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- 8e journée
- PSG/Monaco
Raí, larmes à gauche
PSG-Monaco, c'est avant tout l'édition de 1998. Celle qui s'est terminée sous une pluie battante après une énième défaite du PSG face à sa bête noire monégasque (1-2), mais l'essentiel était ailleurs. Ce soir-là, le Parc des Princes a dit au revoir à un monsieur : Raí Souza Vieira de Oliveira. Capitaine Raí, quoi.
Les matchs entre le PSG et l’AS Monaco au Parc des Princes ont souvent été le théâtre dramatique d’événements uniques. Comme ce coup du sombrero de Laurent Fournier sur Lilian Thuram en 1995, ou le tacle de José-Karl Pierre-Fanfan qui repart avec le genou de Shabani Nonda le même soir où Pauleta claque son premier pion sous les couleurs parisiennes. Dans toutes ces histoires princières, l’édition du 25 avril 1998 est unique en son genre. Ce soir-là, Raí faisait ses adieux au Parc des Princes après un quinquennat incroyable dans la capitale. Cinq années ponctuées de 215 matchs et 72 buts et de nombreux titres (Championnat, Coupes des coupes, Coupe de France, Coupe de la Ligue). Pour ceux qui ont eu la chance d’assister à ce match, le score est anecdotique. D’autant que le PSG a perdu (1-2) et termine une saison catastrophique, la dernière de Michel Denisot à la tête du club. De ce match, il ne reste que Raí. Le capitaine. Et son rapport très particulier avec le Parc des Princes. Un stade versatile. Dur. Rancunier. Violent. Bruyant. Pourtant, ce soir-là, le Parc va saluer son héros pendant plus de deux heures. Unique buteur parisien du match, Pierre Ducrocq n’a rien oublié. « Tout le stade l’avait salué. Les deux virages avaient fait des tifos en son honneur. À chaque fois qu’il touchait le ballon, le stade se soulevait » , se souvient celui qui officie aujourd’hui sur France Bleu Île-de-France. Ducrocq toujours : « Avant la rencontre, il était dans la maîtrise. Il n’avait rien laissé transparaître. » Un sentiment corroboré par le Brésilien lui-même dans des propos rapportés par L’Équipe le matin du match. « Probablement ne vais-je rien montrer de ce que je ressens. Ce doit être plein de bonheur. Il ne sera pas fait de larmes. À l’intérieur, oui, au fond de moi, certaines couleront, mais j’ai vraiment envie de danser une dernière fois, de rire, de jouer et de séduire ce Parc que j’ai tant aimé… » Mais le grand Brésilien va se montrer présomptueux. Parce qu’il va craquer. Et vite.
Pierre Ducrocq : « Le plus bel hommage rendu par le Parc »
« La carapace a commencé à se fissurer à vingt minutes de la fin du match, détaille Pierre Ducrocq. Et là, il a craqué. Et voir un monsieur comme ça pleurer sur un terrain, après tout ce qu’il a connu, ça fait bizarre. C’est le plus bel hommage que le Parc ait rendu à un joueur. Même Pauleta n’a pas eu droit à ça. Le Brésilien représentait quelque chose à Paris. C’était la fin d’une ère. » Difficile aujourd’hui de comprendre l’importance de l’arrivée du joueur en 1993 si on regarde le PSG à travers le prisme de QSI. À l’époque, les Franciliens brillaient avec François Calderaro, Jean-Luc Sassus et Amara Simba. En 1993, c’est donc le capitaine du Brésil qui débarque dans la capitale. Un monstre. Premier match contre Montpellier au Parc, l’ancien du São Paulo fait une ouverture de 40 mètres avec un coup du foulard. Le ton est donné. Pourtant sa première saison va être un fiasco. Le garçon ne marque pas. Il se fait bouger sur tous les terrains et sa lenteur est pointée du doigt. Ducrocq se souvient : « Quand il arrive, c’est quand même le capitaine du Brésil et il va passer trois mois en CFA pour se retaper physiquement. Sa première année est difficile. Il a mangé dans la presse et pourtant, il n’a jamais ouvert sa bouche. Et puis, fallait le voir à l’entraînement. Ce qui m’a toujours marqué, c’est sa lenteur. C’était un grand gaillard et j’ai dû défendre pas mal de fois sur lui au Camp des Loges. Avec Édouard Cissé, on n’arrivait jamais à lui prendre la balle. Il se mettait dos à vous, contrôlait la balle avec la semelle et son dos était tellement imposant qu’il masquait la balle. En deux crochets, il était déjà ailleurs et avait envoyé une ouverture sur un attaquant car il avait déjà tout vu avant vous. Il a mis un an à devenir le patron. Ensuite, il a déroulé… »
La marque des grands ? Un chant en son nom
Une année pour apprendre en somme. Ensuite, le numéro 10 n’avait qu’un objectif : retourner l’opinion et surtout se mettre « son » Parc dans la poche. « Au début, on doutait de moi. Quand je ratais un dribble ou une passe, lorsque j’essayais de jouer mon football et qu’il ne passait pas, ce n’est pas le public que je défiais. Mais ce stade. Cette arène. Je ne voyais que lui et j’étais enfermé, peut-être même perdu. Je me suis dit : « Il faut que tu lui plaises. Il faut que je le séduise. » Oui, c’est un drôle de rapport qui s’est tout de suite installé avec le Parc… » se souvient-il le matin de son dernier match contre Monaco. 90 minutes plus tard, les larmes sont sur tous les visages. Alors que le joueur a le visage déchiré par les larmes, il s’en va jeter son maillot chez les Tigris Mystic, en Auteuil rouge, avant de terminer son tour d’honneur face au Kop de Boulogne. Le stade chante « capitaine Raí » sur l’air de Capitaine Flam, l’une des rares chansons du Parc des Princes destinées à un joueur, preuve qu’entre le stade de la Porte de Saint-Cloud et le Brésilien, il s’est passé quelque chose. Alors qu’il aurait pu faire son jubilé au Brésil, au chaud à la maison, c’est à Paris qu’il viendra fêter la fin de sa carrière en 2001. Tout sauf un hasard. Dans les coursives d’Auteuil d’avant le plan Leproux, certains grands noms du club avaient eu droit à des portraits sur les murs. Le Brésilien en faisait logiquement partie. Le Parc était sa maison. Forcément, lui dire au revoir a laissé des traces. « À la fin du match de Monaco, l’ambiance est particulière dans le vestiaire. Il est touché, ému, triste de partir car il aimait vraiment Paris et le Parc. Nous, on est triste pour lui. Triste de le voir partir car ça signifie la fin d’une époque » conclut Pierre Ducrocq. Dehors, le ciel pleure aussi. Il pleut des trombes d’eau. « Je ne saurai que plus tard, dans cinq ans, lorsque je reviendrai faire un tour à Paris, si j’ai compté dans l’histoire du club, déclarait le joueur le matin de cette dernière au Parc des Princes. On verra si les gens me reconnaissent et je constaterai de moi-même si je leur ai laissé un souvenir heureux. » Seize ans plus tard, même si les graffitis du Parc des Princes ont été effacés, l’âme du Brésilien est toujours là. À jamais. N’en déplaise à Zlatan Ibrahimović et son « avant moi, ils n’avaient rien » , car avant le Suédois, les Parisiens avaient Raí. Autant dire qu’ils avaient tout.
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