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Qui veut encore du foot féminin ?

Par Nicolas Kssis-Martov
4 minutes
Qui veut encore du foot féminin ?

La crise post Covid-19 va-t-elle briser le fragile élan qui s'était dessiné en France en faveur du foot féminin ? Si pour l'instant les données manquent, l'inquiétude est en effet de plus plus réelle et il convient de se demander si les femmes ne seront pas les grandes perdantes des futurs arbitrages budgétaires.

C’est une nouvelle qui aurait dû donner un coup de fouet à la promotion du foot féminin en France. Il y a un an, le mondial 2019 était un succès populaire doublé d’une belle réussite en matière d’organisation, si bien qu’il avait également rapporté un peu d’argent. En effet, une étude de la FFF, rendue publique le 6 juillet, affirme même que la compétition aurait drainé plus de 284 millions d’euros de retombées directes, indirectes et induites, évidemment injectées dans le PIB. Alors que tout le monde appréhende l’ampleur des effets de la crise sanitaire sur l’économie, de tels chiffres devraient en principe fournir de solides arguments, sonnants et trébuchants, en faveur des joueuses, qu’elles fassent partie des gros salaires de l’OL ou qu’elles soient de simples passionnées qui cavalent au CO Vincennes. Problème : au moment où les revenus, subventions et sponsors vont s’avérer de plus en plus difficiles à récolter, les femmes pourraient bien être les premières victimes.

« Se concentrer sur l’essentiel »

Carole Gomez, chercheuse à l’IRIS, explique : « Il faut se souvenir des propos du président de Nancy, Jacques Rousselot, qui a récemment consacré une journée au sport féminin tout en expliquant, dans la foulée, alors qu’il se disait extrêmement satisfait de sa section féminine, qu’il fallait désormais se concentrer sur l’essentiel dans le contexte actuel. » Des paroles puis des actes, puisque le président Rousselot a ensuite décidé de geler les dépenses en faveur de ses filles, confirmant au passage une tendance : dans les clubs professionnels, une section féminine est avant tout dépendante de la bonne santé de son homologue masculine, ce qui est le résultat des différentes politiques menées par la FFF et la LFP. Aujourd’hui, ce schéma dévoile d’un coup ses limites et ses dangers.

Il faut le dire : aujourd’hui, une partie du foot féminin est bien en danger, et l’inévitable récession risque d’accentuer les dommages. De fait, loin des envolées lyriques, les équipes féminines sont encore souvent perçues comme un « plus » ou un « à côté » , voire un gadget pour répondre aux exigences des règlements fédéraux. Cette configuration concerne d’ailleurs l’ensemble du sport féminin comme le détaillait récemment Robins Tchale-Watchou, le président de la Fédération nationale des associations et syndicats de sportifs (FNASS) dans Ouest-France : « L’économie qu’il y avait autour du sport féminin était en pleine structuration. Le sport féminin, avec la magnifique Coupe du monde de football 2019 ou encore l’équipe de France de rugby, a apporté un vent de fraîcheur qui, quelque part, aidait à sa structuration. Mais dans certaines disciplines, le sport féminin est encore vécu aujourd’hui comme étant une charge… » Et donc un élément facile à mettre de côté.

Une occasion manquée, une vraie

Pire encore : alors que le foot masculin pleure toutes les larmes de son corps, sa sœur, elle, a majoritairement été étouffée lors des différentes discussions. « Pendant la crise, on en a très peu parlé, le football féminin a totalement été en dehors des radars, avec quasiment aucune réflexion, alors qu’il y avait une belle opportunité pour réfléchir à son modèle économique, complète Carole Gomez. C’est une vraie occasion manquée, d’autant que le football féminin a vraiment besoin d’un minimum de médiatisation pour s’imposer. Là, l’Euro 2021 a déjà été reporté à cause du report de celui des garçons, la CAN féminine a été annulée… On a aussi vu qu’en Angleterre, le foot féminin était aussi une variable d’ajustement au sein des clubs. »

Ce constat n’a évidemment – et malheureusement – rien de nouveau, mais les nuages s’amoncellent sérieusement et il conviendra de faire un bilan dans quelques années pour savoir ce que valaient vraiment les défilés dans les loges VIP lors du mondial 2019. D’autant que la crise va faire une victime encore plus importante chez les filles : le monde amateur. Carole Gomez : « Et là, les échos du terrain sont plutôt angoissants… Moi, par exemple, je cherche un club sur Paris et on m’a proposé un créneau le soir, de 22h à minuit, en plein bois de Boulogne. On peut comprendre que ça puisse constituer un frein. Il va donc falloir que la FFF et la ministre déléguée aux Sports réaffirment haut et fort certains engagements pris auprès des associations. La rentrée 2020 va être cruciale, elle va permettre de mesurer pleinement les effets de la crise sanitaire. Je suis malheureusement assez pessimiste. » Oui, il est bien plus facile d’aimer le foot féminin lorsqu’il ne vous coûte rien.

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