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Rakitic, l’homme à tout bien faire
Recruté dans l'ombre de Luis Suárez, Ivan Rakitić n'en reste pas moins l'une des clés de voute du triplé blaugrana. En troquant son statut de seigneur du Sánchez-Pizjuán pour celui d'infatigable ouvrier du milieu du Camp Nou, le Croate a réussi son pari. Car oui, il sait tout faire.
Hans Gamper, rebaptisé Joan sitôt arrivé dans la capitale catalane, tient enfin son héritier. Plus d’un siècle après avoir créé l’entité blaugrana, appelée à ses prémices Foot-Ball Club Barcelona, ce notable suisse aperçoit enfin à travers Rakitić son successeur. Ancien capitaine du FC Bâle, le créateur de l’autre FCB, catalan, avait offert au fanion blaugrana le même jersey que son premier club. Un club suisse qui a également formé l’actuel international croate Ivan Rakitić. Né à Rheinfelden, petite bourgade helvète proche de la frontière allemande, Ivan arpente le centre d’entraînement bebbi durant plus de dix ans. Deux arrêts à Schalke 04 puis au FC Séville plus tard, il atterrit à Barcelone. En à peine une saison, il a conquis le Camp Nou, ses socios et son entraîneur. Luis Enrique, fervent militant de sa venue, ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur la crinière blonde de son milieu tout terrain : « Il nous a apporté de la vitesse, du travail, une bonne frappe de balle… C’est un joueur très complet, qui a la volonté d’aider les autres. » Un équilibriste qui y est pour beaucoup dans le triplé barcelonais, mais qui préfère l’ombre à la lumière. Question de pudeur.
De seigneur sévillan à esclave du bien commun
En l’espace d’un an, le sieur Rakitić a réussi l’exploit de remporter les deux trophées européens. Tout d’abord étendard du FC Séville d’Unai Emery, il devient un an plus tard le plus bel ouvrier du FC Barcelone de Luis Enrique. Une mue qu’il avait prévu : « Avant, je tirais tous les coups francs et me chargeais de tous les penaltys. Aujourd’hui, non. Mais c’est normal, car l’idée est différente. Je savais ce qui m’attendait ici et il n’y a aucun problème. » De même, son intégration est scrutée de près. Depuis l’arrivée de Pep Guardiola sur le banc du Camp Nou, aucune recrue du milieu de terrain n’a réellement réussi à s’imposer. Javier Mascherano s’en est allé en défense, tandis que Cesc Fàbregas et Alexandre Song ont retrouvé leur Londres originel. Seul Seydou Keita, lui aussi recruté au Sánchez-Pizjuán, a fait de son rôle de second couteau un succès. Un supersub que ne voulait pas devenir le Croate, plus enclin à être le Luka Modrić blaugrana. Comme le conte plus poétiquement Miguel Angel Lotina, bourlingueur des bancs de Liga, « il est passé du statut de seigneur de Séville à celui d’esclave au service du bien commun du Barça » .
Principal trait de caractéristique du Croate, il ne compte pas ses efforts qu’il peut répéter chaque semaine. Avec un onze catalan qui a troqué le pragmatisme de son milieu pour celui de son attaque, son apport s’est révélé prédominant. Pour ce, il a trouvé le professeur adéquat au sein de l’effectif de Lucho. « Pour moi, la meilleure nouvelle est de savoir que Xavi reste, pour avoir la possibilité d’apprendre de lui et de m’améliorer à ses côtés, répétait-il dès l’été dernier. Mais je suis ici pour apporter mon football, pour améliorer l’équipe si je le peux. Je suis un joueur différent dans le plan de Barcelone. » Son intégration se veut une réussite dès le début de l’exercice. Pour autant, il scrute les premiers chocs de la saison azulgrana face au Real Madrid et au PSG depuis la guérite. Des mises au banc qui coïncident avec un coup de mou dans la belle mécanique barcelonaise. Le repositionnement de Messi sur le flan droit de la triplette offensive fait alors office de point d’inflexion. L’Argentin, de retour à son poste naturel, ne brille pas par son implication défensive. De fait, le sacrifice du Croate devient un point fondamental de l’équilibre retrouvé.
Le « préféré » de Luis Enrique
Combler les espaces délaissés par la Pulga n’est pas la seule tâche défensive de Rakitić. Ainsi, ponctuellement, Luis Enrique l’a testé en sentinelle devant la défense. Avec son numéro 4 sur le dos – celui propre au milieu de la dream-team de Johan Cruijff -, il cristallise donc la mutation de ce Barça plus versatile. Pour ne pas dire plus dangereux, à l’heure où ses armes offensives sont décuplées par la maîtrise de la contre-attaque ou des phases arrêtées. Encore une fois, sa maîtrise de l’espace fait mouche. Lorsque Lionel Messi, plus fort que jamais, repique plein axe sur son pied gauche, le Croate occupe cette zone latérale en compagnie de Dani Alves. Homme des grands rendez-vous, il marque le dernier de ses sept buts lors de la finale de la Ligue des champions. « Ça a sans doute été le plus important de ma vie, racontait-il dernièrement sur les ondes d’Onda Cero. Mais ça a été une année difficile et compliquée. Ça n’a pas été facile d’entrer dans le Barça. » Des difficultés qu’il avoue de son plein gré, mais que peu ont ressenti. Pas même Luis Enrique, pour qui Ivan reste « son préféré » , puisqu’il lui saute dans les bras après chaque succès.
Par Robin Delorme, en Espagne