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Magic Mike
Rapidement devenu incontournable dans les buts du Milan, Mike Maignan ne cesse d’accumuler les louanges. À 27 ans, le portier formé au PSG fait déjà partie du gotha mondial à son poste et ne s’interdit pas de rêver plus grand.
Il y a désormais une place à prendre dans les buts de l’équipe de France. Après 145 sélections, un record, et quatorze ans à garder les cages des Bleus, Hugo Lloris a tiré sa révérence. Sa quatrième Coupe du monde, soldée par une défaite en finale face à l’Argentine, a donc été le dernier tour de piste du portier âgé de 35 piges. Même avant ce dernier rodéo sur les dunes de Doha, et l’arrêt de carrière de Steve Mandanda, l’identité de son successeur ne faisait déjà plus aucun doute : ce sera Mike Maignan. En silence, l’actuel numéro 2 des Bleus s’était contenté jusque-là des miettes laissées par Lloris. À cause d’une blessure au mollet, Maignan n’aura finalement pas pris son envol pour l’émirat et la banquette de l’EDF. Mais même avec lui, les Bleus n’auraient pas eu de problèmes d’égo à gérer à ce niveau-là : « Hugo, c’est le capitaine, déclarait Maignan en marge du rassemblement de l’équipe de France en juin dernier. Tout le monde connaît son poste, moi le premier. (…) Numéro 1 au Qatar ? Non, moi, j’espère déjà être dans le groupe qui sera à la Coupe du monde, et voilà, c’est le plus important. » Une humilité à toute épreuve, alors qu’en dehors des murs de Clairefontaine, de plus en plus de voix se font entendre pour voir « Magic Mike » enfiler le costume de numéro un. Et pas n’importe lesquelles : « En ce moment, Mike Maignan est le meilleur gardien de but au monde, glissait fin 2022 Jean-Pierre Papin, Ballon d’or 1991, à la Gazzetta dello Sport. Il réalise toujours deux ou trois arrêts incroyables par match, et il ne commet jamais d’erreurs : il a la régularité des grands. Il était déjà fort à Lille, mais son départ à l’AC Milan lui a permis de franchir un cap. L’avenir lui appartient, y compris en équipe de France. »
Le nouveau roi de Milan
Il n’y a pas besoin de chercher très loin pour comprendre pourquoi et comment Mike Maignan s’est imposé comme une évidence aux yeux de tous. Depuis qu’il a quitté le Paris Saint-Germain, son club formateur, l’année de ses 20 ans en 2015, l’homme aux mains gantées a eu une trajectoire quasi linéaire. Entre 2017 et 2021, Maignan a facturé quatre saisons pleines au LOSC, avec en filigrane des expériences en Ligue des champions, en Ligue Europa et un trophée de meilleur gardien de Ligue 1 en 2019. Lors de son dernier exercice dans l’Hexagone, son équipe a festoyé sur la Grand-Place de Lille, et c’est l’Hexagoal en mains que Maignan a pu ensuite filer à l’AC Milan avec le sentiment du devoir accompli. Depuis qu’il a posé ses valises dans la capitale de la mode, le gardien français enchaîne les défilés avec brio. Dès sa première année avec le Diavolo, Maignan a remporté la Serie A, chopé le titre de meilleur portier au pays des portiers, et impressionné de par ses performances exceptionnelles, notamment lors des derbys face à l’Inter. Les chiffres l’attestent: avec près de 80% d’arrêts ou encore 30% de penaltys arrêtés depuis le début de sa carrière, Maignan fait l’unanimité chez les Rossoneri. Et forcément, depuis, les compliments pleuvent : « Il n’est pas là depuis longtemps, mais c’est un joueur complet, explosif et sûr dans ses interventions, glissait le légendaire Dino Zoff à L’Équipe. Sa personnalité est décisive: quand la défense se sent en sécurité, c’est un facteur positif. »
À Milan, Maignan affiche un ratio but encaissé/match inférieur à 1. De quoi permettre aux tifosi de l’AC Milan d’oublier plus facilement Gianluigi Donnarumma, formé au club et désormais surnommé « Dollarumma » par certains, lui qui a préféré s’envoler vers Paris en étant libre. « C’est vrai que l’année dernière, même si je n’ai pas ressenti de pression, j’ai vu que les gens faisaient beaucoup de comparaisons entre moi et Donnarumma, expliquait Maignan à la chaîne DAZN. Mais ça ne change rien pour moi. Avant chaque match, je m’isole, car les gens de l’extérieur parlent trop, et je ne veux pas sentir leur pression sur moi. La musique m’aide pour ça, et si ça ne suffit pas, j’essaie de m’isoler dans mon propre monde. » Au sein du club actuellement coaché par Stefano Pioli, qui parlait de Maignan déjà comme d’un dernier rempart « disponible, curieux, volontaire et très fort » au sortir de son premier match officiel avec Milan face à la Samp’ (1-0) l’an passé, le natif de Cayenne est entouré d’une colonie de Français. Ils ont tous été recrutés par Paolo Maldini et son chef du scouting, le Français Geoffrey Moncada, et la liste est longue: Théo Hernandez, Pierre Kalulu, Olivier Giroud, Yacine Adli… Au sein du groupe, il y a également de vieilles connaissances, comme Zlatan Ibrahimović. Au Paris Saint-Germain, Zlatan et Maignan s’étaient côtoyés, et leur première rencontre, comme le racontait le Français à France Football il y a quelques années, fut mémorable : « Lors d’un entraînement, Zlatan tire, la balle va à 400 km/h et elle passe. C’était facile pour lui. Il était dans la surface et il a placé le ballon avec puissance. Buffon, Julio César, qu’il a eus en face de lui, n’ont pas arrêté ces ballons-là. Il me dit : “Gardien de merde.” Là, pour moi, il n’était pas correct. L’action d’après, il revient, frappe, mais je l’arrête. Ah… (Il sourit.) J’étais obligé de lui répondre. Je lui ai dit : “Attaquant de merde.” Il m’a regardé, n’a rien dit et, une fois rentré au vestiaire, il m’a checké. Il m’a dit : “C’est bien, j’aime comment tu es, j’aime ta personnalité.” Déjà que je l’aimais, ça m’a encore plus fait kiffer cette personne. » Un caractère bien trempé, qui s’est forgé dès l’enfance.
« Petit, je rêvais d’être un grand bandit »
C’est à l’âge de 8 ans que Mike Maignan débarque en métropole, après avoir passé le début de son enfance en Guyane. Il s’installe avec sa famille dans le quartier des Carreaux, à Villiers-le-Bel en banlieue parisienne. Dans son quartier de cette commune du Val-d’Oise, Maignan enchaîne les foots, mais perçoit également les côtés sombres et durs de la vie en quartier. « Petit, je rêvais d’être un grand bandit, un parrain, expliquait-il à FF. Le foot n’était que plaisir, qu’un loisir. Je voyais les plus grands de chez moi avec de grosses voitures, de belles montres, des vêtements de luxe. Avant, je pensais que c’était ça, la vie. Quand j’ai grandi, j’ai vu l’illégal, la face sombre. J’ai voulu m’en sortir. Je me suis bagarré pour tout ça. » Côté foot, il ne rêve pas de devenir le nouveau Fabien Barthez ou Bernard Lama, mais bien de marquer des buts. « Petit, on dit que c’est le plus nul qui va au goal, mais je n’étais pas le plus nul, riait Maignan. J’aurais pu faire une carrière de joueur, je ne changerai jamais d’avis. Mais je suis gardien de but aujourd’hui. Mon métier est d’arrêter les ballons. On ne reviendra pas là-dessus. Le reste, c’étaient des rêves de gosse. Mais quand je joue avec des potes, on m’appelle “Pistolero”. Je suis numéro 9. » À la suite d’un pari avec l’un de ses coachs à Villiers, Romain Damiano – qui a perçu en lui des qualités évidentes au poste de goal –, Maignan arrête ses rares piges dans le champ et se retrouve dans les buts pour de bon. « Je devais faire un test à Clairefontaine, et Romain m’a dit que si j’arrivais au dernier niveau du test, je resterais portier. J’y suis parvenu, et puis voilà. »
Un « voilà » qui occulterait presque toutes ces épreuves par lesquelles est passé Maignan avant, mais aussi après, avoir intégré le centre de formation du… PSG en 2009. Durant six ans, où il peaufine ses gammes et voit surtout les Qataris et les stars débarquer une à une, Maignan comprend qu’il n’aura jamais sa chance chez les Rouge et Bleu. Il n’hésite pas à faire comme Kingsley Coman avant lui: quitter Paris. Mike file donc à Lille, où il explosera à la face du monde. Sept ans plus tard, le voilà donc à quelques encablures du début de la maturité pour un portier et de plus en plus visible à l’échelle internationale. Pour la deuxième saison de suite, il dispute la C1 avec Milan qui cherche, en parallèle, à garder un Scudetto qui lui a échappé pendant onze ans. Le 29 mars dernier, dans son ancien jardin de Pierre-Mauroy, il a même vécu sa première titularisation avec le maillot bleu face à l’Afrique du Sud (5-0) en amical. « Mike est dans une progression constante, glissait Didier Deschamps à son sujet avant cette première. Mike, c’est la force tranquille, avec les qualités athlétiques qu’il a, un bon jeu au pied, un bon caractère de leader expressif, ça fait beaucoup de choses. Même quand il ne joue pas, il joue ce rôle-là aussi, et c’est bien pour le groupe. » Des propos alors confirmés par son coéquipier Raphaël Varane, né à Lille, mais lensois dans l’âme : « En tant que joueur, il a de grandes qualités d’explosivité, un super jeu au pied. Il apporte aussi son caractère, c’est un leader dans l’âme qui le transmet au groupe. Il continue son évolution, ne cesse de progresser. Il a beaucoup de talent. » Du talent, ça oui, Mike Maignan en a à revendre. Pour le plus grand bonheur du Milan. Et des Bleus, sur la durée.
Par Andrea Chazy
Portrait paru initialement dans SO FOOT CLUB.