Quelle est votre relation avec le football ? En tant que catalan, j’imagine qu’elle se porte vers le Barça ?
Oui, évidemment. Mon père était socio du Barça et on allait au stade. Puis le Barça représente aussi un peu le Catalan, c’était encore plus important de supporter un tel club durant mon adolescence (ndrl : Ricardo Bofill est né en 1939). Mon père était un pro-Catalan, il était pour le Barça. Je suis également socio.
Quelle est la chose qui vous attire dans ce sport ?
Le football est le sport le plus amusant que je connaisse, aussi bien quand on y joue que quand on le regarde dans un stade ou à la télé. C’est un jeu collectif, un jeu tactique. Visuellement, c’est impressionnant à voir et il y a aussi toute cette culture en Espagne portée vers ce sport qui permet de rassembler dans un même lieu toutes les classes sociales du pays, de la bourgeoisie à la classe populaire. On y va pour y discuter avec les autres spectateurs et soutenir son club. Dans un petit pays comme la Catalogne, le Barça fait office d’institution. Le stade du Camp Nou, c’est comme un théâtre, c’est un lieu de rencontres. Dans un stade, toutes les classes sociales du pays y sont mélangées.
Quelle est votre représentation du Barça ?
C’est un des plus grands clubs au monde, qui, dans son histoire, navigue souvent entre des cycles d’euphorie et des périodes de désillusion. Dès qu’une affaire éclate, comme c’est le cas actuellement avec la Masia, ça fait parler tous les médias et réagir tout un peuple. Quand le club est attaqué, on dit qu’il y a une « mano negra » , mélange de paranoïa et de réalité au final.
Allez-vous encore au Camp Nou ?
Je n’y vais plus, car je préfère désormais les matchs à la télévision. Je ne regarde pas que les matchs du Barça. Je m’intéresse par exemple au PSG qui est très bon, mais aussi au Bayern Munich qui reste très costaud. On n’a jamais compris comment une ville comme Paris n’avait pas de grand club. Y a eu le projet du Grand Stade de France, qui au final ne sert pas au PSG… En tout cas, j’ai fait plusieurs fois l’expérience de me mettre au centre du stade du Camp Nou vide et d’observer les distances, c’est impressionnant. On se rend compte alors qu’il faut beaucoup de talent à un joueur pour évaluer parfaitement l’espace temps-distance afin de réaliser une bonne passe.
Quel joueur vous a le plus marqué au Barça ?
Cruyff est un génie qui a beaucoup influencé ce club. Je le connais très bien. C’est une personne qui parle peu et quand il parle, ses propos sont souvent mal interprétés, car on ne comprend pas très bien le fond de ses analyses. Beaucoup le critiquent, alors. Ce fut un grand joueur et aussi un bon entraîneur, même si ses choix étaient perçus comme un peu curieux. Cruyff est un génie du football. On avait travaillé ensemble sur un projet de réalisation d’un nouveau stade à Saragosse en Espagne, qui a avorté pour diverses raisons. Il s’est un peu éloigné du Barça, n’étant pas bien perçu par la Junta actuelle du club (ndlr : la direction du club), mais il reste une référence. C’est lui qui a fait changer le style de jeu du club, très tactique et avec une équipe A composée de joueurs formés par une même école, la Masia.
Un top 5 des joueurs ayant évolué au Barça ?
Cruyff évidemment, Kubala… Je mets également Messi, Ronaldo et Ronaldhino. On pourrait ajouter à cette liste un joueur actuel, Iniesta par exemple.
Avez-vous travaillé sur d’autres projets de construction de stade de football ?
J’ai travaillé sur le projet du Grand Stade de France. C’était assez compliqué, en concurrence avec plusieurs architectes, la présence en acteur principal de l’entreprise Bouygues… Les plans que j’ai proposés ont, semble-t-il, été perdus. Au final, je trouve que ce stade a été mal pensé, avec un spectateur très éloigné du joueur. Il s’agissait d’un postulat de départ, à l’opposition totale d’un stade vertical, comme le Camp Nou, Bernabéu ou le stade de Milan. Le constat est que depuis les gradins, on distingue à peine le ballon. Il faut au contraire réduire la distance entre les joueurs et les spectateurs, qu’il y ait presque une impression de contact. Et puis le pouvoir de l’époque avait décidé d’éloigner le Grand Stade du centre-ville de Paris : on ne rassemble pas les voyous dans le centre-ville, on les éloigne. Or, l’idéal serait de faire une sortie, aller dans un café, discuter avec ses amis et se rendre facilement au stade, comme s’il s’agissait d’une promenade. Si tu dois prendre le métro ou la voiture, que tu ne sais même pas où tu vas te garer, et bien ton envie d’aller au stade va baisser. Bizarre, le choix des politiciens de l’époque, Rocard puis Balladur en tête. J’aimerais bien faire un stade de football en France en tout cas, un qui serait une pièce iconique de la ville, où se retrouveraient les gens pour discuter, échanger entre eux et y voir un match de football. On y trouverait des commerces autour.
Quelle est la personnalité que vous connaissiez ou connaissez et qui, comme vous, est un supporter du Barça ?
Celui qui semblait être le plus grand fan, c’est l’écrivain Manuel Vázquez Montalbán. Sa passion était le football et le Barça. Il est mort d’une crise cardiaque alors qu’il était en voyage en Thaïlande. Certains disent qu’il venait de voir un match du Barça à la télévision ! Grâce à lui, la presse espagnole écrit désormais sur le football de manière littéraire, on peut lire des articles parlant du football autrement qu’en ayant un résumé du match du week-end dans des quotidiens comme El Pais ou La Vanguardia. Il y en a un autre qui est à Paris actuellement et que je connais bien (rires)… c’est Manuel Valls. En effet, je connaissais bien ses parents. Il venait avec eux, chez moi, à Barcelone ou dans la maison de campagne. Son père, peintre, venait d’un quartier modeste de Barcelone, dans la zone nord de la ville. On s’est un peu perdu de vue depuis.
On annonce depuis quelques mois la fin d’un cycle Barça, dans lequel Xavi/Iniesta/Messi ont dominé la Liga et le football européen. Votre opinion ?
C’est fort possible, en effet. Tout cycle est fait pour connaître des moments hauts et d’autres plus bas. Le Barça a été très bon ces dernières années, avec une tactique à ressembler à un jeu d’échec. Cette année, ils ont encore un excellent niveau, mais il semble leur manquer quelques forces.
Un pronostic pour mardi et le match retour face à l’Atlético Madrid ?
Difficile de connaître celui qui va se qualifier. Les joueurs du Barça ont la finesse de danseuses étoiles et là, ils vont affronter les brutes de l’Atlético. Chaque fois qu’un joueur blaugrana a le ballon, l’Atlético fait une faute. Tout va dépendre de l’effort collectif que fera le Barça durant ce match. Là, il y a le gardien Pinto qui ne semble pas très sûr, il y a Piqué qui est blessé… Si on y ajoute l’affaire récente de Messi avec les impôts non déclarés, celle sur le contrat de Neymar et désormais l’interdiction de recruter, on a l’impression que le Barça est attaqué de toute part. Et cela peut faire entrer quelques doutes au sein du club.
Alors un pronostic pour la Liga ?
Impossible de savoir, ça va être difficile : difficile pour la Liga, difficile pour la Champions et difficile pour la Coupe du Roi ! Ce n’est pas la fin du monde si le Barça perd et si on souffre en tant que supporter. Je préfère voir du bon jeu, du bon football que la victoire. Je suis assez d’accord avec Beckenbauer qui critique le jeu proposé par Guardiola au Bayern. Certes, ils gagnent, mais c’est ennuyeux de les voir jouer, même s’ils sont très forts.
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