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Radamel King Garcia : « Falcao est toujours accompagné par Dieu »
C'est à Barrancas, le quartier de Bogota où Falcao a grandi avant de partir pour River Plate, que le daron Radamel King accueille les visiteurs dans un petit appartement plutôt modeste. Le téléphone de Radamel King Garcia n'arrête pas de sonner. Ça ne l'empêche pas de recevoir chaleureusement pour traiter de son sujet favori : son fils. Le nouveau tigre de Monaco.
(Après une conversation téléphonique de 10 minutes, King raccroche enfin le téléphone)
Ils m’appellent de partout.
Ça ne vous fatigue pas ?Non, mais les journalistes disent n’importe quoi, c’est ça qui me dérange. Je suis un peu énervé contre eux. Quand Falcao a joué la Supercoupe d’Europe (avec l’Atlético, contre Chelsea, ndlr), un journaliste m’a demandé quel club faisait rêver Falcao. Je lui ai répondu que Falcao, quand il était gamin, il rêvait de jouer un jour pour les plus grands clubs du monde comme le Real Madrid, le Barça, l’Atlético Madrid, Chelsea… Le journaliste colombien a fini par tout déformer, il y a eu des rumeurs de partout… Quand mon interview a été publiée, les journalistes espagnols ont commencé à m’appeler tous les jours au téléphone. Il y avait mille journalistes qui m’harcelaient. Je leur ai tous mis un stop. Il a mis mon fils dans une position inconfortable et, aujourd’hui, c’est pour ça que je me méfie de cette profession.
Mis à part rêver du Barça et du Real, il était comment, quand il était enfant, votre fils ?Falcao n’avait pas d’amis, parce qu’ici, à Bogota, tu ne sais pas vraiment qui peut être ton voisin. C’est pas une question d’insécurité, c’est une habitude ici : personne ne connaît personne. À Santa Marta, là d’ou je viens et là où est né Falcao, c’est différent. Si tu demandes à un type dans la rue où vit Radamel Garcia, il t’emmène jusqu’à chez moi. Si tu demandes où vit le grand-père de Falcao, il t’emmène le voir. Si tu veux voir le Pibe Valderrama, pareil. Sur la côte, les voisins, tu les connais. On fait du troc de nourriture. Bogota, c’est la capitale, il faut toujours se méfier de ceux qui t’entourent.
Vu qu’il n’avait pas d’amis, qu’est-ce qu’il faisait alors ?Il jouait là (il montre la fenêtre). Il jouait au football tout seul, contre un mur. Des fois, il y avait bien des enfants qui venaient s’amuser avec lui, mais c’était rare. La plupart du temps, je descendais avec lui pour l’accompagner. C’est là qu’il pouvait courir et jouer librement au ballon. Ça le rassurait de me voir à ses cotés.
Est-ce vrai que Falcao a vraiment commence à jouer au football au Venezuela ?C’est vrai. Il a commencé à vraiment s’intéresser au ballon quand j’évoluais au Deportivo Tachira (première division vénézuélienne, ndlr). Il m’accompagnait aux entraînements et au stade. C’est là-bas qu’il a attrapé le virus du football.
En Europe, beaucoup de gens pensent que les cracks commencent dans la rue. Visiblement, ce n’est pas le cas de votre fils…Falcao a eu la chance de toujours jouer sur des bonnes surfaces. Il n’a que très rarement joué sur des potreros. En réalité, la seule fois où il a vraiment joué sans crampons, c’est quand il était très petit. À Santa Marta, il jouait pieds nus au football sur du bitume et il venait me voir en disant : « Papa, je saigne des pieds ! » Et à la seconde suivante, il courait de nouveau après son ballon. Plus que la rue, je crois que le football qu’il pratiquait sur les plages de sable de Santa Marta lui a été bénéfique. Sa puissance vient peut-être de là.
Le Venézuela est un pays de baseball, vous ne… (il coupe) C’est vrai, d’ailleurs Falcao sait très bien jouer au baseball. Quand j’étais au Vigia, le dernier club de ma carrière, les gamins venaient s’échauffer en jouant au baseball. Un jour, il est rentré à la maison en pleurant parce qu’il avait reçu une balle de baseball sur le visage et c’est là qu’il m’a demandé de lui apprendre ce sport. Je lui ai acheté un gant, une batte et une balle, et je lui ai expliqué les fondamentaux. J’ai ensuite demandé au coach de la section baseball du club s’il pouvait s’occuper de lui pendant une après-midi, histoire qu’il lui donne une leçon accélérée. Quand je suis revenu récupérer Falcao au bout de quelques heures, je demande à l’entraîneur : « Alors prof, il est bon ? » , et là il me répond : « Il n’est pas bon : il est excellent. Il faut me le laisser ! »
Quelle a été votre réaction ?J’étais ravi, même si je voulais que mon fils réussisse dans le football. Pour moi, il pouvait jouer n’importe quel sport. Je voulais le voir réussir. S’il avait fait carrière dans le baseball, j’aurais été content, mais une chose a toujours été claire pour moi : j’ai toujours dit à Falcao qu’il fallait qu’il soit attaquant s’il voulait faire carrière dans le football. À l’époque, je répétais toujours à mes coéquipiers vénézuéliens que mon fils deviendrait l’un des meilleurs buteurs du monde et il me prenait pour un fou. Aujourd’hui, quand on se voit, ils me disent tous : « Tu avais raison ! » Dans le football, seuls les attaquants jouissent d’une belle vie, c’est pour ça que je ne voulais pas que mon fils devienne défenseur comme moi.
Plus jeune, vous étiez pourtant attaquant, non ?À une époque, je faisais partie de la sélection Magdalena (sélection régionale, ndlr).C’était le père de Didi Valderrama, le cousin du Pibe, qui entraînait l’équipe. Didi était plus fort que le Pibe. De loin. De très, très loin. À force de dribbler et de se manger des coups par ses adversaires, il s’est blessé grièvement et n’a jamais vraiment récupéré. À l’époque, le Valderrama le plus connu, c’était Didi, pas el Pibe. C’était vraiment le meilleur joueur de Colombie. C’est vraiment un gâchis qu’il se soit blessé. Mon fils Falcao a le même style de jeu que Didi, je te laisse imaginer le niveau qu’il avait… Quoi qu’il en soit, c’est son père qui a fait de moi un défenseur central. Je rêvais d’être attaquant, mais ça n’a pas pu se faire.
Qu’est-ce que le défenseur que vous étiez a appris à Falcao ?Je lui ai toujours montré des trucs. Et ça continue aujourd’hui. Mon avis compte beaucoup pour lui. Après chaque match, on chatte via WhatsApp et la question est toujours la même : « Papa, qu’est-ce que t’as pensé de ma prestation? » Et là je lui fais un petit débrief : « T’aurais du faire ça et pas ça… » Ce genre de trucs.
Vous sentez qu’il prend en compte vos conseils ?Bien sûr ! Le but qu’il a mis à Bucarest (lors de la finale d’Europa League remportée par l’Atlético, ndlr), c’est la preuve qu’il écoute mes conseils. Pendant des mois, je lui avais expliqué qu’il fallait qu’il arrête de tirer fort sur le gardien à la sortie d’un dribble. Je lui disais : « Cherche le poteau opposé et tu marqueras plus de buts ! » Lors de son interview d’après match, il a lui-même expliqué qu’il avait marqué ce but grâce à mes conseils. Si je ne lui avais pas parlé, peut-être que ce soir-là il n’aurait pas fêté le moindre but.
Vous l’encouragez ou vous vous contentez de le corriger ?Quand il fait des bonnes choses, je le félicite, mais je ne suis pas du genre à lui mentir. Quand on parle de football, je m’adresse au professionnel, pas à mon fils. Je suis capable de dire : « Ce que tu as fait sur cette action, c’est nul » , mais je peux aussi l’encenser : « Ton coup franc est de toute beauté ! » Je ne suis pas dur, je suis objectif. Juste.
Quand vous le critiquez, il tente de se défendre ?Pas vraiment. Moi, ce qui m’agace vraiment, c’est quand je le vois marcher. Falcao, j’aime le voir en mouvement et, quand il marche sur le terrain, ça m’énerve. Quand il fait ça, je lui envoie un message tout de suite à la fin du match : « Mon fils, tu étais à l’arrêt, tu dois courir ! » Dans ces cas-là, il me répond : « Papa, t’es sûr de ce que tu dis ? » Falcao est quelqu’un qui veut toujours progresser. Il sait supporter la critique pour s’améliorer.
On peut dire que vous êtes son deuxième coach ?C’est ça. Falcao, c’est moi qui l’ai construit. Je lui ai appris le bien et le mal, le respect des consignes, des partenaires, des adversaires et des professeurs. Je voulais que mon fils soit exemplaire. Je n’aime ni le conflit ni le désordre, donc j’ai toujours été attentif aux personnes qui l’entouraient. Quand je voyais que certains types pouvaient avoir une mauvaise influence sur lui, je lui disais de ne plus s’approcher d’eux. Je suis quelqu’un de discipliné et Falcao, quelque part, est à mon image. Quand j’étais jeune, je détestais les bagarres. Dès que ça commençait à chauffer, je préférais m’écarter plutôt que de me retrouver dans de sales draps. Les bagarres, ça commence toujours par des conneries : tu me tapes l’épaule, bah moi, je vais te casser le nez. Ça peut partir très vite, donc mieux vaut anticiper les problèmes.
Un attaquant ne peut pas toujours être respectueux avec les défenseurs adverses, sinon il se fait manger.C’est vrai. Je dis toujours à Falcao de frapper deux fois plus fort un défenseur qui lui a mis le premier coup. Il faut être respectueux partout, sauf sur le terrain. Si tu montres à un défenseur que tu es fini, psychologiquement il prend le dessus. Mais si tu lui réponds dent pour dent, il se pose des questions. Un défenseur, il faut le faire douter, et ça, Falcao sait vraiment y faire.
En Espagne, Falcao a affronté des joueurs comme Pepe (Il coupe)… Il a la réputation d’être dur, malintentionné, violent… Je l’aime bien, Pepe. Celui que j’aime bien aussi, c’est Puyol, il est dur mais correct. Et puis, il a du charisme. Ramos est plus agressif par exemple, mais c’est aussi un super défenseur. Falcao aime bien les affronter. C’est plus gratifiant de marquer un but face à des adversaires comme eux. Quand il jouait en Espagne, je lui disais : « Fais gaffe, Sergio est fort et malintentionné. Piqué est fort et malintentionné. Puyol est fort… » C’est pour ça que je ne supporte pas quand il marche, parce qu’il joue le jeu des défenseurs. Avec ce type d’adversaire, il faut toujours être en mouvement et jouer à une touche de balle.
Comment se fait-il que Falcao soit aussi fervent ?C’est sa mère qui lui a inculqué la foi en Dieu et qui l’emmenait à l’église le dimanche. Disons qu’à la maison, je m’occupais des affaires courantes et sa mère des affaires spirituelles. Moi, je lui disais ce qui était bien ou mal dans le football. Sa mère préférait lui expliquer les règles de la vie en général. Les règles de Dieu.
La religion, c’est quelque chose de compatible dans la vie d’une star comme Falcao selon vous ?Falcao est toujours accompagné par Dieu où qu’il aille. Il lui donne de la force, de la tranquillité. Sa foi est très importante pour son équilibre d’homme et de sportif.
Est-ce qu’il vous a déjà dit que Dieu lui avait permis de mettre un but ?Dieu ne lui permet pas de mettre des buts, mais il le rend meilleur sur le terrain, c’est sûr. Dieu a toujours été bon avec mon fils. À chaque fois qu’il a marqué en finale, il avait un T-shirt à la gloire de Dieu sous son maillot. C’est tout sauf un hasard pour mon fils.
Qu’est-ce que vous éprouvez aujourd’hui quand vous regardez votre fils à la télévision ?De la tranquillité. Je voulais qu’il soit une star et grâce à Dieu, il y est parvenu. C’est ma plus belle réussite. Je pense que Falcao peut devenir encore plus important qu’il n’est aujourd’hui. Pour moi, c’est un Ballon d’or en puissance et je sais qu’il aspire à ça aussi, même s’il ne le dit pas publiquement. Lors de la dernière cérémonie, il était dans la liste des meilleurs joueurs du monde, mais je suis sûr qu’un jour il sera en haut du podium.
De quel footballeur vous lui parliez quand il était petit ?Falcao adorait Maradona. Il était vraiment fan. Il aimait aussi Valderrama et Asprilla qui, pour lui, étaient des modèles à suivre. Et puis évidemment, il y avait Ronaldo. Il aimait bien des tennismen dont je ne me rappelle plus le nom malheureusement.
Il pratique ce sport ?Je dois avouer qu’il est plutôt bon avec une raquette dans les mains. Il a vraiment commencé à s’y mettre lorsqu’il a signé à River. Quand on joue ensemble et que je gagne, ça l’énerve. Il déteste perdre, même contre son père.
C’est quoi son style de tennis ?C’est une sorte de Nadal. Il défend bien et force l’erreur de l’adversaire. Mais tu sais comment j’arrive à le battre ? En lui faisant des amortis. Il est tellement loin derrière la ligne de fond de court qu’il n’arrive jamais à les récupérer. Ça le rend fou ! (Rires)
Quand Falcao a signé à River Plate, il avait à peine 15 ans. Comment avez-vous vécu le départ de votre fils à l’époque ?S’il voulait devenir un joueur important, il fallait qu’il parte de Colombie. S’il est parti en Argentine, c’est grâce à Silvano Escribano, le président du club de fair-play. J’avais joué dans la même équipe qu’Escribano et je savais qu’il s’occupait d’une petite équipe. Il a pris tout de suite Falcao sous son aile et c’est grâce à ses connexions en Argentine que Falcao a pu partir jeune là-bas. Au départ, il devait aller à Vélez Sársfield, il avait fait des tests, mais le contrat, économiquement, n’était pas bon, donc on a décidé de ne pas donner suite. La semaine suivante, mon fils signait pour River Plate… Là-bas, il s’est vite adapté. Il avait beaucoup d’amis. Des fois, il m’appelait pour me dire que ses copains l’avaient invité à des soirées : « Il y a des filles, papa, mais je ne vais pas y aller. Je ne suis pas là pour m’amuser. » En fait, je n’ai jamais eu besoin de le recadrer, il se gérait très bien tout seul. Il a su résister à beaucoup de tentations pour accomplir son rêve de devenir footballeur.
Quel genre de tentations ?(Rires) Falcao était ado et à cet âge-là, on fait attention aux filles. Il y avait une secrétaire de River Plate qui lui faisait du pied. Lui hallucinait : « Papa, elle n’arrête pas de m’inviter en soirée, elle veut sortir avec moi… » M’avouer ces choses-là, c’était sa manière à lui de me dire qu’il était focalisé sur son objectif. Je sais qu’au départ, ça a été dur pour lui. Comme c’était juste une promesse, il n’avait quasiment pas d’argent de poche. Il m’a avoué plus tard qu’il avait eu froid quelques fois et qu’il s’était couché quelque fois en ayant faim. Falcao est dur au mal. Il a toujours su serrer les dents quand il fallait.
Falcao est géré par l’agent Mendes alors que, généralement, les joueurs sud-américains sont souvent conseillés par leur propre père. Comment se fait-il que ce ne soit pas le cas ?Je n’ai pas et je ne prétends pas avoir les compétences nécessaires pour me charger de la carrière de mon fils. Je ne trouve pas que ce soit une bonne chose qu’un footballeur soit représenté par son père. En Europe, ça n’existe quasiment pas, ce genre de relations, et c’est tant mieux. Mendes, c’est quelqu’un de sérieux en qui on peut avoir confiance. Il est aux petits soins pour mon fils et c’est tout ce qui compte. Les agents sud-américains, je m’en méfie, ce sont souvent des rats qui courent uniquement après l’argent. Des voleurs.
Pourquoi avez-vous autant confiance en Mendes ?Parce qu’avec lui, le client est roi. Mendes ne vole pas les clubs et ne prélève rien à ses joueurs. L’argent qu’il gagne, ce sont les clubs qui lui donnent lorsqu’il organise le transfert d’un joueur. En Colombie, on dit que Mendes a gagné 22 millions d’euros rien qu’en transférant certains joueurs au Real Madrid. Je ne sais pas si c’est vrai ou pas, mais ça montre que c’est quelqu’un d’influent.
Dernière question : Radamel, c’est pas vraiment commun comme prénom. Ça sort d’ou ?Ma mère voulait me donner un nom original. Elle disait que c’était un nom arabe.
Je peux vous assurer que ce n’est pas du tout arabe.Ah bon ? Bah alors, disons qu’elle s’est inspiré de l’arabe pour inventer un prénom.
Propos recueillis à Barrancas, Bogota, Colombie par Javier Prieto-Santos
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