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Rafa Benítez, itinéraire d’un professeur à problèmes

Par Markus Kaufmann
Rafa Benítez, itinéraire d’un professeur à problèmes

La politique, c'est « la science des affaires de la Cité ». Dans le football, avoir du sens politique revient à savoir se placer dans la gestion des affaires d'un club, c'est-à-dire un environnement complexe, parfois hostile. Rafa Benítez, sous ses faux airs de François Hollande, n'a aucun talent politique. Sacré entraîneur le plus doué de sa génération par Arrigo Sacchi, l'Espagnol a rarement su faire les bons choix aux bons moments. Un souci de timing qui l'a ralenti dans la course qui l'opposait à José Mourinho et Carlo Ancelotti, entre autres. La science, oui. Les affaires, non. Finalement, le succès d'une carrière d'entraîneur dépend-elle plus de la politique que du talent ?

Tout comme celle des joueurs, la carrière d’un entraîneur tient à des détails. Peu importe le talent et la détermination, une signature sur tel ou tel contrat peut tout changer. En choisissant tel club, ou en se laissant guider par tel projet, le Mister accepte de se fondre dans un univers dont il n’est pas complètement le maître, mais dont les succès lui seront éternellement associés. Ce qui est intéressant, c’est que ce choix est souvent encore plus important que la qualité intrinsèque de l’entraîneur.

Mancini et Ancelotti, ex-joueurs politiques

Certains coachs sont devenus des experts en la matière. En première place, Roberto Mancini. À l’Inter, Mancini arrive avant le Calciopoli, quand Moratti dépense sans compter, pour ensuite terrasser toute l’Italie après 2006. À Manchester, il a le flair de séduire une direction au budget illimité. Quand il part à Istanbul, c’est pour guider Sneijder et Drogba. Et quand la Fiorentina est sur le point de faire faillite, il sait démissionner et se relancer à temps. Tomber à la tête d’équipes riches, c’est un talent qu’il faut reconnaître. Un savoir-faire que partage Carlo Ancelotti dans son expérience européenne. L’arrivée à point dans le Chelsea de Guus Hiddink, l’une des équipes les plus abouties de la dernière décennie. Et surtout son atterrissage à Madrid : après trois saisons de travail de Mourinho, trois demi-finales de C1, dans un groupe expérimenté, titré, mais encore ambitieux. Capolavoro. Deux joueurs ayant été des vedettes, qui connaissent le milieu, les hommes, et ont su se frayer un chemin, s’imposer, se politiser. Déjà à la Samp, Mancini avait été décrit comme un joueur-dirigeant par David Platt.

D’ailleurs, lorsque Mourinho et Benítez, privés de cette précieuse carrière de joueur, définissent le coaching comme une passion, Ancelotti et Mancini parlent volontiers d’un métier : « Rien ne peut remplacer cette sensation d’avoir le ballon entre les pieds » , répète l’ancien talonneur. En ce sens, Rafa est (pour l’instant) plutôt le fils spirituel d’un Claudio Ranieri, les titres en plus. Naples à l’été 1991, au moment du départ de Maradona. Valence pour développer Mendieta et signer Canizares, avant de voir Cuper en profiter. L’Atlético en pleines difficultés financières. Chelsea avant les sous et les victoires de Mourinho. La Juventus après le cataclysme du Calciopoli (remplaçant Deschamps en 2007, au moment du retour en Serie A). L’Inter après le chantier Gasperini dans les profondeurs de la Serie A. Et même Monaco en deuxième division…

L’apolitique Benítez

Malheureusement pour ceux-là, grands travailleurs et fins techniciens, le football va au-delà du ballon et du tableau noir, et son histoire se laisse souvent écrire par ceux qui savent séduire les puissants. Or, Benítez est un ingénieur sans talent commercial. Les joueurs lui reprochent un manque d’affection, ce qui n’est pas étonnant pour un coach très analytique qui aime faire tourner son effectif. Et les dirigeants, que ce soient les businessmen américains ou le président familial milanais, ont toujours été réticents à lui offrir la clé de leur coffre-fort. Mais pour expliquer le manque de rendement, titres et/ou renommée d’un tacticien si doué, il faut aussi comprendre que Benítez a subi la malchance, les coups du sort, les virages foireux. Arrivé à Liverpool, son premier grand club, l’Espagnol doit faire avec le départ imminent de Michael Owen et le flirt de Steven Gerrard et Chelsea. Quelques années plus tard, Benítez demande à Moratti de faire venir Mascherano et Kuyt. Personne ne signe (Biabiany et Castellazzi, en fait), Rafa se plaint et se fait remplacer par Leonardo, qui se fait offrir Pazzini, Ranocchia, Kharja et Nagatomo pour une quarantaine de millions. Une injustice ?

Le Madrilène n’a jamais publiquement remis en cause ses talents de séducteur, accusant la direction intériste d’avoir installé un cercle vicieux destructeur. Dans un entretien accordé au journaliste espagnol Orfeo Suárez, il affirme : « Il fallait du sang neuf. On nous a dit qu’on allait faire venir des joueurs, et cela n’est pas arrivé. À partir de là, les joueurs de l’équipe en ont tiré la conclusion que le club ne soutenait pas l’entraîneur, ce qui est logique. » À Valence, Benítez était cette fois-ci bien tombé, récupérant la superbe formation d’Hector Cuper, l’homme vertical. Une succession ultra-pertinente. Mais après le doublé Liga-Coupe UEFA, Rafa s’embrouille tout de même avec Jésus Garcia Pitarch, et sort sur cette phrase mythique : « J’espérais recevoir un sofa, et on m’a ramené une lampe » , faisant référence au recrutement de l’obscur Fabian Canobbio, quand il souhaitait faire venir Samuel Eto’o.

Rafa brutal

Mais les formes n’ont jamais été son fort. À Milan, Benítez n’a pas hésité à parler d’une équipe trop âgée qu’il fallait remettre sur le droit chemin de la possession, se mettant logiquement les cadres à dos. En finale du Mondial des clubs, alors que Materazzi s’échauffe, l’Espagnol fait brutalement entrer McDonald Mariga. Une forme de violence que l’on retrouvera à Chelsea, ce choix complètement fou compte tenu du passif du Red avec les Blues. Parti cet été de Naples, Valon Behrami résume le tout en une phrase : « Rafa est un très bon entraîneur, cela ne fait aucun doute, mais il ne transmet pas d’affection à ses joueurs. » Une distance loin d’être surprenante, puisque l’homme aime se définir comme un professeur : « J’ai un défaut qui peut être une vertu : je suis un professeur. Le footballeur a la capacité d’apprendre, et nous sommes là pour enseigner, pour lui donner des fondamentaux, des concepts » , racontait-il à Suárez. Pour reconstruire son image, ou apprendre de ses erreurs dans une cité historiquement secouée politiquement, Rafa est parti à Naples. Mais là encore, le timing n’est pas idéal.

Rafa signe le 27 mai, Cavani part le 16 juillet. Certes, l’argent est réinvesti, mais Benítez aurait voulu avoir Edi et les autres, c’est-à-dire le soutien affectif, mais aussi financier. Malgré la saison moyenne de Hamšík et l’adaptation des recrues, la première campagne napolitaine aura fini par prendre un visage très souriant (Coupe d’Italie, 78 points, 77 buts et de grandes victoires). « Benitedz » séduit même la presse transalpine, qui voit en lui un entraîneur moderne, courageux et honnête. Ainsi, après des mois de transition pour transformer le 3-5-2 de Mazzarri en son éternel 4-2-3-1 de pressing et d’attaques rapides, Rafa espérait logiquement plus de ce mercato. Après le départ de Conte, De Laurentiis aurait pu voir cette saison comme l’année ou jamais… Benítez aura fini l’été avec De Guzmán, le banni Gargano, Michu et Koulibaly, avant de se faire condamner à miser toute la saison prochaine sur cette double confrontation diabolique contre l’Athletic Bilbao. Benítez, un professeur qui nous apprend – ou nous rappelle – qu’un entraîneur ne peut être jugé sur une période sans analyser son contexte. Mais ce soir à Bilbao, il n’y aura pas de contexte à favoriser ni de manœuvre politique à arranger. Ce soir, Benítez retrouvera le monde de la confrontation directe, celui du ballon et du tableau noir. Un monde où il a toujours su saisir sa chance.

Dans cet article :
Quand Manchester City découvre le coup de la panne
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Par Markus Kaufmann

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