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Raphaël Guerreiro, enfant du 93
Nouveau joueur du Borussia Dortmund, nouveau taulier de la sélection portugaise, le désormais ex-Lorientais Raphaël Guerreiro surprend pas mal de monde cet été. Pourtant, quand on y regarde de plus près, tout était écrit. Dans le 93 en tout cas, personne n’est étonné de sa réussite.
Des Portugais en région parisienne, ce n’est pas ce qui manque. La petite commune du Blanc-Mesnil n’y fait pas exception. Il y en a pourtant un, haut comme trois pommes, qui s’est vite fait un nom alors qu’il entamait à peine sa puberté. « La Seine-Saint-Denis, c’est comme un village, quand il y a un bon joueur, ça se sait très vite ! » plaisante Alain Bimon, ancien recruteur des jeunes de la JA Drancy. « Quand on a recruté Guerreiro, il venait de Clairefontaine. On le voulait pour notre équipe des 14 ans fédéraux. Avec lui, il n’y a pas eu besoin de détection au préalable, on savait déjà que c’était un tout bon. »
« Sur le terrain, il n’avait peur de personne. Même face aux présus. »
Aligné au poste de numéro 10, le gamin vend déjà du rêve. Vif, technique, et surtout très sérieux, le petit gaucher fait tout pour percer plus tard et ne laisse rien au hasard. Son premier coach au Blanc-Mesnil, Philippe Lemaître, en garde un souvenir ému : « Avec lui, c’était carnaval sur le terrain à chaque fois. Je me suis régalé à l’entraîner. Toujours à l’écoute, toujours concentré. Dès ses 12 ans, il bossait pour devenir pro, c’était son objectif. C’est l’un des seuls gamins que je n’ai jamais eu à reprendre pour manque de concentration. » Même limonade pour Rabah Aït-Atmane, son coach à la JA Drancy : « Pendant les vacances scolaires, il n’avait pas d’entraînements avec l’INF Clairefontaine. Du coup, il demandait à venir s’entraîner avec nous. À chaque fois, il voulait se tirer la bourre avec moi sur les coups francs. Bon, c’est moi qui gagnais à chaque fois, (rires) mais il les tirait déjà très bien pour son âge ! Je ne m’imaginais pas qu’il deviendrait international portugais et jouerait un Euro, mais qu’il deviendrait un très bon professionnel, je n’en doutais pas. »
Il faut dire que le jeune Guerreiro ne vit que pour le foot. Chaque dimanche, il revêt son plus beau maillot de la Selecção pour taper le ballon avec son père, Celso. La semaine, quand il n’a pas entraînement, c’est entre les blocs multicolores de la cité Casanova qu’il caresse le cuir. Malgré son petit gabarit, personne ne vient l’embêter. Le bambin montre déjà une grosse force de caractère et au pire, ses grands frères veillent au grain. « Sur le terrain, il n’avait peur de personne. Même face aux présus qui lui rendaient 20cm, il ne se défilait pas. En dehors, il a su mettre les barrières qu’il fallait pour éviter toute dérive. Il faisait déjà preuve de beaucoup de caractère et de maturité. Et surtout, il ne se prenait pas pour un autre ! » confirme Philippe. Ancien défenseur central du Blanc-Mesnil, papa travaille de nuit chez Orangina à cette époque. C’est donc maman, Claudine, qui l’amène à l’entraînement chaque jour dans sa petite Peugeot 104 : « Sa mère était très protectrice, elle l’a bien élevé pour qu’il file droit. Elle le soutenait dans sa formation de footballeur, mais si les notes à l’école ne suivaient pas, elle l’aurait désinscrit direct. » Mais de ce côté-là, Guerreiro assure aussi.
« Si on ne lui avait pas mis dans le crâne qu’il n’aurait jamais le physique nécessaire… »
Compagnon de chambre d’Alphonse Areola et coéquipier de Lucas Digne à l’INF Clairefontaine, Raphaël aurait pu revêtir la tunique bleue malgré ses origines lusitaniennes. Ses excellentes performances dans cet Euro prouvent bien qu’il en a la qualité. Mais là encore, le « tout-physique » prôné par la DTN a rapidement refroidi l’intéressé. « Il a toujours été très attiré par la sélection portugaise, c’est vrai. Mais d’un autre côté, il suivait beaucoup les résultats et les joueurs de l’équipe de France. Si on ne lui avait pas mis dans le crâne qu’il n’aurait jamais le physique nécessaire, peut-être que son choix aurait été différent… » regrette Rabah.
Du côté de Dortmund en tout cas, on ne semble pas inquiet du gabarit de l’international portugais. Gernot Rohr, l’ancien coach allemand de Bordeaux et Nice, a bien observé le joueur et n’a aucun doute sur la suite de sa carrière : « Super bon joueur Guerreiro, ils ne se sont pas trompés ! Il a tout ce qu’il faut pour apporter un plus au Borussia, d’autant que Schmelzer devrait partir. Avec sa vitesse et son super pied gauche, il s’adaptera parfaitement au jeu offensif du Borussia et va y réussir. D’autant plus qu’il arrive dans un club qui accueille les étrangers à bras ouverts, et ses supporters adorent ce genre de joueur. » Si cette prédiction se confirme, la sélection tricolore risque bien de nourrir encore quelques regrets…
Par Alexandre de Castro