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Randal Kolo Muani, le vrai truc neuf
Titulaire pour la deuxième fois de sa vie à la pointe de l’attaque des Bleus, Randal Kolo Muani a glissé son nez dans trois buts des quatre inscrits par l’équipe de France face aux Pays-Bas, tout en continuant à faire ce qu’il sait faire de mieux : martyriser des organisations défensives.
Tout le monde savait. Tout le monde savait que cet assassin à la voix basse et à la forte tête avait les armes pour « tout casser ». Lui-même l’avait répété cette semaine dans un long entretien donné à L’Équipe, au cours duquel il a de nouveau été questionné sur son tête-à-tête perdu au bout d’une nuit dohanaise, en décembre, face à Emiliano Martínez. « Ce soir-là, je suis tombé, mais je vais me relever et je vais réussir la prochaine étape », a ainsi lancé il y a quelques jours Randal Kolo Muani, incandescent avec l’Eintracht Francfort avant le Mondial et qui a, sans surprise, refusé d’appuyer sur le frein depuis son retour du Qatar. Pour ce premier rassemblement de 2023, qui doit pour de bon planter dans le décor la génération Mbappé, Didier Deschamps avait donc fait un choix audacieux : récompenser son numéro 12 en lui filant une deuxième titularisation chez les Bleus après une première, le Tunisie-France (1-0) du dernier Mondial, rapidement transformée en traquenard.
Sympa, Kolo Muani n’a pas trahi son sélectionneur et a même fait mieux : il a tenu sa promesse, mélangeant durant 77 minutes son énorme activité offensive à une grande discipline sans ballon – sa « plus grande progression » des derniers mois selon son entraîneur à Francfort, Oliver Glasner – tout en glissant son nez dans trois des quatre buts inscrits par une équipe de France déchaînée face aux Pays-Bas, vendredis soir (4-0), dans un Stade de France à la fête. Placé à l’avant du 4-3-3 français, qui a gardé les contours de son animation vue tout au long de la dernière Coupe du monde, le Bondynois ne s’est pourtant pas gavé en ballons et a même été le joueur de champ titulaire qui en a touché le moins (29) parmi l’ensemble des titulaires de la rencontre. Et alors ? Toujours aussi détaché et assuré, Randal Kolo Muani n’a pas eu besoin de plus pour étaler son arsenal sur le gazon de Saint-Denis.
Match miroir de son évolution
Auteur de 16 buts toutes compétitions confondues cette saison, auxquels il faut ajouter pas moins de 14 passes décisives, ce qui est juste colossal en 35 rencontres disputées, l’ancien joueur du FC Nantes a d’abord été rapidement aidé par la hauteur d’un bloc néerlandais souvent mal aligné, qui lui a alors offert de nombreux espaces pour attaquer la profondeur et faire parler ses énormes qualités de vitesse. À plusieurs reprises, il a ainsi retrouvé des séquences proches de celles avec lesquelles il doit se débattre le week-end en Bundesliga. C’est d’ailleurs ce qu’on a vu au départ de l’action qui a mené au deuxième but des Bleus, inscrit par Upamecano au bout d’un coup franc obtenu par Kolo Muani à la suite d’une ouverture de l’excellent Konaté. Ce schéma a d’ailleurs été répété une seconde fois en première période (37e) sur un autre mouvement qui a vu l’attaquant des Bleus se heurter à Timber et obtenir un corner.
La situation au départ du deuxième but français avec Konaté qui s’est projeté balle au pied et a pu toucher Kolo Muani lancé dans la profondeur. Derrière, l’attaquant de Francfort récupérera un coup franc décisif.
Plus mobile qu’Olivier Giroud, Randal Kolo Muani, qui a su retenir l’attention de Van Dijk pour libérer Griezmann sur le premier but, a plus globalement été précieux par sa capacité à constamment stresser la ligne défensive néerlandaise grâce à des appels à gogo, mais aussi sa faculté à attaquer ses proies balle au pied. Sa présence et sa force dans les grands espaces offrent ainsi, de fait, d’autres armes à l’animation offensive tricolore et l’associer aux deux bombes que sont Kylian Mbappé et Kingsley Coman est une aubaine. Kolo Muani, qui a progressé dans le dribble (il a même bouclé une rencontre avec treize dribbles réussis le week-end dernier !) et la conservation dans les petits espaces, peut accompagner les deux dynamites dans toutes les zones du terrain et peut faire grimper assez haut le curseur imprévisibilité des circuits français, ce que sa feinte sur le troisième but a prouvé, tout comme l’action qui a mené à sa volée au-dessus (action qui débute avec un ballon qu’il repousse lui-même sur un corner pour les Pays-Bas).
Plus que tout, et c’est la confirmation de la nuit, le buteur de Francfort, qui porte à merveille l’habit du neuf, a surtout marqué de nouveaux points vendredi soir par son implication collective. Vital pour orienter la relance néerlandaise et couper l’accès à Marten de Roon, Randal Kolo Muani, bien suivi dans ses efforts par le trio Griezmann-Tchouaméni-Rabiot et un duo Konaté-Upamecano monstrueux pour porter la ligne défensive française, a également su être un point d’appui fiable pour ses potes et de nouveau prouver à Didier Deschamps qu’il court avant tout pour le rayonnement de l’ensemble plutôt que de sa feuille de stats personnelle. « Il a été très intéressant dans tout ce qu’il a fait, a souligné le sélectionneur après la rencontre. Il a cette facilité de course, de dribble, il est capable de décrocher, d’être dans la profondeur, de jouer sur un côté ou l’autre. Ce soir, il y a eu une bonne intelligence entre les trois offensifs. Les positions ne sont pas fixes, et ça a donné beaucoup de difficultés à l’adversaire. Ça a été une très bonne chose. »
Au même moment, Aurélien Tchouameni a ajouté : « Il a été important pour nous, et on a pu le trouver en point d’appui entre les lignes. On sait aussi que c’est un joueur que l’on peut chercher en profondeur quand on est plus en difficulté. Forcément, il aurait préféré marquer, mais sur la passe que je fais à Kylian, il est déterminant. Il peut être satisfait. » S’il n’a pas joué plus que les autres vendredi soir, il a signé un match marqueur pour la suite de son aventure chez les Bleus et une copie symbole de son évolution des derniers mois. Une évolution qui pousse ses entraîneurs à plier devant ses qualités multiples, force les adversaires à revoir leur plan – Ronald Koeman a, par exemple, inversé dès la mi-temps Timber et Geertruida – et devrait lui permettre d’intégrer un club du top européen l’été prochain. Quelque chose dit que cette affaire ne fait que commencer.
Par Maxime Brigand