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Rashford, la prise des commandes

Par Maxime Brigand
Rashford, la prise des commandes

Double passeur décisif samedi à Souhampton, Marcus Rashford aborde aujourd'hui un virage décisif de sa jeune carrière : s'installer au poste d'avant-centre, poste qui est loin d'être le plus simple dans ce Manchester United. Le match contre Arsenal, mercredi soir, doit être la confirmation de l'avenir de flingueur qui lui était tout tracé.

Deux salles, deux ambiances. Première pièce : Old Trafford, le 27 novembre dernier. Manchester United reçoit les Young Boys, quelques jours après un nul soporifique, sans rythme et sans vie, concédé face à Crystal Palace (0-0). C’est un soir d’Europe, une nuit pour briller, mais une nouvelle fois, United galère sérieusement. Au milieu de l’histoire, Marcus Rashford, 21 ans, posé en pointe par Mourinho : un type qui ne cesse de provoquer la frustration du coach portugais, lui qui a pointé quelques jours plus tôt lors d’une interview accordée à Hristo Stoichkov le « manque de maturité » – à comprendre de discipline – de l’international anglais. Ce qu’il avait déjà formulé un an auparavant : « Quand vous avez du talent, vous ne pouvez pas vous permettre de le gâcher. Si vous avez cette chance, vous devez développer ce talent. On ne peut pas se satisfaire de n’en avoir eu que des aperçus. » Alors, José Mourinho serre le gosse de près, tout en tournant autour d’une question : où l’utiliser au mieux ?

Le Portugais voit en Rashford un ailier, Rashford s’imagine en buteur. Banco, à lui de prouver. Depuis le début de saison, celui qui se balade avec l’étiquette de chef de file de la formation maison a été titularisé en pointe à cinq reprises toutes compétitions confondues (quatre fois en Premier League, une fois en Ligue des champions), pour deux buts et une passe décisive. Mais face aux Suisses, Marcus Rashford galère : six tirs, un cadré, quelques mauvais choix dans le dernier geste… Dans sa zone technique, Mourinho explose et justifie après la rencontre sa réaction, tout en envoyant une nouvelle flèche aux consultants, notamment à Gary Lineker : « J’invite n’importe qui à venir s’installer sur un banc. Je pense que c’est plus facile de partir en vacances à la Barbade ou d’aller à la télé pour jouer avec des joueurs virtuels sur un écran. »

Le chien méchant

Deuxième pièce : le St. Mary’s Stadium de Southampton, samedi, où Manchester United a une nouvelle fois été plus que secoué (2-2). Avant le déplacement, José Mourinho a reçu une vidéo d’un ami, sur laquelle on voit Sir Alex Ferguson hurler sur un Cristiano Ronaldo coupable d’un raté sur la pelouse de Wigan, il y a plus de dix piges. « Je ne peux pas être content quand l’un de mes joueurs rate une occasion… Mais vous savez, c’est terrible, ce moment a brisé la carrière de Ronaldo. Il n’a plus jamais été le même joueur après ça. » Du Mourinho dans le texte. Pour le déplacement chez les Saints, le Portugais a alors relancé Rashford, une nouvelle fois en pointe, cette fois aux côtés de Romelu Lukaku. Résultat ? S’il a été coupable de la faute qui a amené le deuxième but de Southampton (un coup franc magnifique de Cédric Soares), Marcus Rashford aura été le seul joueur de United à la hauteur en matière d’intensité, de justesse technique et de culture tactique : quatre key passes (plus que personne d’autre sur le terrain), deux nouvelles passes décisives et un statut de « chien méchant » scotché sur la tronche par Mourinho après la rencontre, le coach portugais protégeant son buteur de toutes les critiques en conférence de presse d’après-match. Une rareté.

Entre les deux salles, une confirmation : lorsqu’il joue simple et qu’il a de l’espace, Marcus Rashford est un joueur brillant, capable de péter la moindre ligne et de faire sauter la moindre défense lorsqu’il est en confiance. Cela aura notamment été le cas en Espagne, début septembre, avec l’Angleterre (1-2), lors d’une soirée où il avait été installé par Gareth Southgate pour tourner autour d’Harry Kane. C’est ce Rashford que Ferguson câline en privé, ce Rashford auquel Guardiola a dressé des louanges il y a quelques mois, ce Rashford qui brille en sélection depuis la Coupe du monde, mais aussi ce Rashford qui est encore trop intermittent lorsqu’il enfile le maillot de Manchester United. Plusieurs raisons à ça : l’approche de Mourinho, le manque de créativité qui en découle souvent (à Southampton, United a évolué avec Fellaini et Herrera au milieu, placés aux côtés d’un Pogba souvent à l’envers, et donc sans Mata, laissé tout au long de la rencontre sur le banc), l’impression que Marcus Rashford soit le plus souvent du temps obligé de s’offrir un exploit individuel pour s’exprimer… La réception d’Everton (2-1) fin octobre est parfaitement représentative de tout ça : ce jour-là, Rashford a réalisé un nombre de courses impressionnant, a ouvert des espaces à la pelle pour Martial, mais n’a aussi touché que vingt-cinq ballons, soit deux fois moins que Mata et Anthony Martial.

« J’ai peur qu’il soit obligé de partir… »

Aujourd’hui, l’international anglais est face à une drôle de situation : être le buteur de ce Manchester United n’est pas le job le plus simple du monde, mais Marcus Rashford, joueur le plus populaire du club, a besoin d’un enchaînement de matchs à ce poste pour trouver ses repères, lui qui n’a débuté que deux fois en pointe consécutivement cette saison. On parle ici d’un joueur qui compile trente-quatre buts en moins de 140 matchs joués avec son club formateur alors qu’il vient juste d’avoir 21 ans et qui n’est pas vraiment un ailier dans l’approche. Sa vie doit se jouer dans l’axe, ce qu’expliquait également il y a quelques semaines Alan Shearer, avant de se soumettre à la thèse du Mourinho assassin de talent, ce que Garth Crooks comparait dans le week-end à la situation Robben-Mourinho connue à Chelsea : « La question est de savoir si Mourinho souhaite vraiment transformer Rashford en buteur ou s’il va utiliser le prochain mercato pour une nouvelle fois parier sur un buteur déjà confirmé ? Il a joué tellement de matchs sur un côté qu’il lui faut du temps pour se réajuster à son poste d’origine. J’ai peur que s’il souhaite réussir à ce poste, il soit obligé de partir. » Le voilà avec une période dorée pour dégager les doutes sur son rôle de tueur : mercredi soir, Manchester United, largué à huit points de la quatrième place, reçoit un Arsenal invaincu depuis le mois d’août et qui reste sur une victoire explosive face à Tottenham (4-2). Le même Arsenal face à qui Rashford, toujours présent lors des sommets, avait inscrit ses premiers buts en Premier League, un jour de février 2016. Un soir pour les clébards enragés, définitivement.

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Par Maxime Brigand

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