- C3
- 16es
- Braga-Sion
Rafa Silva, l’heure de l’envol
Recalé par le Sporting dans son adolescence, Rafa Silva savoure aujourd'hui sa revanche. L'international portugais brille depuis plusieurs saisons avec Braga, au point d'être courtisé par les trois grands clubs de Liga Nos et plusieurs grandes écuries étrangères. Portrait d'un dribbleur de poche qui devrait se faire un nom en Europe assez rapidement.
Un contrôle soyeux de l’extérieur en pleine course, un coup de rein dévastateur, une frappe aussi puissante que bien placée, et surtout, aucun défenseur pour suivre la cadence de l’enchaînement. À l’heure de jeu du seizième de finale aller opposant Sion au Sporting Braga, Rafa Silva a montré toute l’étendue de son talent pour mettre ses coéquipiers en bonne posture avant le match retour de mercredi au Estadio Axa. Ce but, l’international portugais aurait bien pu ne jamais l’inscrire. C’est que l’ailier de formation est courtisé par les trois grands portugais, depuis un bon moment. La presse sportive nationale a carrément fait état d’un sérieux abordage de la part d’un FC Porto en crise et à la recherche d’un dynamiteur de défenses. Pour draguer Antonio Salvador, président de Braga et ami intime de Jorge Mendes, Pinto da Costa a cédé le milieu offensif Josué et proposé Varela en prêt jusqu’à la fin de la saison au club minhoto, en plus des 16 millions d’euros mis sur la table.
C’est précisément sur la somme alignée par les Dragões que le bât blesse. Le boss du SCB n’avait que faire des actifs proposés par le rival portista tant que la clause libératoire n’était pas battue ou du moins égalée. Le stratagème de Porto, digne d’un joueur de Football Manager essayant tant bien que mal de s’offrir une valeureuse recrue malgré un budget trop serré, n’aura donc pas fonctionné, mais il aura largement contribué à ériger Rafa Silva au rang de joueur intra-Liga le plus désiré par l’élite portugaise. La question n’est plus de savoir si le feu follet quittera Braga à la fin de la saison, mais plutôt, où partira-t-il ? Avant de signer à Braga, le Sporting s’intéressait déjà au bonhomme, qui estimait alors que l’on ne pouvait refuser les avances de telles écuries. Benfica semble un peu en retard sur le dossier, mais le mercato est bien loin de rouvrir. Et puis que dire de l’intérêt des clubs étrangers ? Peu avant le match aller contre Sion, la presse anglaise parlait d’un intérêt de Manchester United pour la pépite portugaise. Bref, ils sont nombreux à vouloir se l’arracher et ça en dit long sur le talent du joueur.
Recalé par le Sporting dans sa jeunesse
Si Rafa est toujours à Braga, c’est que ce dernier a des ambitions. Paulo Fonseca vise un gros parcours sur la scène européenne et aspire à remporter la Coupe du Portugal, et il sait qu’il a plus de chance d’y arriver avec son as sur le tapis vert. L’autre raison, c’est que les trois gros n’ont pas su déceler le potentiel du bonhomme lorsque ce dernier n’était qu’un mioche. Le Sporting Clube de Portugal peut par exemple se mordre les doigts d’avoir recalé l’ailier après une semaine d’essai dans la grande academia, d’où est sorti Cristiano Ronaldo. Le natif de Barreiro n’a pas convaincu les recruteurs, persuadés que « des joueurs comme lui, il y en a beaucoup » . Il faudrait demander l’avis des joueurs marseillais, totalement ridiculisés par le petit nul en phase de poules, sur la question.
Déçu mais pas résigné, le gamin fait ses gammes du côté d’Alverca, où il débarque à onze ans. Là encore, et malgré de nombreux matchs face aux équipes de jeunes des mastodontes portugais, il échappe aux radars des recruteurs. Ce n’est qu’à 18 ans qu’il fait ses débuts dans le football professionnel, du côté de Feirense. Il y rencontre son entraîneur de l’époque devenu mentor, Henrique Nunes. « Malgré ses 18 ans, il s’illustrait de par sa clairvoyance et une maturité au-dessus de la moyenne » , se souvient ce dernier sur le site Zerozero.pt. La D2 portugaise devient rapidement trop petite pour lui, à tel point qu’il ne tarde pas à planter quelques buts, à délivrer des caviars et à collectionner les compilations Youtube, une poignée de mois après être sorti de nulle part. Il gagne même le surnom de « Hazard portugais » . Certes, il manque de volume de jeu et de masse musculaire, mais le potentiel est là. Le Sporting est cette fois intéressé, mais tergiverse trop, permettant à Braga de rafler la mise moyennant 500 000 euros. Des broutilles quand on pense à la plus-value que fera Antonio Salvador en vendant son meilleur joueur.
« Il possède encore une marge de progression »
En plus d’être doué, le jeune Rafa a la chance de tomber sur le meilleur des professeurs, Jesualdo Ferreira, l’homme qui a fait de Falcao la machine à planter qu’il a été à Porto et à l’Atlético et aussi mentor de Rui Almeida, actuel entraîneur du Red Star. Ferreira ne le lance pas trop rapidement afin de le protéger et de lui laisser le temps d’assimiler ses concepts tactiques, domaine dans lequel le prodige a alors des lacunes, étant donné qu’il n’est passé par aucun centre de formation digne de ce nom. Quand Jesualdo le lance dans le grand bain, il est déjà prêt, et ça se voit sur le terrain, où il s’impose rapidement. Aujourd’hui, s’il « possède encore une marge de progression » , à en croire Nunes, l’ancien de Feirense a gommé ses plus gros défauts.
Aujourd’hui, il est capable de percuter, centrer, repiquer, frapper et même d’organiser le jeu comme une sorte de numéro 10 excentré, à la James Rodríguez (en bien plus véloce). Son coup de rein dévastateur et sa technique de haute volée le rendent monstrueux dans les petits périmètres, où il n’a aucun mal à se débarrasser de plusieurs adversaires. D’où le surnom d’Hazard portugais. Enfin, et malgré une ascension météorique, Rafa Silva est réputé comme étant très humble. Sa discrétion dans les médias et sa loyauté envers la direction de Braga malgré les appels du pied de Porto dépeignent bien le caractère du bonhomme. Issu d’une famille humble, l’international portugais n’atteindra certainement jamais le niveau de CR7, mais encore moins son auto-estime. « Il a toujours eu les pieds sur terre » , conclut Henrique Nunes. Mais jusqu’à quand ?
Par William Pereira