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Jaka Bijol : ski, sex and sun
Révélation de cet Euro 2024 et grand artisan de l’invincibilité slovène avant ce huitième de finale face au Portugal à Francfort, Jaka Bijol est la preuve vivante que l’on peut encore sortir du lot à 25 ans après un début de carrière tumultueux.
Sous une petite tente d’un bar à Francfort, un petit groupe de fans slovènes tente de créer un nouveau chant populaire à la gloire de l’un des leurs : « Ooo, Jaka Bijol, Ooh, Jaka Bijol… il est à gauche pour (s’occuper) d’Haaland, à droite pour Ronaldo, parfois il marque même un but, Jaka Bijol ! » Si c’est dorénavant confirmé que les Slovènes n’ont pas le don des Anglais pour créer des hymnes, ils ont en revanche tapé dans le mille en ce qui concerne leur nouvelle coqueluche. Si ceux que l’on appelait auparavant « les Skieurs » disputent le premier huitième de finale de l’Euro dans leur histoire – sans avoir gagné le moindre match –, c’est en grande partie grâce à ce beau bébé de 25 ans au nom de traitement pour la peau qui dirige d’une main de fer la ligne défensive de son équipe. Élu meilleur joueur de la phase de poules selon la plateforme WhoScored, Jaka Bijol est l’incarnation parfaite de la solidité dégagée par ce diable de 4-4-2 old school de Matjaž Kek qui a su contenir le Danemark, qui a manqué de renverser la Serbie pour une minute, et qui a dégoûté l’Angleterre. En attendant le Portugal ce lundi ?
Nova 🇸🇮 navijaška oda: Ooo, Jaka Bijol, ooo, Jaka Bijol … levo na Haalanda, desno Ronaldota, včasih tud' zabije gol, Jaka Bijol! 🎵 🥳 #EURO2024 @nzs_si #Frankfurt @24ur_com @Sport24ur pic.twitter.com/312JZnQ39x
— Tina Hacler (@TinaHacler) June 30, 2024
Le Slovène fait du ski
Jaka Bijol était déjà là, le 26 mars dernier, lors du succès en amical de la Slovénie face à la Seleção (2-0) en amical comme lors de la grande majorité des dernières sorties de ce pays de 2,2 millions d’habitants qui s’offre une nouvelle génération dorée. C’est bien simple : sur les 20 derniers matchs disputés par la Slovénie, Bijol n’en a loupé qu’un, et sa sélection, elle, n’en a perdu que deux. Une sorte de talisman pour l’équipe de Jan Oblak sur lequel peu auraient parié dans son enfance. Jaka ne mesurait pas encore 1,90m lorsqu’il a vu le jour à Vuzenica, dans le nord du pays, à l’ouest de Maribor, où il a grandi. C’est à deux pas de la frontière autrichienne que le garçon voit son père diriger le club de ski local et qu’il tombe naturellement dedans : jusqu’à ses 13 ans, Jaka ski l’hiver et joue au football l’été. « Enfant, je faisais du ski, comme Jannik Sinner, se justifiait presque l’intéressé à Tuttosport. Puis, quand il a fallu prendre une décision, j’ai choisi le football et, à partir de là, j’ai commencé à travailler pour devenir professionnel. […] Enfant, j’étais un fan de Barcelone, j’avais un poster de Messi dans ma chambre. »
Pourquoi ce changement soudain ? Son père, Janez Bijol, pense avoir l’explication. « Le problème, c’était l’exigence des entraîneurs et, indirectement, des parents. Nous, nous avons dit à mon fils : “Tu skieras aussi longtemps que tu le voudras” et il a skié jusqu’à l’âge de 13 ans, racontait le patriarche au quotidien national Vecer. À l’époque, il était champion national chez les jeunes, mais un jour, après que l’hymne national a été joué à Krvavec, il a décidé d’arrêter. Il n’a pas dit pourquoi, mais je crois savoir que c’est parce que les entraîneurs lui mettaient beaucoup de pression. »
Une ascension à poursuivre
C’est à ce moment-là que Jaka troque les skis pour quatre entraînements par semaine de foot, à Dravrograd puis au NK Bravo à Ljubljana, où il peaufine sa formation. Après une saison dans le championnat slovène, tout s’accélère : le CSKA Moscou repère ce milieu défensif prometteur à peine majeur et l’envoie immédiatement dans le grand bain. Le 2 octobre 2018, Bijol joue même le match complet lors de la victoire du CSKA face au Real Madrid en Ligue des champions (1-0) et devient automatiquement l’une des stars en devenir en Slovénie, dont il intègre la sélection quelques jours plus tard. Mieux encore : son coach, Aleksei Berezutski, voit en lui un grand défenseur et lui demande de reculer. Jaka accepte, c’est le début de l’odyssée : « Il s’est avéré que son intuition était parfaite, confirmait Jaka. Dans cette nouvelle position, je n’ai essayé de copier personne, j’ai simplement essayé de jouer du mieux que je pouvais. »
Plutôt une réussite, car la Bij’ fera trois saisons titulaire au CSKA, entrecoupée d’une autre à Hanovre, avant de rejoindre l’Udinese à l’été 2022 où il évolue encore aujourd’hui. Pas vraiment le parcours d’une véritable pépite, comme celui que traverse actuellement son coéquipier Benjamin Šeško, mais le club du Frioul représente plusieurs avantages pour lui : primo, il est très proche de sa Slovénie natale. Deuzio : même au cœur d’une saison galère comme celle-ci où les Frioulans se sont maintenus in extremis en Serie A, Jaka a pu progresser sous la houlette d’une référence au poste : Fabio Cannavaro, arrivé en avril dans le costume du pompier (et déjà reparti). « Pour être honnête, j’ai vraiment beaucoup appris de lui au cours de ces quatre semaines, racontait Bijol avant l’Euro. Je l’ai bien écouté. Qui dois-je écouter sinon lui ? » Effectivement, tendre l’oreille à un Ballon d’or, cela fait sens. Ce lundi, c’est la jambe que le solide Jaka va devoir déplier à foison pour stopper les velléités d’un quintuple Ballon d’or cette fois à la recherche de son premier but : Cristiano Ronaldo. Nul doute qu’en cas de nouvelle bonne performance, et pourquoi pas même de qualif, sa cote pourrait grimper. En Italie, son nom est annoncé du côté de l’Inter dans un futur proche. Bijol le sait : le jeu en vaut la chandelle.
Par Andrea Chazy