- Serie A
- J31
- Milan-Juve (4-2)
Rabiot, la cavale contre le destin
Adrien Rabiot a signé un chef-d’œuvre hier face au Milan en guise de premier pion depuis sa traversée des Alpes. Une manière de confirmer son retour en forme et peut-être le début d'un nouveau chapitre plus serein.
On en avait presque oublié que c’était cela, initialement, Adrien Rabiot. Des grands compas qui feraient complexer n’importe quel athlète et une aisance insolente lorsqu’une gonfle y trouve refuge, une élégance naturelle et ce talent qui saute aux yeux, rendant l’opposition bien maigre lorsque l’esthète se met en route. Franck Kessié n’est pas le bougre le moins coriace à bouger au milieu de terrain, tout comme Theo Hernandez est loin de faire une mauvaise saison, qu’Alessio Romagnoli demeure une valeur sûre de l’effectif rossonero et que Gianluigi Donnarumma reste un joyau en Lombardie. Pourtant sur ces onze secondes et 60 mètres d’escapade du Français durant lequel il a passé en revue toute cette brochette d’opposants, hier au sortir des vestiaires, on n’a vu qu’un seul homme. Il fallait au moins ça, et une prestation solide le propulsant peut-être au rang de meilleur Turinois de la soirée, pour que l’on recommence un peu à mettre du respect sur le nom de l’ancien Parisien.
[⚽ VIDÉO BUT] ?? ? Mais quel buuuuut d’Adrien Rabiot !? L’ancien Parisien fait un raid de 70 mètres tout seul avec slalom + petit pont !? Le milieu de la Juve conclut sur une lourde frappe en pleine lucarne !https://t.co/VnIcapxToO
— beIN SPORTS (@beinsports_FR) July 7, 2020
Vingt mois et demi qu’il n’avait pas pu crier sa joie après un pétard envoyé au fond des ficelles : à voir sa libération et son large sourire après son ouverture du score, il en avait bien besoin. Entre son but collé à Amiens lors d’une balade au Parc le 20 octobre 2018 (5-0) et ce coup d’éclat à Milan qui a cette fois débouché sur un revers, le gaucher de 25 piges a eu le temps d’écorner encore un peu plus une image déjà bien souillée par ses caprices auprès de Didier Deschamps. Coïncidence ou non, c’est absolument tout seul qu’Adridri est allé le chercher, celui-ci. Comme si, même sur la pelouse milanaise, le milieu de terrain ne quittait pas la bulle de spleen dans laquelle il semble enfermé depuis des mois, voire des années.
De Francis-Le Blé à San Siro
Tantôt boulet, monnaie d’échange éventuelle ou vilain petit canard, il imaginait certainement un autre scénario lorsqu’il a quitté le Paris Saint-Germain libre et pestiféré pour s’engager auprès de l’institution turinoise, l’été dernier. C’était mine de rien un sacré défi et c’est peu dire que d’août à mars, l’homme qui envoie des mails à Didier Deschamps n’avait pas vraiment mis le Piémont dans sa poche (aucune stat, une influence minime sur le jeu, un temps de jeu en dents de scie), un départ prématuré ayant même déjà été évoqué. Sa dernière « Rabioterie » ? Un micro-scandale ayant éclaté au moment du déconfinement, avec un retard à la reprise de l’entraînement des siens, sur fond de potentielle grève.
Mais depuis le retour au ballon en Serie A, Rabiot sourit, et le chef-d’œuvre de ce mardi va dans ce sens. Le mois de juin a vu le numéro 25 bianconero retrouver une place de titulaire dans le 4-3-3 de Maurizio Sarri (titulaire cinq fois sur cinq en championnat, une première depuis son arrivée), et le directeur sportif de la Vieille Dame, Fabio Paratici, a brossé son joueur dans le sens du poil, il y a une semaine et demie, rappelant son importance « pour la Juve du futur » et comparant sa trajectoire à celle de Matthijs de Ligt, qui a lui aussi connu du retard à l’allumage.
Avec le Téfécé lors de son année de prêt à ses débuts dans le circuit, le Duc n’avait également fait trembler les filets qu’une seule fois, pour un premier caramel en pro inscrit sur le terrain du Stade brestois. Et là aussi, il y avait déjà de quoi se décrocher la mâchoire ; d’ailleurs le commentaire d’un certain « Ze Fut » traîne toujours sous la vidéo Youtube de ce pion : « Quel beau but, futur grand joueur. » C’était il y a sept ans et quatre mois. Espérons que Ze Fut n’ait pas encore perdu espoir.
Par Jérémie Baron