Prenez un Gillet, Nicolas ou Guillaume, au choix. Enfilez-lui un maillot jaune, celui du FC Nantes ou du RC Lens par exemple, et vous obtenez un joli Gillet jaune. Taillé pour les manifs ? Pas spécialement. Car si les deux hommes ont, sur le papier, des prédispositions évidentes pour aller bloquer des ronds-points et y brûler palettes et pneus de tracteur, leur faible passif vis-à-vis du corps arbitral (2 cartons rouges en 17 ans de carrière pour le premier, un rouge sur les 15 dernières saisons pour l’autre) comme leur profil sans histoire sont autant de raisons de penser qu’ils n’ont rien des insurgés que leur blase suggère. Faut-il en conclure que les pelouses de Ligue 1 ne sont peuplées que de joueurs réfractaires au mouvement de protestation national ? Mollo sur les raccourcis. Le championnat de France regorge en fait de gilets jaunes. À quoi les reconnaît-on ? Portrait-robot.
Il joue ou a joué en jaune
C’est la base. Pour être un gilet jaune, il faut déjà en posséder un. La règle prévaut aussi pour les automobilistes, souvent sommés par les bloqueurs de montrer patte jaune, en déposant leur gilet sur le tableau de bord de leur véhicule pour afficher leur soutien à la cause, faute de la rallier. À défaut, un maillot de foot jaune peut faire l’affaire. Les joueurs et ex-joueurs du FC Nantes, du FC Sochaux, du RC Lens, de l’US Orléans, voire de Gueugnon, Le Mans, Quevilly ou Lyon-la-Duchère ont donc statistiquement plus de chances que leurs homologues de gratter un laisser-passer sur les giratoires. Surtout qu’ils n’ont pas le profil pour se faire assaillir de demandes d’autographes et de selfies.
Il est rétif à l’autorité
Agneaux et moutons s’abstenir. Un mouvement national de contestation requiert conviction et rejet de l’autorité et de l’ordre établi. Rejet qui, dans le cas d’un joueur de la Ligue 1 des Talents, peut s’exprimer envers son staff technique ou la direction de son club, mais l’est le plus souvent envers le corps arbitral. Une pratique où deux écoles s’opposent. D’un côté, celle des trolls, dont Nicolas Benezet est l’un des pontes, en atteste un tweet du Guingampais après ce Guingamp-PSG marqué par un péno parisien attribué avec la complicité de la VAR. De l’autre, celle des mecs burnés, dont Dani Alves a en janvier écrit les dernières lettres de noblesse, lors d’un PSG-OL qu’il a fini front contre front avec l’homme en noir. Sans regret : «
Si vous voulez rejeter la faute sur moi, vous pouvez. J’ai le dos large et une paire bien mise qui me tient toujours debout. » France du football d’en haut, France du football d’en bas : dans les deux cas, l’objet de la rébellion portait le même nom, Clément Turpin. Un des rares types en France dont la cote de popularité n’excède pas celle d’Emmanuel Macron. Et qui ferait bien de rester au chaud chez lui, ce week-end, plutôt que d’aller se frotter aux gilets jaunes nantais.
Il en veut au fisc
«
Je n’ai braqué personne pour avoir ce que j’ai aujourd’hui. Ceux qui ont la chance de réussir, on leur tire dans les pattes. » Christophe Jallet veut bien être sympa, mais il y a des limites. Quand, en 2012, François Hollande promet une taxation à 75% pour les revenus supérieurs à un million d’euros, le divin chauve chausse les 18 et vise les pattes du candidat socialiste à la présidentielle. Sans pour autant le stopper dans sa course à l’Élysée, ni le dissuader d’appliquer sa proposition, signer à l’étranger ni même frauder le fisc en guise de contestation. Chassez le naturel, il revient au galop : Christophe Jallet est et reste un gentil. Comme bon nombre d’insurgés du week-end qui retourneront sagement au taf’ lundi matin ?
Il est pyromane
Qui dit manif’ ou blocage dit cramage de pneus ou de palettes sur la voie publique. Et donc intérêt prononcé pour le feu. Jouer avec, Ferland Mendy et Adil Rami aiment ça, et l’ont d’ailleurs prouvé face à l’Uruguay avec les Bleus, mardi, avec leur enchaînement roulette-passe en retrait hasardeuse-madjer pour Lloris. Évoquer Rami et le feu, c’est se souvenir, aussi, des confessions post-mondial du défenseur de l’OM, sur fond d’extincteur et d’évacuation d’hôtel. Dans un autre style, Gianluigi Buffon n’a pas hésité à craquer un fumi en plein Paris le jour de son arrivée dans la capitale. Gigilet jaune.
Il aime les barbeucs
Qui dit mouvement social dit aussi, en règle générale, barbecue et merguez. Nicolas Benezet, encore lui, en connaît un rayon en la matière. Et distille même de précieux conseils en matière d’allumage du barbeuc’ sur les réseaux sociaux. Quand, fin août, Jimmy Briand fout le feu à l’En Avant de Guingamp, qu’il plante pour atterrir à Bordeaux après un transfert avorté à l’Impact de Montréal, son ancien pourvoyeur de ballons au Roudourou n’hésite pas à souffler sur les braises. Comment ? En utilisant un maillot floqué Briand pour attiser le feu et ainsi allumer son barbecue. À montrer dans toutes les écoles de gilets jaunes.
Il filtre les passages
Christophe Castaner et Édouard Philippe avaient été très clairs : aucun blocage total ne serait toléré sur les routes de France. Sauf que dans les faits, les avertissements du premier flic de France et du pensionnaire de Matignon n’ont semble-t-il pas trouvé écho dans toutes les contrées de l’Hexagone. Mais que les deux ministres se rassurent : ils ne sont pas les seuls dont les consignes ne sont pas appliquées à la lettre. Allez donc en toucher un mot, au hasard, à Philippe Hinschberger, Frédéric Hantz ou José Pasqualetti. Des hommes dont les consignes défensives ont régulièrement été bafouées.
Il œuvre pour son pouvoir d’achat
Les chiffres sont sans appel : 62% des Français interrogés sur la question privilégient, dans l’immédiat, une hausse du pouvoir d’achat au combat en faveur de l’écologie. Une vision court-termiste qui colle aux préoccupations des footballeurs, grassement payés certes, mais sur une période réduite, environ 15 ans. D’où l’empressement de Florian Thauvin à faire de Lille, où il arrive de Bastia à l’été 2012, une simple escale dans son périple vers Marseille, qui fait le forcing pour le détourner, gros sous à la clé. À l’époque, le garçon n’hésite pas, avec ses 45 000 balles mensuels, à se qualifier de «
smicard du football » pour justifier son bras de fer – gagné – avec le LOSC. Et tant pis si son gain en pouvoir d’achat a une empreinte carbone. Flotov’, un Français comme les autres.
Conclusion : et le meilleur gilet jaune de Ligue 1 est… Nicolas Pallois
Les maillots de Quevilly et Nantes dans la garde-robe, six rouges depuis qu’il s’est réellement posé dans l’élite en 2014-2015, une suspension de trois mois après avoir bousculé un arbitre assistant lors d’un Rennes-Bordeaux en décembre 2015, un clash avec Miguel Cardoso quelques semaines seulement après l’arrivée du Portugais au FCNA cet été, le crâne aussi lisse que celui de Christophe Jallet, des interventions musclées en veux-tu en voilà, le scalp de plusieurs équipes de Ligue 1 arraché avec l’US Quevilly. Mais aussi une grande gueule assumée, comme rapporté il y a un mois par
Ouest-France, peu après le départ de Cardoso : «
Je suis quelqu’un de franc qui dit les choses. Peut-être que ça n’a pas plu, que ça m’a desservi, mais je ne changerai pas. Si ça recommence, je ferai la même chose. » Le genre de mec à qui on n’a pas envie de demander de se pousser quand il entrave la route. Et sur qui les gilets jaunes pourront compter dès samedi prochain, date du troisième week-end de mobilisation, et de son match de suspension automatique après son exclusion face à Angers ce soir. Encore un coup de Turpin.
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