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Cherki en Italie, un sparadrap sur une Botte de bois
C’est une info qui a fait couler beaucoup d’encre aussi bien en France qu’en Italie : Rayan Cherki pourrait potentiellement jouer avec la sélection championne d’Europe en titre. Outre les questions d’éligibilité, car oui, le Lyonnais l’est, cela témoigne aussi d’un problème de réservoir qui perdure depuis quelques années en Italie.
Cherki-Italie. Si certains seraient tentés de répondre « Kamoulox ! », cette connexion pourrait bien devenir concrète dans les prochains mois. C’est le quotidien italien La Repubblica qui a lâché la bombe ce mardi matin : « Roberto Mancini suivrait de très près les prestations de Rayan Cherki. Le temps est venu pour lui de décider, Mancini attend. » Forcément, les débats se sont multipliés en France et en Italie sur la possibilité de voir l’actuel meneur de l’Olympique lyonnais de 19 ans porter la tunique azzurra. De la même manière que l’Italo-Argentin Mateo Retegui, l’actuel international français serait totalement éligible à une convocation. En effet, son arrière-grand-mère paternelle serait originaire des Pouilles et se serait installée dans la région lyonnaise avec ses enfants (et non son grand-père paternel comme initialement annoncé par La Repubblica). Le père de Rayan, Fabrice dit Fabio, aurait déjà le passeport italien, ce qui pourrait donc faciliter le côté administratif.
Véritable talent du football tricolore qui doit encore confirmer les nombreux espoirs placés en lui, Rayan Cherki n’a encore jamais été convoqué par Didier Deschamps et pourrait donc potentiellement prétendre à trois sélections : la France, l’Algérie – qui ne cesse de lui faire des appels du pied – et donc l’Italie. « Actuellement, il est totalement éligible à une potentielle convocation. Je ne vois pas où serait le problème », avance Vito Lamorte. Journaliste italien pour le média Fanpage, celui qui suit avec un grand intérêt le football français se veut partisan d’une potentielle venue de l’ambidextre lyonnais : « C’est un talent confirmé depuis déjà pas mal de saisons et qui a toutes les qualités pour devenir un grand footballeur. On attend désormais de voir si cette convocation peut vraiment se faire. » Même constat partagé par Enrico Curro, qui suit la Nazionale pour La Reppublica : « C’est un joueur extrêmement talentueux, et cette sélection a besoin de talent. »
Sois jeune et tais-toi
Comment se fait-il que le champion d’Europe en titre soit obligé de piocher derrière ses frontières ? La réponse est simple et récurrente depuis plusieurs années. À la différence de la France où les jeunes talents sont très vite jetés dans le grand bain, l’Italie peine encore à donner les pleins pouvoirs à sa jeunesse. Il suffit de jeter un œil aux cadors du championnat, le Napoli, le Milan et l’Inter : aucun de ces trois clubs ne dispose d’un joueur italien de moins de 20 ans titulaire. La Juve commence peu à peu à faire confiance à ses jeunes prospects, en témoignent Fagioli, Miretti ou encore Soulé, mais il a fallu attendre cette saison galère pour injecter ce sang neuf. « L’Italie est en retard à ce niveau-là, c’est indéniable », rappelle Vito Lamorte pour qui le problème n’est pas l’absence de jeunes talentueux, mais bien le manque de considération à leur égard : « On ne leur fait pas vraiment confiance, on est très critique avec eux. Il suffit qu’ils fassent un mauvais match pour les voir sur le banc le week-end suivant. » À titre comparatif, Rayan Cherki a déjà disputé 95 matchs professionnels, contre 42 pour Matteo Cancellieri, 21 ans, espoir italien et attaquant de la Lazio.
« Le talent en Italie existe, il suffit de voir les résultats en sélection de jeunes, souligne Lamorte. Le vivier est là, c’est certain, mais les gros clubs italiens ne s’intéressent pas à eux. » Enième constat, lors du dernier match des U21 italiens face à l’Ukraine, seuls Okoli, Bove et Fagioli jouent actuellement dans une équipe du top 7 de Serie A. Si ce dernier commence à s’imposer avec la Vieille Dame, les deux autres ne totalisent que dix titularisations à l’Atalanta et la Roma. Forcément, lorsque se présente un joueur aussi talentueux que Cherki, qui dispose déjà d’une certaine expérience, l’Italie ne peut pas fermer les yeux. Fin techniquement, capable de faire la différence sur une accélération ou un dribble, l’arrière-petit-fils d’Italiens est un profil qui n’existe actuellement pas en Nazionale, et ce, depuis pas mal d’années (pour ne pas dire décennies) : « Il pourrait faire énormément de bien à l’Italie, surtout lorsque l’on voit nos problèmes offensifs ces derniers temps », souligne Lamorte. Avec l’Euro qui se profile, Roberto Mancini pourrait donc bien jeter son dévolu sur Rayan Cherki. La suite, on la connaît : un but victorieux en demi-finale du championnat d’Europe face aux Bleus.
Par Tristan Pubert
Propos de Vito Lamorte recueillis par TP.