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Rakitic, un couteau-suisse affûté
Meilleur joueur du FC Séville, dans le gratin de la Liga, Ivan Rakitić réussit un début de saison à conjuguer au plus que parfait. À quelques heures d’un déplacement crucial en Islande, il sera même le facteur X de la sélection à damier. Bref, un mec des plus sous-côtés.
Pour beaucoup, la Croatie ne se limiterait qu’à deux joueurs : Luka Modrić et Mario Mandžukić. Entre un Madrilène au sommet de son art et un Bavarois qui plante comme un cochon, la référence se tient. Moins médiatisés, mais tout aussi précieux, le Darijo Srna est un cadre tout aussi influent. Dans un registre différent, Ivan Rakitić est sans doute l’un des Croates les plus en forme du moment. En feu avec le FC Séville, le Suisse de naissance réussit le plus beau début de saison de sa carrière. À base de lucarnes, de gestes gracieux et de remontrances bien senties, le capitaine des Palanganas déborde d’énergie. Au point d’en faire le meilleur buteur andalou de cette saison. Avant d’affronter l’Islande dans une double confrontation mondiale, Rakitić est bien le facteur X de la sélection emmenée par Niko Kovač. Preuve de son importance capitale, la Croatie avait chuté contre l’Écosse sans lui. Du côté du Sanchez-Pizjuán, même topo : le capitaine Rakitić est la pierre angulaire du système d’Unai Emery. Costaud.
Capitaine total pour bateau bancal
Rakitić : un mot compte-double qui revient en boucle chaque année sans que l’on sache vraiment pourquoi. Avec ses bientôt neuf ans de carrière pro, le bougre ne compte pourtant que 25 printemps au compteur. Un quart de siècle durant lequel il a décollé à Bâle avant de se faire un nom à Schalke. Depuis son départ de la Rhur à l’hiver 2011, il régale le Sanchez-Pizjuán. Malgré de nombreux mouvements à chaque inter-saison, lui reste. Cet été, entre les 16 départs et 13 recrues du FC Séville, il devient capitaine du navire andalou. Un geste fort qui lui vaut de prendre le relais des exilés Palop, Negredo et Jesús Navas. Pour Pablo Blanco, coordinateur de la Cantera cité dans El País, « C’est un exemple d’honnêteté et d’enthousiasme. La matière grise du FC Séville » . Pour le toujours très mesuré président Del Nido, « si je pouvais, je lui ferais un contrat jusqu’à sa retraite » : « Il a démontré tout son professionnalisme, sa ardeur, son amour propre, son envie de se battre pour l’écusson et les couleurs(du FC Séville, ndlr). Il a gagné le respect du vestiaire. »
Ivan Rakitić a gagnée cette nouvelle aura grâce à sa forme étincelante. Bien dans sa tête, bien dans ses pompes, le Croate resplendit sur les pelouses d’Espagne. Dans un rôle de milieu-piston, il fait des merveilles par sa polyvalence. À tel point qu’Unai Emery ne peut plus s’en passer. Défensivement, il ne compte pas ses efforts. Offensivement, il marque et fait marquer. Arithmétiquement parlant, Rakitić en est déjà à neuf buts et huit passes décisives. Des statistiques qui font de lui le joueur le plus influent et prépondérant de Liga au sein d’une équipe. Le moindre pépin physique faisant son apparition, c’est tout le bateau andalou qui tangue. Après avoir joué plus de 1300 minutes – 1359 exactement – depuis le 1er août, la première tuile arrive. Alors en sélection, son adducteur ne supporte plus les efforts. Au repos forcé, il voit de loin la mauvaise passe sévillane et croate. Son entraîneur basque respire pour son retour. Et ne moufte pas lorsque son capitaine élève le ton suite à la déroute du Bernabéu : « Il est autorisé en tant que capitaine à exprimer ses doutes et manifester son opinion. »
Le David Trezeguet à damier
Adepte d’un franc-parler légitimé par ses prestations, Ivan Rakitić rappelle un certain Davor Suker. À une différence près. A contrario de à l’actuel président de la Fédération croate, le capitaine du FC Séville n’a pas vu le jour dans une maternité de l’ex-Yougoslavie. Né à Rheinfelden, commune du canton suisse d’Argovie, il fait (FC Möhlin-Ryburg de 1992 à 95) et parfait (FC Bâle de 1995 à 2007) toute sa formation dans la confédération helvétique. De quoi lui ouvrir les portes des sélections suisses des moins de 17 ans, moins de 19 ans et Espoir. En 2007, deux choix s’offrent à lui : choisir sa sélection natale ou celle de ses parents tous deux croates. Comme son ami Mladen Petrić, il opte pour le drapeau à damier. Résultat des courses : sa famille reçoit des menaces de mort et l’Union Démocratique du Centre – parti politique qui, comme son nom ne l’indique pas, penche à droite toute – en fait un thème de campagne. Solide, le gaillard résiste à la pression. Et deviendra par la suite un homme de voute de la sélection croate. L’Islande n’a donc qu’à bien se tenir : Ivan Rakitić en a maté des plus terrifiants.
Par Robin Delorme, à Madrid