- Billet d'humeur
Raymond tada !
À la faveur d'une déclaration du président de l'OM et d'une rumeur selon laquelle il serait proche du FC Nantes, Raymond Domenech est revenu au cœur de l'actu, faisant sortir du bois les courageux pamphlétistes qui n'hésitent pas à clamer haut et fort qu'il est un mauvais entraîneur. Devant tant de prise de risque, il n'est d'autre choix que de s'incliner, et de se laisser porter sans résister dans le sens du vent le plus fort. Le courant d'air qui passe par les portes ouvertes.
Et s’il existait un monde parallèle dans lequel le football n’est traité que de manière bienveillante et raisonnable ? Dans ce monde, sans doute, aucune info mercato ne serait publiée sans la recouper, ni par des journalistes (comme il y a dix ans), ni par des twittos sortis de nulle part (comme aujourd’hui). Dans ce monde, ces informations ne seraient donc pas commentées, ni dans les diverses émissions de débat footballistique (qui n’existeraient donc sûrement pas), ni sur les réseaux sociaux (qui perdraient là une grosse partie de leur carburant). Dans ce monde, donc, nous n’aurions jamais entendu parler d’une soi-disant rencontre entre Waldemar Kita et Raymond Domenech à Monaco. Et nous n’aurions donc pas su ce qu’en pensaient tout ce que la France du football compte de personnes aimant dire ce qu’elles pensent.
Heureusement, cette dimension parallèle, glaçante d’ennui, n’existe pas. Sans cela, comment apprendre que Raymond Domenech n’a remporté qu’un seul titre dans sa carrière d’entraîneur (celui de champion de D2 avec Lyon en 1989, pour les amateurs de statistiques amusantes) ? Comment découvrir, les yeux ébahis, que si son équipe de France est arrivée en finale de Coupe du monde en 2006, ce n’est que grâce aux retours de Zinédine Zidane, Lilian Thuram et Claude Makélélé, qui composaient eux-mêmes l’équipe ? Et par quel moyen mnémotechnique se souvenir qu’il a osé demander publiquement sa compagne en mariage à la suite d’une élimination de l’Euro 2008, ou que ses joueurs n’ont pas voulu descendre du bus lors du Mondial 2010 ? Soyons réalistes, c’était impossible.
Crash-test
Il fallait bien que des centaines d’esprits éclairés nous expliquent que Jacques-Henri Eyraud ne connaissait rien au football quand il déclarait : « On parle de lui à propos de Knysna, mais c’est aussi un entraîneur qui est allé en finale de Coupe du monde, un entraîneur qui nous a fait rêver. Je trouve tellement injuste, quel que soit l’individu, de ne retenir que l’échec. Et pas les réussites. » Il fallait bien que les mêmes rappellent qu’on ne peut pas devenir entraîneur du FC Nantes, le brillant douzième de L1, qui n’a pas gagné de titre depuis seulement dix-huit ans, lorsqu’on a un bilan si famélique. Lorsqu’on n’a été QUE champion de D2 en ayant entraîné le FC Mulhouse de 1984 à 1988 et l’OL de 1988 à 1993. Lorsqu’on n’a été QUE finaliste d’une Coupe du monde et d’un championnat d’Europe espoirs, demi-finaliste de deux autres Euros espoirs et vainqueur du Tournoi de Toulon en ayant entraîné pendant dix-sept ans des sélections qui disputent une compétition tous les deux ans.
Alors allons-y. Puisque la science n’est pas encore parvenue à prouver l’existence de mondes parallèles, et puisqu’il nous est donc interdit de nous y rendre, restons dans notre dimension. Installons-nous confortablement à la place du mort, dans la bagnole de ceux qui aiment foncer à travers les portes ouvertes avec la vigueur d’un mannequin de crash-test. Puisque même Raymond prend un malin plaisir à troller autant que faire se peut, répondons-lui tous en cœur qu’il n’a rien compris, qu’il n’a jamais rien compris, qu’il est nul de toute façon, et qu’il n’a pas le droit de parler, alors que nous, oui. Clasheuses, clasheurs, réjouissez-vous, célébrons un monde où chacun détient la vérité, et où tous les autres sont des cons. Célébrons un monde qui ne pourra devenir encore meilleur qu’à une condition : que Raymond Domenech signe dans un club dont le président est Waldemar Kita.
Par Thomas Pitrel, bloqué sur Twitter par Raymond Domenech (Raymond, débloque-moi !)