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Rashidi Yekini en cinq dates

Par Victor Le Grand
5 minutes
Rashidi Yekini en cinq dates

Bipolaire, malade, dépressif, déficient mental, complètement fou... Les conclusions de la mort survenue vendredi du Nigérian Rashidi Yekini sont encore obscures. Une chose est sûre : âgé seulement de 49 ans, le « taureau de Kaduna » était trop jeune pour mourir. Trop génial pour être oublié. Retour en cinq dates sur la mutation d’un avant-centre herculéen, entre records, mysticisme et controverses. RIP.

27 juillet 1993 – National Stadium (Lagos/Nigéria)

En 1976, la sélection du Nigéria et son maillot blanc épuré de l’époque, sans flocage, faute de moyens, s’imposent comme la nouvelle escouade de charme du football africain. Jusqu’alors absents de la scène continentale, les « Green Egales » – comme on les appelait encore à l’époque – découvrent les places d’honneur de la Coupe d’Afrique des Nations et les équations précises d’un avant-centre de génie. Son nom : Segun Odegbami. Un buteur classieux, rapide, surnommé « le Mathématicien » pour sa précision balle au pied mais aussi pour son parcours émérite à l’école polytechnique d’Ibadan, grande ville universitaire du Nigéria, d’où il sort diplômé en Ingénierie. Mention très bien, en cours comme sur le pré : 24 buts en 48 sélections ! Record historique. Mais le 27 juillet 1993, un autre potache d’Ibadan, plus grand, plus massif, s’avance sur la touffeur du Stade National de Lagos pour déchirer les photos de classe d’antan. A tout juste 20 ans, Rashidi Yekini – surnommé avec plus d’inspiration le « Taureau de Kaduna » , inscrit un triplé lors d’une large victoire 6 à 0 contre l’Ethiopie. Par cet exploit, le bizut du Véturia Setùbal passe la 25ème marche du Panthéon des attaquants locaux.

10 avril 1994 – stade El Menzah (Tunis/Tunisie)

Depuis ce soir d’été 1993, Rashidi n’est plus le même avant-centre. Premier Nigérian à être élu meilleur joueur africain de l’année, son aura prend une autre envergure. L’aigle royal du général Sani Abacha – à la tête de la dictature locale depuis quelques mois, qui l’adorait – devient au fil des exploits un joueur mythique des années 1990, ne cessant de pilonner les défenses de tous bords. Du Portugal à la Grèce, de la Suisse à l’Arabie Saoudite, en club comme en sélection. C’est ainsi qu’en avril 1994 Yekini glane, au bout de l’effort, son unique Coupe d’Afrique des Nations. Sans doute le plus beau souvenir de sa carrière internationale, aux conclusions plus qu’honorables : 14 ans d’ardoisière, de 1984 au Mondial français de 1998, pour un total de 37 buts en seulement 58 sélections. Qu’on se le dise : cette statistique ne fait peut-être pas de lui le plus grand algébriste des surfaces, mais bel et bien le meilleur buteur de l’histoire du Nigéria…

Mai 1994 – Setùbal (Portugal)

Individualiste, craintif, paranoïaque, dépressif : les qualificatifs ne manquent pas. Mais peu importe l’homme, sa nature et ses faiblesses. Force est de constater que Rashidi Yekini est aussi un modèle culturel : un pionnier, un précurseur à bien des égards, ayant ouvert la voie de transition vers l’Europe à des générations de footballeurs nigérians. En effet, c’est en prenant la direction de l’estuaire du Sado, au Vitória Setúbal (1990-1994), que ce professeur y donne ses plus belles corrections. Il devient très vite le quatrième joueur africain depuis Eusebio, l’Angolais Vata Mantanu Garcia et son compatriote Richard Owubokiri, à être sacré meilleur buteur du championnat portugais. Deux fois de suite. Au sortir de la saison 1993-1994, il réalise même une énième prouesse comptable en inscrivant 34 buts en 32 matchs. Depuis, aucun joueur du Vitoria Setubal n’a jamais remporté cette distinction honorifique. Un record insignifiant, mais un record quand même (de plus).

21 juin 1994 – stade Cottown Bowl (Dallas/USA)

Un souvenir encore palpable. Ce 21 juin 1994, pour son match d’ouverture sur le sol américain face à la Bulgarie, Rashidi Yekini marque le premier but du Nigéria en Coupe du Monde. Il termine ainsi une action facile, de grand-mère, ajustée à quatre mètres du but et célébrée à sa juste mesure. Ou pas. Car Yekini entre « en transe » en s’enfonçant dans le but adverse, le visage en pleurs, les yeux levés vers le ciel et la bouche grande ouverte. Il saisit alors les filets, les secouent poings serrés, hurlant son émotion sans que quiconque ne se sache vraiment ce que cette cet homme est en train de prononcer. Un message de colère, de joie, une missive à Dieu où à ses ancêtres ? Toutes les suppositions ont été relayées et écrites à ce sujet. Une chose est sûre : cette image, cette contorsion quasi-mystique d’un homme fragile et épuisé resteront comme l’une des plus belles célébrations de buts de l’Histoire du football. Et son secret gardé à jamais.

5 mai 2012 – Iraa (Nigéria)

La dépêche tombe avec fracas : Rashidi Yekini est décédé à l’âge de 49 ans ce vendredi à Iraa, dans le nord du Nigéria, d’une maladie non dévoilée par la famille. « Il est mort de dépression. Après avoir quitté le football, il n’a plus jamais été le même. Il a mené une vie solitaire et était très malheureux » , a déclaré aux médias locaux son cousin Tunji Moronfoye. Depuis plusieurs années, l’homme vivait sans ressource dans un duplex délabré, sans véritables amis, sans visites, sans garde du corps depuis 8 mois. Esseulé donc, si ce n’est la présence quelques paons qui ambulaient toute la journée dans son jardin. Serait-il devenu fou ? Est-il décédé d’un acte de folie ? Tout pense à le croire. Et pourtant, de nombreux témoignages de quartier, recueillis par le Street Journal, évoquent un « acte criminel » dont les auteurs ne seraient autres que les propres membres de sa famille, dans lesquels « il n’avait aucune confiance » . Selon le canard nigérian, ceux-ci se seraient rendus chez lui – le jour de Pâques – pour le contraindre à prendre un traitement adéquat à sa « supposée » maladie mentale. Immobilisé de force, Yekini aurait ensuite été ensuite embarqué dans sa Toyota Corolla verte. La toute dernière fois que ses voisins l’auraient aperçu vivant… « Le gars n’était pas fou. Il pouvait coordonner ses gestes, alors pourquoi l’attacher sous couvert d’un quelconque traitement ? Je pense qu’il y a plus que cela. Ce jour là, il a même crié au secours et supplié les gens de tout faire pour qu’il ne se fasse enlever. Personne n’a rien compris, déclare un dernier témoin au Street Journal.J’aimerais que l’on lance une enquête post-mortem pour connaître les vrais raisons de ce décès » . Affaire à suivre.

L’OL tabasse Angers

Par Victor Le Grand

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