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Raí : « Neymar n’est pas toujours sympa, mais il n’est jamais caché »
De passage dans la capitale, Raí a accepté de se livrer une vingtaine de minutes à propos du Brésil, de Neymar, de cette Coupe du monde 2018 et du PSG, évidemment.
Zé Roberto a récemment déclaré que Neymar « a besoin de jouer dans un club avec plus de visibilité, comme le Real Madrid ou le Bayern Munich » pour devenir le meilleur joueur du monde… L’arrière gauche du Bayern ? J’ai pas vu qu’il avait dit ça. Il n’y a pas que lui, Rivaldo pense la même chose…
À mon avis, ils parlent sans connaître le projet du PSG. Neymar est tellement fort… C’est un joueur qui a déjà marqué l’histoire du foot, au-delà de sa seule génération, alors cela semble logique de vouloir le voir jouer dans les ligues les plus relevées, en Premier League ou en Liga. Mais ils oublient qu’aujourd’hui, la Ligue des champions est devenue la compétition essentielle. Il n’y a rien de plus important. La gagner au Paris SG, c’est le projet que s’est fixé Neymar. Quant au championnat de France, il est en progression. Le fait que Neymar vienne, cela tire tout le monde vers le haut, cela pousse tous les autres. Et cela ramène aussi plus d’argent, il n’y a qu’à voir les derniers droits télé. Grâce à lui, la Ligue française va devenir de plus en plus forte, avec plus d’argent et d’investissements. Il va aider là-dessus.
Tout comme Neymar, tu as été capitaine du Brésil. Mais vous avez deux styles diamétralement opposés, sur et en dehors du terrain. Tu ne me connais pas en privé. (Rires.) Non, mais c’est vrai, Neymar c’est différent. Mon associé me répète toujours la même chose, et finalement je suis assez d’accord : « Neymar n’est pas toujours sympa, mais il n’est jamais caché. » Il y en a qui l’aiment, d’autres qui ne l’aiment pas, mais lui n’a jamais changé sa façon d’être, prétendu être quelqu’un qu’il n’est pas. Je n’avais pas ses qualités sur le terrain, mais la vraie différence entre nous, c’est que moi je n’étais pas millionnaire à vingt ans. Il faut se rendre compte, c’est difficile à gérer pour un jeune, ça perturbe, non seulement l’argent, mais la médiatisation, tellement plus importante qu’à mon époque. Tout est amplifié. Messi, il a déjà tout prouvé dans sa carrière, mais quand il arrive en Russie, il doit prendre le ballon, dribbler cinq joueurs et marquer, sinon le public ne va pas être content. Il n’a pas le droit d’être moyen sur un match. C’est vraiment incroyable, cette exigence.
Comment faire ?
La préparation psychologique, la science de la psychologie sportive doivent prendre du poids chez les entraîneurs par rapport au physique et la technique pour répondre à ces nouveaux défis. Il faut réfléchir là-dessus, car cela devient difficilement tenable pour les meilleurs joueurs. Les matchs ont tellement d’importance, pour chaque pays, pour chaque peuple… Les joueurs le sentent, ils ont peur et ils développent des failles qui peuvent marquer à vie… On se souvient d’Escobar en 1994, qui a été assassiné après son erreur. Cueva, qui joue chez moi à São Paulo, a raté son penalty pour le Pérou, alors qu’il a tout le poids de sa nation sur les épaules. Quelles conséquences pour la suite de sa carrière ?
Que penses-tu de la rotation du brassard de capitaine instaurée par Tite ? Je ne suis pas trop d’accord, j’ai l’impression qu’il fait ça justement pour ne pas mettre encore plus de pression sur un seul individu, qui incarnerait de fait le leader… Après, peut-être que Tite ne voit pas quelqu’un qui sort vraiment du lot pour ce rôle… Thiago Silva, on a vu que cela avait été un poids pour lui en 2014. C’est dur d’être capitaine de l’équipe nationale du pays du football, que tout le monde attend au tournant ! Neymar, juste après avoir remporté les Jeux olympiques, une première pour le Brésil, avait demandé à ne pas être nommé capitaine.
Cette année encore, il semble assez émotif. Toi, tu as eu des larmes sur le terrain, à part pour ton départ du PSG ?Non, mais chacun réagit d’une façon différente. Je ne suis pas critique concernant quelqu’un qui pleure. Il a pleuré à la Coupe du monde en Russie, et à celle au Brésil, mais ce n’était pas le seul. Cela ne concerne pas que les Brésiliens non plus, beaucoup d’autres grands joueurs ont pleuré. Je vois ça d’un œil positif, cela montre que c’est un être humain qui, comme tout le monde, a des limites.
En attendant, il a dépassé Romário au nombre de buts marqués en sélection, devenant le troisième meilleur buteur de l’histoire derrière Pelé et Ronaldo…
Il est encore jeune, il a l’avenir devant lui. Quand je vois sa volonté d’être le meilleur, d’encore progresser, je n’ai pas de doutes sur le fait que ses chiffres vont monter encore plus haut. Neymar, c’est un hybride, il est buteur, mais il a aussi un peu la magie de Ronaldinho, il peut faire plein de choses. Il est un peu entre Ronaldo et Ronaldinho, mais pour arriver à leur niveau, il a encore du chemin à faire. Cela dépendra s’il gagne une Coupe du monde. Cela change tout par rapport à ses prédécesseurs qui l’ont gagnée. Mais s’il réussit, selon moi, il sera à leur niveau, voire au-dessus.
En parallèle, Thiago Silva est de retour au premier plan. Comment sa résurrection est-elle vécue au Brésil ? Il est impressionnant depuis le début de la compétition. Il faut dire aussi qu’il est en bonne compagnie avec Miranda. Il a pris en force physique et il ne commet jamais d’erreurs. Il revient d’une Coupe du monde difficile où il a craqué, la relation était très difficile avec le public brésilien. Mais aujourd’hui cela s’est arrangé. Quand il marque de la tête contre la Serbie, le commentateur a hurlé : « Le géant est revenu. » Pour moi, s’il continue comme ça, il va marquer les esprits. Je le vois au niveau de Cannavaro en 2006.
Quel moment t’a le plus touché pour l’instant dans cette Coupe du monde ? Le but du Panama ! Trop beau ! Ils étaient menés 6-0 contre l’Angleterre, ils marquent un but, et ils ont couru comme s’ils étaient champions du monde. Vraiment beau à voir. Cela montre un autre côté de la compétition, à quel point c’est grand la Coupe du monde. Marquer un but à la Coupe du monde, cela peut marquer l’histoire d’un pays.
Et celui qui t’a fait le plus rire ?
La parade du consul sud-coréen à Mexico. Quand le match entre l’Allemagne et la Corée du Sud s’est terminé, il y a tous les supporters mexicains qui sont sortis faire la fête devant l’ambassade de Corée du Sud, pour les remercier de la qualification. Ils ont fait une fête énorme devant l’ambassade, le consul est sorti avec une bouteille de tequila, il a été porté par la foule comme un héros national. La foule chantait que les Coréens étaient devenus des frères.
Nous venons de finir les huitièmes de finale. Quels bilans tires-tu déjà de cette compétition ? Certaines grandes équipes semblent moins bien cette année, les grandes stars aussi. Quand on voit l’Espagne en 2010, l’Allemagne en 2014, c’étaient des chefs-d’œuvre collectifs. Là, on a l’impression que c’est moins travaillé. Sur le plan technique, les matchs sont d’un moins bon niveau qu’en 2014. Mais cela n’empêche pas d’avoir des émotions ! Dans cette édition, je suis frappé par le nombre de buts inscrits dans les dernières minutes. Le Brésil contre le Costa Rica, l’Argentine contre le Nigeria, l’Allemagne contre la Suède…. Cela vient de l’énergie qui se dégage des supporters, des pays et de la compétition. C’est au-delà de la normale.
Un mot pour finir sur ton association Gol de Letra, qui offre une aide éducative aux enfants défavorisés et qui fête cette année ses 20 ans…
C’est une association qui grandit depuis ses débuts. Aujourd’hui, on a une école publique au Brésil qui utilise la technologie de Gol de Letra. En plus de nos centres, on organise des matchs dans toutes les régions du Brésil, on est partout vraiment. Je suis devenu directeur sportif de São Paulo, donc j’ai moins de temps pour chapeauter les projets maintenant, mais je suis fier de l’équipe qui est en place, et qui continue le travail, je supporte ça de près. Pour nous, ce qui est important, c’est de continuer à obtenir des soutiens et à nouer des partenariats, notamment avec les institutions françaises.
Il faut aussi un partenariat entre São Paulo et le PSG… La dernière fois que j’étais au Parc, j’ai eu une longue discussion avec Antero Henrique, on a beaucoup parlé d’une future collaboration. J’espère œuvrer au rapprochement des deux clubs, qui ont plein de choses en commun. Je veux renforcer l’identité du PSG avec les Brésiliens. São Paulo, c’est le club qui fait sortir le plus de jeunes joueurs talentueux au Brésil, alors on va voir.
Et sinon, la Ligue des champions pour le PSG, c’est pour l’année prochaine enfin ? (Rires.) Commencer avec cet objectif, c’est ce qui a mis un peu de difficulté dans le projet du club. La direction a mis la barre très haut. Tout ce qui est en dessous, on a l’impression que c’est mauvais, alors que non, c’est remarquable dans l’histoire du PSG. Gagner la Ligue des champions, c’est une chose difficile à atteindre, mais le PSG en a les moyens, alors pourquoi pas.
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