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Rafael van der « Darts », une scène de Batave
Parce qu’aux Pays-Bas, il n’y a pas que le totaalvoetbal et parce que la vie est trop courte pour n’avoir qu’une seule carrière, Rafael van der Vaart a décidé de rejoindre la deuxième école d’excellence de son pays : celle des fléchettes. Les 3 et 4 mai prochain, au Danemark, le néo-retraité disputera son premier tournoi de darts chez les pros. Un challenge par amour du jeu qui pourrait bien être le plus dur de sa vie de sportif. Explications.
Cinq mois loin des terrains, à appréhender un nouveau statut de retraité. Ce n’est pas assez pour mettre à mal la coupe sur mesure de ce costume bleu marine dont on devine pourtant qu’il a connu « sa vie d’avant » . Ce n’est pas plus suffisant pour faire disparaître ce grand sourire du visage de Rafael van der Vaart. Logique : ce mercredi 17 avril, le Batave a toutes les raisons de traîner sa moue joyeuse sur le plateau allemand de la Sky. La veille, son Ajax renversait la Juve au terme d’une partition dont il aurait volontiers sifflé quelques notes. Le soir même, Tottenham, où il a passé deux belles années, se qualifie au nez et à la barbe de Manchester City, grâce à un doublé de Heung-min Son, qu’il a connu et apprécié à Hambourg. Un début de semaine estampillé « Que la famille » qui n’est pas l’unique raison de l’épanouissement palpable du gamin de Heemskerk. Le jour de la qualification des Spurs est également celui d’une annonce qui a fait couler l’encre aux Pays-Bas et au Royaume-Uni : les 3 et 4 mai prochains, à l’occasion du Denmark Open et du Denmark Masters, Rafael van der Vaart disputera ses premiers tournois professionnels de darts. Le début d’une reconversion qui coule plus de source qu’on ne le pense. Le début d’un parcours semé d’embûches.
Réservoir de talents
Sa deuxième vie commencera donc là où sa première s’est arrêtée. Esbjerg, Danemark-du-Sud, 120 000 habitants environ et une salle, la Granly Hockey Arena, qui, comme son nom ne l’indique pas, verra se disputer en son sein deux tournois de darts au début du mois prochain. C’est ici que Rafael van der Vaart a raccroché les crampons en novembre 2018. C’est ici, à 36 ans, qu’il lancera ses premières fléchettes lors d’un tournoi qui compte. Si cette reconversion peut sembler loufoque à plus d’un égard, elle puise sa genèse dans la culture néerlandaise. Aux Pays-Bas, on ne brille pas que par le totaalvoetball. Terre de cyclisme, Mecque du patinage de vitesse, le royaume de Willem-Alexander est une école d’excellence pour les joueurs de darts. Si la domination anglo-saxonne dans un sport marqué par les légendes anglaises Eric Bristow et Phil Taylor (16 fois champion du monde) n’est pas un mythe, la Hollande n’en demeure pas moins un incroyable réservoir de talents.
We’ll keep it Van der Vaart instead of Van der Dart. Hopefully more luck today during the ProAm together with Mighty Mike @MvG180 in Cologne ? pic.twitter.com/ntTcDUFPO4
— Rafael van der Vaart (@rafvdvaart) 5 janvier 2019
Cinq fois champion du monde et icône des darts, Raymond van Barneveld prendra sa retraite en fin d’année, tandis que le circuit actuel est actuellement largement dominé par un autre Batave, Michael van Gerwen, trois fois titré au niveau mondial à 29 ans. Le premier donne aujourd’hui des conseils avisés à Rafael van der Vaart, tandis que le second a fait équipe avec le footballeur lors d’un championnat du monde des célébrités qui les a vus s’incliner en finale. Avec de tels tuteurs et en évoluant dans un pays dont d’autres représentants garnissent allègrement le top 64 mondial (Vincent van der Voort, Jelle Klassen, Jeffrey de Zwaan, Benito van de Pas…), il apparaît presque logique qu’un compétiteur passionné, qui découvre ce qu’est le temps libre, se lance à l’abordage d’une nouvelle carrière.
Deux tuteurs de génie, mais un grand écart à faire
Il faut cependant nuancer les gros titres apparus dans les médias britanniques. En effet, les deux tournois auxquels participera le joueur passé par le Real Madrid, en compagnie de son frère Fernando, sont des petits tournois. Pour comprendre cela, il faut mettre son nez dans les livres d’histoire des darts. Depuis la fin de l’année 1993, il existe deux fédérations différentes pour ce même sport. La British Darts Organisation (PDC) que l’on pourrait qualifier de « fédération d’origine » . Et la Professional Darts Corporation (PDC), créée au début des années 1990, à la demande d’un groupe de joueurs qui déploraient le manque de professionnalisation et de moyens dans leur sport. L’année 1993 est celle du dernier championnat du monde « unifié » . Depuis, la PDC n’a cessé de professionnaliser les darts, tandis que la BDO est resté dans son jus. Aujourd’hui, la différence de niveau et de prize money est immense entre les deux fédérations. Les deux tournois organisés à Esbjerg le sont par la BDO. À titre d’exemple, le vainqueur de l’événement gagnera 8500 livres sterling, alors qu’en remportant son troisième titre mondial PDC le 1er janvier dernier, Michael van Gerwen a ramassé 500 000 livres sterling.
Plus de quatre heures d’entraînement par jour
D’autre part, on ne peut pas dire que Rafael van der Vaart deviendra, à cette occasion, un joueur de darts pro. D’abord parce qu’un peu sur le même mode que le tennis, ce sont les bons résultats sur le circuit qui ouvrent les portes du professionnalisme. Ensuite, car en dépit de sa passion sans limite pour le sport, l’ancien Oranje se frottera les 3 et 4 mai à des joueurs dont le niveau sera infiniment supérieur à ce qu’il a pu montrer jusqu’ici, notamment lorsqu’il a participé aux championnats du monde des célébrités avec Michael van Gerwen. Si les darts ont une bonne tête de loisir pour certains, de jeu de bar pour d’autres, il faut comprendre que même au sein des petits tournois organisés par la BDO comme celui d’Esbjerg, les participants sont des sportifs qui s’entraînent généralement plus de quatre heures par jour, et ce, depuis des années.
L’inscription de Rafael van der Vaart est donc une première étape vers quelque chose de plus grand. Aura-t-il l’envie et la motivation pour aller chercher plus ? Lui seul le sait et il connaît l’exemple à suivre : Gerwyn Price, Gallois, ancien rugbyman et aujourd’hui dans le top 10 mondial PDC. C’est en revanche un excellent coup de com’ pour le Denmark Open et le Denmark Masters, qui afficheront sans doute complet. En attendant, Rafael Van der vaart peut continuer sa semaine de bonheur ce jeudi, en regardant la Premier League. Non, pas celle de foot. Celle de darts.
Par Swann Borsellino