- CM 2018
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- Luxembourg–Pays-Bas (1-3)
Ralph Schon, adversaire de Robben le dimanche, instituteur le lundi
Ralph Schon a fêté hier soir sa première sélection avec le Luxembourg face aux Pays-Bas d'Arjen Robben (1-3). Ce matin, dès 8 h, le gardien de but de vingt-six ans retrouvait son rôle d'instituteur.
Il suffisait d’écouter l’homme qui commentait ce Luxembourg–Pays-Bas pour Sky Sports pour en être certain : « Ralph Schon is on fire tonight. » À vingt-six ans, le gardien de Strassen, qui a découvert la D1 luxembourgeoise cet été, a sorti quelques parades de grande classe face aux Néerlandais. Si le sélectionneur batave Danny Blind a estimé au coup de sifflet final qu’il s’était frotté au meilleur Luxembourg de l’histoire, il ne savait peut-être pas que les Roud Léiwen étaient pourtant décimés, ce qui a conduit Luc Holtz, l’entraîneur du Luxembourg, à offrir leur première sélection à trois hommes, dont le gardien de but Ralph Schon. Un homme qui, sur les coups de 20h30, papotait avec Maarten Stekelenburg et Arjen Robben dans les vestiaires du stade Josy-Barthel. Et qui, onze heures plus tard, partageait un café avec ses collègues de l’école de Wiltz, dans le nord du pays, avant de répondre à des questions d’élèves qui ne le regarderont plus jamais du même œil.
Comment s’est passé ton retour à l’école ce lundi matin ?
C’était un matinée particulière. Mes collègues avaient prévu qu’on regarde le résumé du match tous ensemble sur un grand écran. Je travaille dans une petite école, où il y a cent dix élèves, alors c’est quelque chose de faisable. Ensuite, les enfants m’ont posé mille questions. J’ai signé des autographes à toute l’école. D’habitude, ils sont assez à l’aise pour me parler. Là, ceux qui savaient qui est Arjen Robben m’ont regardé avec des étoiles dans les yeux.
En général, tu cries plus sur tes élèves ou sur les joueurs qui se placent mal dans un mur ?Je crie plus sur mes défenseurs que sur mes élèves ! À l’école, je suis plutôt calme, mais s’il faut remettre un enfant à sa place, je change de ton. Pour ce qui est du foot, contre les Pays-Bas, sur le coup franc que me met Memphis Depay (1-2, 58e), j’ai crié, mais juste pour me faire entendre. Finalement, le mur était bien placé. Si j’anticipe un peu plus, je peux l’arrêter, je pense. Mais on en avait parlé avant le match avec le coach et on avait décidé que je ne devais pas anticiper. On l’a vu quelques jours plus tôt avec Hugo Lloris lors de France-Suède. Même sur un coup franc de trente mètres, si tu fais un petit pas de trop, tu es foutu. Si j’avais fait ce pas, le risque, c’était de me la prendre côté ouvert.
Au-delà de ça, comment juges-tu ton match ?J’ai pris beaucoup de plaisir. Chez nous, les gardiens savent jouer au pied, ça fait partie des caractéristiques que le sélectionneur Luc Holtz recherche pour ce poste. Je n’ai pas peur qu’on me fasse une passe en retrait. Bon, le terrain n’était pas terrible, alors j’ai dû balancer devant plusieurs fois, mais même quand je me faisais presser, j’ai le plus souvent relancé court.
Une première sélection, ça fait peur ?Dans le tunnel, on était à quelques centimètres des joueurs des Pays-Bas. Je me suis dit : « Est-ce que tout ça est bien réel ? Tu vas bien jouer contre Robben ? » Puis il y a eu les hymnes, j’ai eu des frissons et dès que le match a commencé, j’étais dedans. À aucun moment je n’ai eu peur de mal faire. J’avais enlevé toutes les ondes négatives de ma tête. Je me suis dit que si j’étais là, c’est parce que j’avais les qualités qu’il fallait.
Le stade Josy-Barthel était plein. Jouer devant huit mille spectateurs, c’est forcément ton record…
Oui. Jusqu’ici, j’avais joué au maximum devant huit cents personnes. C’était à Mertzig, en finale de Coupe FLF, une coupe qui concerne les clubs des D3, D4 et D5 luxembourgeoises. Avec Norden 02, on avait battu Bissen 3-1, c’était un bon moment.
À la fin du match, tu as échangé ton maillot avec Maarten Stekelenburg. Qu’est-ce que vous vous êtes dit ?Il m’a dit que j’avais fait un bon match, et moi, je lui ai souhaité bonne chance pour la suite. C’est un mec sympa. Ensuite, on a échangé nos maillots dans les vestiaires. J’ai attrapé Robben qui traînait par là. Je lui ai dit que j’étais instituteur et que s’il avait des photos dédicacées, je les voulais bien pour les donner à mes élèves. Il n’avait même pas l’air surpris. Il m’a dit : « Non, désolé ! » Je ne savais plus trop quoi lui dire, alors j’ai lâché un « Bonne soirée » et je suis parti. Il fallait bien que je tente ma chance !
Quand on est supporter du Bayern Munich, prendre un but de Robben, au fond, c’est un peu une fierté ?Je suis surtout déçu qu’on ait perdu ! Et puis son but, il l’a déjà marqué mille fois ! Il est à droite, il repique dans l’axe et il te punit avec son pied gauche. Tu ne peux pas faire grand-chose.
Tu n’as que neuf matchs de BGL Ligue (D1 luxembourgeoise) et a déjà affronté Sneijder et Arjen Robben. Pourquoi tout se déclenche en ce moment pour toi ?Jusqu’à cet été et ma signature à Strassen, je ne connaissais pas la BGL Ligue. Je ne voulais pas y aller, je préférais me concentrer sur mes études. Je ne regrette pas du tout mon choix.
Maintenant que tu as goûté à la sélection, devenir n°1 est un objectif ?Avant le début des éliminatoires, le coach a été très clair : le n°1, c’est Anthony Moris (gardien de Malines, ndlr). Moi, je vais tout faire pour lui rendre la vie dure. J’accepte cette position sans problème. Le 13 novembre 2015, contre la Grèce (victoire 1-0), j’étais sur le banc du Luxembourg pour la première fois de ma vie. C’était déjà fou. Un an plus tard, jour pour jour, je joue contre les Pays-Bas. Et ça, c’est très fou.
Demain, c’est quoi le programme ?J’ai des élèves qui ont neuf-dix ans. En français, on va commencer un chapitre sur la maison, avec essentiellement du vocabulaire. En mathématiques (au Luxembourg, certaines matières, dont les mathématiques, sont enseignées en allemand, ndlr), on attaque les multiplications.
Propos recueillis par Matthieu Pécot