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Ramadan : la Ligue 1 en rupture ?
La question du ramadan s’invite de nouveau dans le foot français. Un communiqué de la FFF a suffi pour réveiller les polémiques. Coincés entre le pragmatisme compétitif et la pression du contexte politique, quelle marge de manœuvre pour les joueurs et les coachs ?
La journée de Ligue 1 qui vient de se terminer n’a pas été marquée que par l’énième couac du PSG. Les coachs ont souvent été interrogés sur la question du ramadan. En effet, alors que la Premier League venait d’annoncer qu’elle autorisait, si nécessaire et demandé, les pauses au moment de la rupture du jeûne du ramadan, la FFF a publié une prise de position officielle à l’extrême opposé : « Ces interruptions ne respectent pas les dispositions des statuts de la FFF. » Elle a au passage souligné dans quel cadre légal elle s’inscrivait. « La Fédération et ses organes déconcentrés, en tant qu’organes chargés d’une mission de service public déléguée par l’État, défendent les valeurs fondamentales de la République française et doivent mettre en œuvre les moyens permettant d’empêcher toute discrimination ou atteinte à la dignité d’une personne en raison notamment (…) de ses convictions politiques et religieuses ». Il n’est pas inutile de rappeler que le sport est particulièrement sous la surveillance dans le cadre de la lutte « contre le séparatisme » et la défense de la laïcité. Les associations sportives, dont les clubs de foot, doivent signer désormais une charte de laïcité si elles désirent recevoir une subvention publique, et les femmes voilées ne peuvent participer aux compétitions. Or ces grands principes doivent se conjuguer avec un football façonné en partie par les clubs communautaires (dont les patronages catholiques, de la Jeanne d’Arc de Drancy à l’AJA), sans oublier le poids des milieux populaires.
C’est quoi ce ramdam ?
Au plus haut niveau, ce dilemme rencontre d’abord un écho auprès des entraîneurs, soucieux de protéger la compétitivité de leur onze titulaire. Avec forcément une attitude fluctuante selon le caractère ou les convictions de chacun. Les réseaux sociaux ont ainsi remis en exergue le sens pratique d’un Guy Roux qui, en son temps, était directement allé se renseigner auprès du recteur de la mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, qui lui avait fourni toutes les précisions et exemptions (au fil des siècles, la jurisprudence musulmane s’est étoffée) justifiants d’adapter ou de rompre son jeûne (par exemple si le déplacement dépasse une journée de chameaux, soit 30 kilomètres). À l’opposé, Antoine Kombouaré a décidé pour la dernière journée de ne pas aligner l’international algérien Jaouen Hadjam, qui refusait de rompre le jeûne pour Nantes-Reims (une défaite des Canaris, 0-3). Ouest-France avait ressorti à cette occasion son point de vue en 2009, quand il dirigeait le destin du PSG : « Le ramadan, pendant la semaine, pas de souci. Mais, les jours de match, c’est interdit. Ceux qui font le ramadan le jour de match resteront chez eux. »
Pour rester dans la thématique du coach parisien, on se souvient des accusations proférées par l’ancien dirigeant niçois, Julien Fournier, envers Christophe Galtier. Ce dernier, ce qu’il avait vivement démenti, aurait interdit à ses joueurs de jeûner les jours de match. Chez les Aiglons d’ailleurs, le nouveau boss, Didier Digard, réputé pour sa proximité y compris générationnelle avec son effectif, s’est longuement exprimé, laissant apparaître toute la difficulté de ce sujet, entre la gestion du vestiaire et la pression extérieure, notamment politique. « Moi, je n’ai pas de position sur ces choses-là, c’est toujours compliqué. On est dans un pays laïc, pas dans un pays musulman. Ce sont toujours des sujets délicats. (…) En Angleterre, il faut avouer les choses, ils sont plus ouverts que nous sur le sujet. Maintenant, ce serait bien que la France le fasse. » Avant finalement de remettre au centre la seule dimension sportive et professionnelle : « On accompagne (les joueurs) du mieux possible. On a un pôle performance de grande qualité. Ils sont suivis au niveau de l’alimentation et de l’hydratation. Ils le font par conviction et ça facilite beaucoup les choses. (…) Ils ont la totale liberté, on ne leur pose aucune question. On les aide s’ils ont besoin, mais on juge juste la performance, pas celui qui fait (ramadan) ou qui ne fait pas. »
Le monde est tabou
Pareil exercice d’équilibriste semble, sans forcément toujours être assumé, décider du fonctionnement ordinaire de la plupart des clubs pros, où l’on préfère la négociation à bas bruit que de devoir remettre le couvert sur l’islam, qui a si souvent servi à mettre le foot français sur le gril des débats politiques et des affrontements idéologiques. Éric Borghini, à la tête de la Commission fédérale des arbitres (CFA) de la FFF, a de la sorte essayé d’éteindre le petit incendie auprès de L’Équipe : « Sans alimenter une polémique stérile, les joueurs ont tout loisir de s’hydrater à l’occasion des remplacements ou des soins que reçoivent les partenaires. » Il s’agit peut-être d’éviter le ridicule observé lors du match entre l’Inter Milan et la Fiorentina, quand Lucas Ranieri a simulé une blessure afin Sofyan Amrabat puisse rompre son jeûne. Plus prosaïquement, l’international français Lucas Digne a lâché son ressenti sur son Instagram : « En 2023, on peut arrêter un match vingt minutes pour des décisions, mais pas une minute pour boire de l’eau. » Une fois encore, on se doute que les véritables enjeux ne sont pas véritablement liés au bon déroulement de la rencontre…
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