on retrouve encore des mecs pour qui Saupin, c’est La Mecque ! Ils parlent toujours de Robert Budzynski, Jean-Claude Suaudeau, Gaby De Michèle, Bernard Blanchet, Daniel Eon, et de tous les joueurs qui ont gagné les deux premiers titres du FC Nantes. Ils en parlent à leurs enfants, leurs petits-enfants, et c’est cela qui est magnifique dans le foot. Les gosses tombent dedans et l’histoire continue.

On sent que vous parlez d’un club que vous aimez. Après y avoir passé treize années comme joueur (1966-1979) et quatre autres en tant qu’entraîneur (1997-2001), quel lien gardez-vous aujourd’hui avec le FC Nantes ?(Il réfléchit.) Il reste encore quelques personnes que j’ai connues au club, mais elles sont peu nombreuses. Je regarde les matchs, ça s’arrête là. En vingt ans, les gens passent. Je ne connais plus aucun joueur personnellement, je connais parfois un peu les entraîneurs, mais je n’ai pas de lien direct avec le FCN, si ce n’est à travers la télévision ainsi qu’en suivant ce qui se passe autour du club au quotidien. Et forcément, il reste ce lien avec les supporters, des dingues du club, qu’il m’arrive de rencontrer.

Ne ressentez-vous pas une grande nostalgie chez les amoureux de Nantes ? La nostalgie, c’est inévitable dans le foot. Mais je crois qu’ils veulent surtout des titres, ils veulent gagner. Ils sont en manque de victoires. C’est à l’image de ce qui s’est passé à Rennes l’année dernière : gagner des finales, vivre des matchs qui sortent de l’ordinaire, c’est ce que tout le monde recherche dans le foot. C’est l’émotion ultime. Quand un père de famille raconte les moments vécus à Saupin, les enfants rêvent de vivre la même chose.


Personnellement, cela ne vous attriste pas de voir ce qu’est devenu le FC Nantes ?(Il coupe.) Ah non, je n’ai pas le droit de me prononcer là-dessus ! Je n’ai pas de jugements à porter sur l’évolution du club. Le foot a changé, il faut le prendre en compte, mais je ne suis pas à l’intérieur pour voir ce qu’il se passe. Je suis tout cela de loin, et je vois que ce sont souvent les plus costauds financièrement qui sont tout en haut. Bref, je ne suis plus dedans, donc je me tais.

En ce moment, le foot est à l’arrêt. Les matchs ne vous manquent pas trop ? Les matchs, je les regardais déjà de plus en plus difficilement parce que j’étais obligé de me lever toutes les cinq minutes…

Normalement, c’est un plaisir de regarder un match de foot. Mais que voulez-vous que je vous dise ? C’est comme bouquiner, il me faut deux mois pour finir un livre. Je lis cinq ou six pages, puis je suis obligé de me relever. La position assise, c’est la pire.

Le foot peut m’occuper l’esprit, ça m’aide à moins ressentir la douleur, mais je ne peux pas dire que j’ai vraiment pu apprécier un match ces derniers mois. Je ne comprenais pas toujours le film. Quand il faut se lever toutes les cinq minutes… (Il soupire.) Ce n’est pas comme cela que je conçois de regarder un match.

Ce n’est pas trop dur de ne pas pouvoir apprécier un match de foot ? Oui, normalement c’est un plaisir. Mais que voulez-vous que je vous dise ? C’est comme bouquiner, il me faut deux mois pour finir un livre. Je lis cinq ou six pages, puis je suis obligé de me relever. La position assise, c’est la pire.

Malgré toutes ces difficultés, quelles sont les équipes que vous préfériez regarder ?Déjà, je regarde toujours l’Espagne. Le Real Madrid, le Barça, même si l’équipe a beaucoup de difficultés en ce moment. J’aime aussi suivre une équipe comme Liverpool, c’est super. En général, j’aime regarder l’Angleterre. Les matchs sont chouettes là-bas, il y a tout : de la qualité sur le terrain, des tribunes pleines, une super réalisation… Je garde aussi un œil sur le Bayern.

Vous n’avez pas cité la Ligue 1. Les meilleurs joueurs ne sont pas en France. Il suffit de constater qu’une grande partie de l’équipe de France joue dans les autres championnats. C’est logique que le niveau y soit meilleur. Ce sont d’abord les joueurs, il n’y a pas de miracle.

Vous êtes quand même bien placé pour savoir que l’entraîneur a son importance. Pour moi, il y a un ordre. D’abord, ce sont les joueurs qui permettent de s’organiser pour mettre en place une animation. Puis, il y a l’entraîneur qui peut transmettre son idée, mais sans les bons joueurs, c’est compliqué. Bien jouer, c’est quoi au fond ? C’est marquer des buts, ne pas en prendre, gagner des matchs. Les joueurs doivent être capables de faire vivre votre idée sur le terrain. Quand je vois Liverpool jouer, c’est ça et c’est impressionnant.

On a beaucoup lu que l’équipe de France championne du monde était moche à voir jouer. Êtes-vous d’accord avec cette analyse ? Si on arrive à gagner, c’est qu’on a pris les bonnes décisions. Après, l’histoire des matchs, c’est très, très compliqué. L’interprétation se fait souvent en fonction du résultat. Quand on parle des Bleus, je m’intéressais à la relation entre Griezmann et Giroud lors du match contre l’Argentine en huitièmes de finale. J’aime bien regarder les statistiques détaillées proposées par la FIFA ou l’UEFA après les rencontres, et ce qui m’avait interpellé, c’est le nombre de passes entre Giroud et Griezmann. Je ne crois pas me tromper en disant que ce n’était pas beaucoup. Mais vraiment pas beaucoup. On a gagné, donc on a oublié, mais si vous regardez un peu toutes les équipes, les attaquants axiaux ont souvent du mal à se trouver. Bon, mon analyse ne compte pas. Didier (Deschamps) a fait le plus dur : il a réussi à faire une équipe pour gagner. Je trouve qu’elle est équilibrée, et ça me plaît plutôt.

Pensez-vous que cette crise sanitaire va profondément changer la face du foot ?Je n’en ai aucune idée. Au-delà du foot, il y a tout le reste. Quand on est dans la merde, c’est le terme, on se souvient des secteurs importants, des millions de professions essentielles. Dans la vie comme dans le foot, ce n’est pas facile de définir des priorités. Il faudrait déjà que les clubs arrêtent de dépenser tout ce qu’ils gagnent.

J’espère qu’on va s’en sortir, mais je doute qu’on en tire vraiment des leçons. Quand on revient trois ou quatre siècles en arrière, on s’aperçoit que les problèmes sont les mêmes, ils se répètent et on n’arrive jamais à les résoudre.

Mais de l’extérieur, je ne comprends pas tout. Il faut du concret, mais je peux dire que je ne suis pas du tout optimiste.

Pourquoi ? J’espère qu’on va s’en sortir, mais je doute qu’on en tire vraiment des leçons. Je ne parle pas forcément de foot. Quand on revient trois ou quatre siècles en arrière, on s’aperçoit que les problèmes sont les mêmes, ils se répètent et on n’arrive jamais à les résoudre. Non, je ne pense pas que ça nous serve de leçon. Les exemples sont nombreux : quand on signe les accords après la Première Guerre mondiale, on avait déjà signé notre condamnation pour une deuxième. Et à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les accords ont aussi déclenché des problèmes. Aujourd’hui, il y a le coronavirus, mais il y a surtout énormément de conflits dans le monde. Je lis pas mal de bouquins, j’ai la sensation qu’on ne retient rien.

Vous êtes un passionné d’histoire ? Non, pas spécialement. Je lis des bouquins, c’est tout. En ce moment, j’essaie de lire les dernières sorties. Je suis actuellement sur un livre affreux, c’est La Mère morte de Blandine de Caunes, qui raconte l’histoire de sa maman qui souffre de la maladie d’Alzheimer. Et il se trouve que je suis actuellement confronté à cela avec ma mère de 96 ans. C’est terrible quand votre mère ne vous reconnaît pas.

De quoi rendre les petits tracas du foot très secondaires. Ah, combien de fois me le suis-je dit ? On est tous mal après une défaite, ça m’est arrivé. Il faut le dire, ça fait toujours mal de perdre, ça ne changera jamais. (Rires.) Mais une fois qu’on a la liberté et la santé, on peut se dire que tout va bien.

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