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  • Espagne
  • 25 mars 1981
  • Le jour où...

Quini : la rançon du succès

Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin
5 minutes
Quini : la rançon du succès

Quini a été l'un des buteurs emblématiques de la Liga, des mid-seventies aux mid-eighties. En 1981, celui qui défendait alors le maillot du Barça, sera enlevé. Vingt jours de captivité, avant d'être libéré, le 25 mars.

Le sous-sol d’un atelier mécanique de Saragosse. C’est là où la vie de celui qui dominait alors le classement des buteurs de la Liga sera confinée pendant 25 jours. Enrique Castro Gonzalez, dit Quini, était arrivé au FC Barcelone sur le tard, à trente ans, moyennant un chèque rondelet pour l’époque de 82 millions de pesetas. Dès sa première saison blaugrana, il enfile les buts, comme il en avait pris l’habitude sous les couleurs du Sporting Gijón, au point d’être sacré Pichichi à trois reprises (1974, 1976, 1980). Homme timide, humble, attaché à son Asturie natale, Quini n’avait toutefois rien d’une star, mais ses buts valaient cher, comme sa vie. C’est, en tout cas, le raisonnement tenu par trois jeunes hommes de Saragosse qui peinaient à joindre les deux bouts.

Dans le coffre d’une fourgonnette

En 1981, se rendre au Camp Nou pouvait déjà vous valoir de repartir avec une addition salée. Quand Quini se fait kidnapper, il vient ainsi d’inscrire deux des six buts encaissés par Hercules Alicante. Au terme de la rencontre, le goleador est interrogé par quelques journalistes sur le choc à venir, le dimanche suivant, face au leader, l’Atlético de Madrid. Il se rend ensuite à son domicile, avant de sortir pour aller chercher sa femme et son fils à l’aéroport. Mais un pistolet collé entre le cou et l’oreille lui fera comprendre qu’il ne dînera pas en famille. Quini venait alors de prendre place dans sa voiture et n’avait pas encore eu le temps de refermer la porte qu’on lui ordonne, sous la menace, de passer sur le siège passager. Ligoté dans la foulée, un bout de toile scotché à son cou l’empêche de voir ses agresseurs. Le reste du voyage vers Saragosse – trois heures de route –, il le fera dans le coffre d’une fourgonnette, confortablement installé dans un meuble en bois rembourré de coussins… Les kidnappeurs avaient observé les mouvements de Quini depuis deux semaines pour bien cerner ses habitudes. Une période pendant laquelle ils avaient notamment assisté à plusieurs entraînements du FC Barcelone.

En Espagne, démocratie naissante où les enlèvements d’hommes d’affaires ou de politiciens, notamment par l’ETA, sont alors monnaie courante, l’émoi est immense. D’autant que le motif des ravisseurs, encore inconnu, laisse la place à toute sorte de conjectures. Le lendemain de l’enlèvement, un prétendu groupe anti-séparatiste contacte ainsi le journal La Vanguardia assurant avoir kidnappé le buteur du Barça pour empêcher le porte-drapeau en crampons de la Catalogne d’être champion. La revendication s’avérera fausse. Quoi qu’il en soit, le Barça souffrira sans son buteur. Touché, le groupe demande d’ailleurs à ne pas jouer contre l’Atlético, mais la Fédération refuse. « Je ne jouerai pas, avait pourtant assuré Bernd Schuster, coéquipier et proche du goleador. J’ai des jambes, mais aussi un cœur, je veux seulement que Quini revienne. » Sans son buteur, le Barça s’inclinera à Vicente-Calderón (1-0), et l’Atlético de Madrid prendra cinq longueurs d’avance sur son dauphin. Le jour du match, 5000 Culés se rassemblent au centre d’entraînement aux cris de « Liberté pour Quini » . La semaine suivante, Barcelone perd à nouveau, à Salamanque (2-1), avant de concéder le nul à domicile, face à Saragosse (0-0), le 22 mars. Le public scande à nouveau le nom du buteur kidnappé.

Libération et pardon

Finalement, les ravisseurs se font connaître en appelant au domicile de Quini. Ils demandent 100 millions de pesetas. Leur motivation est uniquement financière. Après négociation, il est finalement convenu que la rançon serait payée par un partenaire suisse du Barça (Omega), qui devait de l’argent au club catalan. Les ravisseurs, sans antécédents judiciaires, et au profil de pieds nickelés, ne se méfient pas, et l’un d’eux, Víctor Manuel Díaz Esteban, fait le voyage à Genève. Le 25 mars, les polices espagnole et suisse obtiennent la levée du secret bancaire, et quand la rançon est retirée, le titulaire du compte est identifié. Víctor Manuel Díaz Esteban est détenu dans la foulée à Genève, alors qu’il s’apprête à prendre un avion pour Paris, et ne tarde pas à donner la localisation de Quini. Libéré sans heurts du sous-sol de l’atelier mécanique où il était retenu depuis 25 jours, El Brujo (le sorcier, son surnom) rejoint Barcelone dans la nuit. Plus de 1000 fans se réunissent pour accueillir l’homme aux traits fatigués et à la barbe désordonnée. « Avec Quini, la Liga n’est pas perdue » , scande les aficionados. Mais le Barça ne reviendra finalement jamais dans la course au titre, remportée par la Real Sociedad.

Quini continuera toutefois de faire trembler les filets. Au point d’emporter un nouveau titre de Pichichi, après avoir inscrit vingt buts en trente matchs. Il sera aussi l’acteur principal de la victoire du Barça en finale de Coupe du Roi (3-1). Face au Sporting Gijón, son club de cœur, qui disputait la première finale de son histoire, il inscrit les deux premiers buts des siens. Loin de se montrer traumatisé par son enlèvement, Quini, qui emportera un dernier titre de Pichichi en 1982, appela même, après sa libération, à la compréhension envers ses ravisseurs. « C’étaient des gens simples, sans grandes possibilités, assurait-il. Ils m’alimentaient avec des sandwichs, parce qu’ils n’avaient rien d’autre à m’offrir. » El Brujo retira sa plainte, mais pas le Barça. Ses trois ravisseurs seront condamnés à dix ans de prison, et à verser cinq millions de pesetas à leur victime. Une somme que le Pichichi refusa de recevoir. Grand seigneur.

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Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin

Sources : Quini : Del secuestro a la libertad, et La Vanguardia.

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