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- LOSC-Real Madrid (1-0)
Ayyoub Bouaddi, bonheur de jeunesse
Auteur d’un très grand match contre le Real Madrid pour sa première titularisation en Ligue des champion avec le LOSC le jour de ses 17 ans, Ayyoub Bouaddi a démontré toute sa sérénité face à l’armada madrilène et a désormais exporté son nom à l’étranger.
Ça ressemblait à quoi, la fête d’anniversaire de vos 17 ans ? Pour Ayyoub Bouaddi, c’était tout simplement une première titularisation en Ligue des champions face au Real Madrid et ça s’est passé ce mercredi soir avec, au bout, la victoire dans la poche, pour rendre cette soirée encore un peu plus magique. À un an seulement de sa majorité, il aura grandement apporté son grain de sel dans la folle soirée du LOSC, qui restera longtemps dans les mémoires de ceux qui ont vécu l’exploit de près ou de loin, en produisant une partition à la limite de la perfection.
Très peu de déchets techniques (98% de passes réussies), un gros volume de jeu et une concentration à chaque instant, le patron de l’entrejeu, mercredi soir, c’était bien lui. Le petit gabarit frêle aux cheveux longs a eu tout le loisir de promener sa tranquillité pendant 90 minutes sur le pré d’un stade Pierre-Mauroy des grands soirs face à Valverde, Bellingham, Vinícius, Modrić et toute la clique de Carlos Ancelotti dont la légende s’écrit à grands coups de Ballons d’or, de coupes aux grandes oreilles et de Liga à la pelle. Sous ses traits juvéniles difficilement dissimulables, on a pourtant eu l’impression de voir un vieux briscard qui a longtemps semblé maîtriser ce genre de soirée, balayant rapidement tout ce contexte vertigineux pour réaliser le match qu’il fallait et faire oublier les absences du milieu de terrain. Bon, il y aura bien eu cette perte de balle en toute fin de rencontre venue lui rappeler que face à ce genre de cylindrées, aucun relâchement n’est permis, mais le rendu final mérite amplement les éloges.
Sur les traces de Raphaël Varane
Pour ceux qui le connaissent depuis longtemps – si « longtemps » peut convenir quand on parle d’un gamin de 17 ans –, le sentiment prédominant n’est pas la surprise. « Il ne fallait pas avoir une grosse expérience du foot pour se rendre compte que c’était un futur grand, glisse Georges Tournay, entraîneur de Lens (2001) et Boulogne-sur-Mer (2012-2013) et désormais directeur du centre de préformation de Liévin, dans le Nord-Pas-de-Calais, qu’Ayyoub a fréquenté de ses 13 à 14 ans. Il comprenait tout plus vite que les autres. Comme on a pu le voir face au Real, il n’avait pas de pression, il n’était jamais affolé avec le ballon, il faisait preuve de beaucoup de maîtrise. » Pour avoir aussi connu Raphaël Varane au pôle, Georges Tournay peut déjà détecter quelques points communs entre les deux joueurs : « Avant, je prenais toujours l’exemple de Varane auprès des jeunes, maintenant ça risque bien d’être à son tour désormais ! Il y a d’autres façons d’intégrer les jeunes de 17 ans qu’en les faisant débuter dans un match de Ligue des champions face au meilleur club du monde, mais finalement, il s’est super bien adapté. »
17 ans, 90 minutes contre le Real Madrid 🎁
𝑱𝒐𝒚𝒆𝒖𝒙 𝒂𝒏𝒏𝒊𝒗𝒆𝒓𝒔𝒂𝒊𝒓𝒆 𝑨𝒚𝒚𝒐𝒖𝒃 ❤️ pic.twitter.com/1J85VMns6a
— LOSC (@losclive) October 2, 2024
Genesio le sait. Mais titulariser le petit milieu (1,85m quand même) résulte forcément d’un sacré concours de circonstances. Privé d’André Gomes (non inscrit pour la Ligue des champions), d’Angel Gomes, ou encore d’Ethan Mbappé, le nouveau technicien du LOSC n’avait guère d’autres choix que de miser sur l’innovation pour composer une équipe capable de rivaliser avec l’ogre madrilène, qui a déjà raflé 15 Ligues des champions. Le choix Bouaddi a été évident pour lui. Et le pari audacieux, qui aurait pu lui être reproché si son LOSC avait été pris à revers, s’est avéré payant. « On sait ce dont il est capable. C’est un garçon qui a une tête très bien faite. C’est une belle récompense pour lui, il le mérite et il a le talent pour jouer à ce niveau. Maintenant, il faut savoir confirmer, mais je pense qu’il n’y a pas trop de souci à se faire de ce côté-là avec lui », ne pouvait que reconnaître Bruno Genesio, entré dans la légende de la Ligue des champions.
Les éloges après l’éloquence
Il faut dire que son jeune prodige a toujours été en avance sur tout ce qu’il fait jusqu’à présent. Plus jeune joueur à commencer (à 16 ans et 118 jours) un match dans l’élite du football français depuis Basile Boli avec Auxerre le 29 avril 1983, plus jeune joueur de tous les temps à disputer un match de Coupe d’Europe (c’était en octobre 2023 avec le LOSC lors d’un déplacement aux Îles Féroé à Klaksvík en Ligue Conférence), bac scientifique mention très bien empoché cet été à 16 ans, vainqueur d’un concours d’éloquence en juin 2023, déjà bien installé parmi les jeunes tricolores, il ne fait décidément rien comme les autres. Et ce, depuis ses débuts avec le ballon rond, à Creil, dans l’Oise, où il a toujours été surclassé dès les U8. Et quand il a franchi un palier en arrivant à Lille à l’été 2021, les choses n’ont pas bougé.
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Surclassé chez les U16 et les U19, il aura à peine goûté à la réserve et au National 3 qu’il se retrouvait déjà dans le groupe de Paulo Fonseca, qui a été le premier à lui donner sa chance chez les pros. « Je pense que nous avons gagné un joueur pour le futur », avait flairé le coach portugais au soir de son entrée en jeu à Klaksvík. Un an plus tard, et avec un bagage encore plus solide (26 matchs au total à Lille), il va désormais devoir assumer qu’il a l’étoffe pour définitivement jouer dans la cour des très grands.
Par Victor Lamand
Propos de Georges Tournay recueillis par VL.