- Euro 2016
- Interview
Ramé : « Mon top 3 des gardiens ? Neuer, Buffon et Lloris »
Champion d'Europe en 2000 en tant que troisième gardien, Ulrich Ramé tire un premier bilan des performances des gardiens de l'Euro. Devant un magnétophone, le directeur technique des Girondins garde le style qui était le sien sur le terrain : tout en sobriété.
Pourquoi parle-t-on aussi peu des gardiens, depuis le début de l’Euro ?Cela reflète la qualité de la compétition, qui n’est pas très spectaculaire pour l’instant, avec beaucoup de matchs très serrés, qui se sont décantés sur des détails. Cela reste le très haut niveau, des matchs lors desquels les gardiens doivent être présents sur les une ou deux interventions délicates qu’ils vont avoir à négocier.
Comment expliquez-vous tous ces matchs très fermés ?Malgré la présence de superstars offensives, toutes les équipes sont bien organisées, efficaces défensivement, tout simplement.
En organisant un Euro à 24 équipes, beaucoup s’attendaient à ce que certaines équipes, dites plus faibles, explosent. Cela n’a pas du tout été le cas…C’est bien la preuve que Michel Platini était dans le vrai en mettant cela en place.
Il y a un gardien qui vous a plus impressionné que les autres, depuis le début de la compétition ?
Je suis de la vieille école, donc j’apprécie toujours ce que fait Buffon, qui est dans l’efficacité. Mais peu de gardiens ont répondu présent de façon très significative, en rapportant des points à leur équipe.
Est-ce qu’il y en a qui vous ont déçu, alors ?De Gea n’a pas été extraordinaire, mais c’est à l’image de son équipe. Ce serait dur de dire que l’Espagne est passée au travers face à l’Italie, mais ils ont manqué d’efficacité. Et il n’y a que ça qui compte.
Aujourd’hui, quel est votre podium des meilleurs gardiens européens ?Il y a Neuer, sans hésiter. Buffon reste dans le trio, et on peut y ajouter Lloris, qui a réussi des arrêts cruciaux depuis le début de la compétition. Courtois n’est pas très loin, cela dépendra de la fin de son Euro (interview réalisée juste avant Pays de Galles-Belgique, ndlr). Comme par hasard, les équipes encore en lice possèdent des gardiens qui ont du vécu, ou au moins une expérience internationale, et qui sont efficaces quand leur équipe a besoin d’eux. Et Courtois, bon…
Et que pensez-vous de Hannes Þór Halldórsson, le gardien islandais qui était encore réalisateur de films il y a quelques mois ?
Déjà, il a réussi une belle reconversion. Mais on parle d’un événement ponctuel. C’est un garçon qui a certes des qualités, mais qui profite du moment. Dans chaque compétition, il y a toujours une équipe qui va réussir de façon extraordinaire, qui va être en état de grâce.
Est-ce une bonne idée pour un club de recruter un joueur, et plus particulièrement un gardien, qui atteint ce fameux état de grâce lors d’une compétition internationale ?Je n’en suis pas convaincu, non. Un recrutement se fait après un travail approfondi, pas sur la foi d’une compétition courte. Là, le gardien islandais est dans des conditions optimales, en matière d’enjeu et d’émotions. Comme tous ses coéquipiers, il est focalisé depuis des semaines sur un événement précis, ce n’est pas le même état que lorsqu’on participe à un championnat. Au niveau de la psychologie et de la préparation, c’est complètement différent.
Quel premier bilan tirez-vous de l’Euro de Lloris ?Il réalise un excellent début de compétition, dans son double rôle de gardien et de capitaine. Il s’est bien adapté à une défense quasiment inédite, même si ce sont des joueurs qu’il a déjà côtoyé. C’est très positif.
Vous qui avez longtemps été capitaine des Girondins, est-ce que vous comprenez les entraîneurs qui sont contre le fait de confier le brassard à un gardien ?
Je le conçois, parce que certains estiment que le capitaine doit être au cœur de l’équipe. Après, tout est question d’interprétation et de réalisation, il vaut mieux de toutes manières avoir plusieurs relais sur le terrain. Le brassard désigne plus qu’un relais, le capitaine doit être exemplaire sur et en dehors du terrain et avoir un message porteur dans le vestiaire. Je ne vois pas pourquoi un gardien ne pourrait pas le porter.
Dans les colonnes de La Voix du Nord, Francis Gillot disait récemment qu’il avait donné le brassard à Carrasso par défaut à Bordeaux, parce que « les nouvelles générations font que c’est de plus en plus dur de trouver un bon capitaine, ou des leaders. C’est plus formaté, ou plus individualiste » . Vous avez fait le même constat, lors de votre passage à la tête des Girondins ? On ne peut pas stigmatiser ou généraliser. Il faut savoir ce qu’un entraîneur attend de son capitaine. Je trouve ça délicat de statuer que la nouvelle génération n’est pas mature. Donner le brassard à un jeune pour le responsabiliser, cela me paraît compliqué, mais le confier à un joueur qui a du mal à exprimer ses qualités de leader, cela peut le booster. C’est par exemple ce qui avait été fait avec Henri Saivet.
Comment un gardien doit s’adapter aux pelouses parfois moyennes qu’on voit depuis le début de l’Euro ?Sur les très bonnes pelouses, le ballon va plus vite, et sur les moins bonnes, on risque les faux rebonds. Donc dans tous les cas, il y a des avantages et des inconvénients pour le gardien. Mais s’il est dans son match, concentré, il s’attend à tout. Il est prêt pour tout. Les ballons flottants, les mauvais rebonds sur une mauvaise pelouse, les ballons qui prennent de la vitesse sur un billard. Le seul paramètre du jeu d’un gardien qu’une mauvaise pelouse peut faire évoluer, c’est le jeu au pied. Sur un mauvais terrain, il sera obligé de contrôler avant de dégager ou faire une passe, il ne prendra pas le risque de relancer vite en une touche.
Comment vit-on son rôle de troisième gardien, lors de ce type de compétition ?
Ce n’est pas toujours évident, mais on sait pourquoi on est là. On n’est pas dans l’attente de jouer, on sait qu’il faudrait un sacré concours de circonstances. Donc dans le travail, aux entraînements, on est là pour le groupe. Dans la gestion des gardiens, on est là pour les exercices à deux ou à trois. Et puis dans le groupe, on est celui qui est le plus détendu au moment des préparations de match, donc on est aussi là pour amener de l’oxygène. Les deux gardiens remplaçants sont concernés par les performances du titulaire, parce qu’il y a un intérêt commun, on représente la nation. La sélection se fait autant pour les compétences sur le terrain que pour la mentalité.
Quand son équipe va au bout, comme ce fut le cas pour vous en 2000, le troisième gardien se sent pleinement champion d’Europe ?On est un peu frustrés, parce qu’on sait qu’on n’a pas joué, mais on a tenu notre rôle dans la vie de groupe. Au même titre que certains joueurs de champ qui ont eu peu de temps de jeu. C’est important, parce que pour qu’une équipe réussisse, il faut qu’elle soit bien en dehors du terrain aussi.
Qui va gagner l’Euro ?La France, j’espère. Ce serait magique, magnifique. Après les différents épisodes extrasportifs que nous avons vécus, je pense que le football français a besoin de ça.
C’est un souhait, ou vous y croyez vraiment ?J’y crois. Je n’ai pas vu une équipe qui était vraiment au-dessus de tout le monde. Les Allemands restent les favoris, mais sur un match, en plus à domicile, tout est envisageable.
Vous êtes désormais directeur technique des Girondins. En quoi consiste ce poste ?Je suis en charge de la coordination générale des équipes des quatre pôles du club : l’école de foot, le centre de formation, les pros et les féminines. Je dois avoir une vision globale de l’organisation. Chaque pôle a son fonctionnement, qui doit donner au club son identité. Il faut que tout soit lié, coordonné, et représente les Girondins de Bordeaux.
Concrètement, cela veut dire que toutes les équipes du club vont jouer selon les mêmes principes ?
Oui, nous avons mis des choses en place jusqu’à la formation, en concertation avec le staff de l’équipe professionnelle, pour faciliter l’intégration de jeunes en équipe première et favoriser notre politique de formation. J’ai commencé à mettre en place des choses la saison passée, en tant que responsable de la performance, et mon rôle englobe désormais l’équipe professionnelle.
Est-ce que cela veut dire que désormais, les jeunes seront recrutés selon leur profil, pour intégrer le projet de jeu que vous voulez mettre en place ?Tout à fait.
Et ce sera quel type de profil ?Vous verrez.
Quel est l’objectif des féminines, qui sont promues en première division ?Le maintien, comme l’année dernière en D2. Chez les filles, il y a une énorme différence de niveau entre la D1 et la D2. L’idée première, c’est de structurer la section, qui n’existe que depuis neuf mois, et de la pérenniser.
Propos recueillis par Mathias Edwards, au Haillan