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Quid de la division des Curve du stadio Olimpico ?
Si les rapports que les tifosi de la Lazio et de la Roma entretiennent avec leurs dirigeants respectifs sont tumultueux, depuis plusieurs années, les tensions devraient être poussées à leur paroxysme, cette saison. En cause, la division en deux parties distinctes de la Curva Nord laziale et de la Curva Sud romaine. Une décision, prise par la préfecture de Rome, qui est très loin de faire l'unanimité.
Ce sont eux les garants de l’ambiance dans un stade. Eux qui offrent, parfois, un incroyable spectacle en tribunes. Eux qui sont prêts à sacrifier temps et argent. Eux qui sont toujours présents qu’il vente, qu’il pleuve ou qu’il neige. Eux qui peuvent s’enquiller des centaines, voire des milliers de kilomètres à chaque déplacement. Eux, ce sont les tifosi de la Curva. À Rome, qu’ils soient pour la Lazio ou la Roma, ils sont reconnus parmi les meilleurs d’Italie. Seulement, les institutions ne les apprécient pas. « Dangereux pour la sécurité des autres spectateurs » , qu’ils nous disent. En réalité, sans doute pas assez dociles et sûrement trop bruyants.
Résultat, après la « tessera del tifoso » ou encore les billets nominatifs, la préfecture de Rome, via son autorité préposée au maintien de l’ordre et de la sécurité publique, est passée à l’affront supérieur. Ainsi, cette saison, les Curve du stadio Olimpico seront scindées en deux – verticalement – par une barrière de 2m20 de hauteur. Avec en conséquence, une capacité réduite de 8700 à 7500 places chacune. Les barrières qui les séparent des virages seront, elles, surélevées, pour éviter toute tentative d’escalade tandis que le nombre d’agents et de caméra de sécurité sera augmenté. L’art de créer des problèmes là où il n’y en a pas.
Diviser pour mieux régner
« Dans le passé, nous aussi, avons fermé les yeux. Mais désormais ça suffit. À chaque fois que je vais au stadio Olimpico et que je vois ce massacre, je me dis que ce n’est plus possible. Dans les Curve de l’Olimpico, il y a une illégalité tenace contre laquelle il faut se montrer très ferme. » C’est ainsi, que Nicola D’Angelo, directeur de la sécurité publique de Rome, a justifié, fin juillet, dans les colonnes de la Gazzetta dello Sport, la décision de diviser les bastions populaires romains. « Notre objectif est de permettre à tous de regarder le match en sécurité. » avait-il alors ajouté. Noble cause… Seulement, en quoi installer une barrière en plein milieu de la Curva pourrait-il aider ? Car, s’il est vrai que ces dernières années ont été marquées par des actes de violence, ces derniers ont toujours eu lieu à l’extérieur du stade. Un endroit où il ne faut acheter aucun billet, ne passer aucun contrôle de sécurité, et n’escalader aucune barrière, pour démarrer une quelconque rixe. Il faut ainsi remonter à plusieurs années pour trouver trace d’un réel incident – mis à part des banderoles de mauvais goût, qui seraient pour certains la motivation première de la division des Curve – à l’intérieur de l’enceinte du stadio Olimpico.
Une réalité totalement ignorée par la préfecture de Rome et son nouveau préfet Franco Gabrielli. La Roma et la Lazio dans tout ça ? Complices pour certains, tributaires de la décision pour d’autres. Igli Tare, directeur sportif de la Lazio, aurait ainsi avoué, en off, à une délégation de supporters laziali, son aversion pour la décision de la préfecture. Carlo Feliziani, responsable de la billetterie de la Roma, a, lui, tenté de dédouaner le club, sur la chaîne officielle giallorossa : « C’est une décision à laquelle, on ne peut pas s’opposer. On doit l’accepter et chercher à mettre en œuvre toutes les procédures possibles et imaginables pour au moins soulager les problèmes de nos tifosi. J’ai lu beaucoup de critiques sur les réseaux sociaux mais nous ne pouvons rien faire de plus. » Mis à part rembourser ou déplacer les abonnés qui ont vu leur place supprimée.
Pétition et class action
Évidemment, les tifosi romains se sont depuis démenés contre la division de leur Curva respective. Les communiqués des historiques pensionnaires des lieux n’ont d’ailleurs pas tardé à tomber. Avec un message relativement similaire. « La division en deux de la Curva est l’énième abus de pouvoir contre le peuple laziale » , enrage ainsi la Curva Nord laziale. « C’est de la science-fiction digne d’un pays qui ressemble de plus en plus à la Corée du Nord » , exagère la Curva Sud giallorossa. Une rhétorique qui peut prêter à sourire mais qui ne doit pas faire oublier la digne lutte engagée. « La Curva Nord restera à sa place, libre et rebelle, comme elle est née. » « C’est le moment d’être encore plus uni, encore plus convaincu de la justesse de notre cause. » Ainsi les actions se multiplient. Une pétition a, par exemple, été lancée contre la division des Curve, et recueille près de 5000 signatures. Michel Emi Maritato, président de l’association Assotutela Lista Civica per il Governo Cittadino di Roma, a, quant à lui, fait part de sa volonté de lancer une class action, soit un recours collectif en justice, pour défendre les tifosi romains « victimes de l’absurde division des Curve » . Aussi, la Curva Nord laziale a, d’ores et déjà, annoncé son intention de déserter la première journée de championnat, à domicile, contre Bologne.
Lot d’incertitudes
Toutefois, selon le Corriere della Sera, les travaux seraient, à l’heure actuelle, loin d’être achevés, et ne devraient très vraisemblablement pas l’être pour le début du championnat. Ainsi en lieu et place, de la future barrière, devraient simplement se trouver des rangées de sièges vides. Et l’absurdité de la situation ne s’arrête pas là. En effet, l’UEFA aurait déjà averti la Fédération italienne, qu’elle ne permettrait pas la tenue d’une rencontre internationale avec des Curve divisées. Il serait ainsi question d’une barrière amovible qui ne serait utilisée qu’en championnat et coupe d’Italie. Ce qui inclut des coûts que naturellement personne ne veut endosser. Absurde ! Et dire que le stadio Olimpico doit accueillir des rencontres de l’Euro 2020, et que Rome est candidate à l’attribution des Jeux olympiques 2024… Une belle publicité, assurément.
Par Eric Marinelli