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Qui es-tu, l’équipe de Coupe ?
Lille-PSG. Deux ténors de la Ligue 1, une Coupe légendaire, et pas mal de belles histoires. Cette année, Chambéry, pensionnaire de CFA, a fait trembler le 73 et la France de l'amateurisme, en se hissant en quart de finale de Coupe de France. Loin d'être une première. Cette compétition est souvent le théâtre de surprises ou de cataclysmes, que chacun explique comme il peut/veut, en essayant de transformer à l'aide de nombreux synonymes, la fameuse « magie de la Coupe de France ». Facile.
Tueuse de Goliath, démiurge de génie, rédactrice de belles histoires. Tu fais rêver ton département, ton canton, ton bled et tu enquiquines le reste de la France. Frédéric Thiriez aime te désigner comme miracle qui illustre la beauté du football moderne. Tu fais vaciller le cœur de tes fans en bottant les fesses de l’OM ou de l’OL, avant de t’écrouler en quart ou en demi contre une vulgaire équipe de Ligue 2. On croit te connaître, mais tu demeures mystérieuse. Mais, qui es-tu vraiment, l’équipe de Coupe ?
Equipe de coup vs Equipe de Coupe
« Je pense qu’il y a deux caractéristiques. Soit c’est une équipe qui a énormément de caractère et des moyens limités, mais une vie de groupe au-dessus de la moyenne, avec des joueurs capables de se transcender les des matches couperets. Car au fond, un match de coupe, c’est d’abord cela. Soit c’est être capable d’être tellement dominateurs dans le jeu, que l’équipe devient très lucide dans ces matches-là. C’est vrai que comme ça, on pourrait croire qu’une équipe qui va loin en Coupe de France est une équipe qui n’a que du caractère, mais ce n’est pas forcément le cas » . Denis Renaud, entraîneur de l’USJA Carquefou, sait de quoi il parle. Son équipe à lui n’était pas de celle qui gagnait ses matches grâce à une maîtrise incroyable, mais s’inscrit plutôt dans la première catégorie. Toutefois, le coach qui a emmené son équipe en demi-finale de Coupe de France, après être venu à bout de Nancy et Marseille, soulève ici un point important. Contrairement à ce que veut le cliché, l’équipe de Coupe n’est pas forcément celle qui terrasse des adversaires de divisions supérieures en prolongation, sur un champ de patates et qui encadre la une de l’équipe dans la salle des fêtes du village.
En faisant référence au FC Nantes de son mentor, Raynald Denoueix, vainqueur de la Coupe de France en 2000, puis 2001, Denis Renaud insiste sur le fait que l’équipe de Coupe n’est pas forcément celle de la chance et du panache, mais aussi celle du talent et de la maîtrise. Une virtuosité et une confiance emmagasinée au fil des matches et des années, qui font d’équipes comme le PSG une équipe qui marche sur l’eau dès lors que les Pitch et autres SFR commencent à frapper le dos des maillots. « Quand tu commences à enchaîner deux, trois, voire quatre résultats positifs, tu as l’impression que rien ne peut te toucher, que tu vas aller au bout, parce que bizarrement, cet enchaînement fait que la confiance est là. Mais attention, ce n’est pas rapport à cette compétition et cette compétition uniquement. La Coupe de France n’est pas le Championnat » rajoute Denis Renaud. Un constat que le club de la capitale connaît malheureusement trop bien. Pas besoin d’avoir un entraîneur qui gueule sur le banc et un attaquant menuisier, donc, pour aller loin en Coupe de France. Mais l’équipe de village, type « A mort l’arbitre » de Jean-Pierre Mocky, n’est pas qu’un simple cliché.
« Contre une DH à l’extérieur ou face à l’OM, la galère est la même »
Calais, Schiltigheim, Montceau les Mines et donc Carquefou. Les exemples sont nombreux et chaque année, de nouveaux camarades viennent rejoindre les « petits » dans le groupe des trouble-fêtes connus et recensés. « L’équipe de Coupe » devient alors « l’équipe de coup » qui, habituée à passer les premiers tours de la Coupe de France sans encombre, profite de sa réputation et de l’expérience acquise au fil des exploits, pour terrasser le débutant. Un constat qui rejoint donc celui dressé par Denis Renaud sur le PSG, une affaire de réputation et de confiance. Il y aurait donc deux équipes de coupe qui, comme souvent lorsque l’on aborde le football Hexagonal, dépendent de l’amateurisme ou du professionnalisme. Quand l’équipe de Coupe professionnelle ne jure que par le jeu et la réputation, l’équipe de Coupe amateur mise sur la cohésion et l’expérience d’un groupe, supérieure à la moyenne des clubs de sa division.
Cela étant, pas question pour Denis Renaud de distinguer l’équipe pro de l’équipe amateur. Pour lui, le match couperet est aussi difficile contre l’un que contre l’autre : « Je n’ai jamais fait la différence entre une équipe amateur et une équipe pro, pour la bonne et simple raison que je me retrouve dans la même difficulté sur les premiers tours de Coupe de France, quand je vais jouer chez une DH à l’extérieur, que quand je reçois Marseille à La Beaujoire. Tu retrouves systématiquement des difficultés, au moins sur le plan psychologique, quand à la mi-temps, tu rames contre une équipe jugée plus faible. Ce n’est pas un problème d’amateurisme ou de professionnalisme. Au fond, la galère est la même » . Difficile pourtant, de se contenter des bons résultats obtenus en compétition à élimination directe d’une équipe professionnelle pour la qualifier d’équipe de Coupe. Car le genre d’équipe dont nous parlons ici est une équipe qui souffre médiatiquement. De sous le feux des projecteurs à six pieds sous terre, il n’y a qu’un match.
« Difficile de retomber dans l’anonymat »
Passer de la dernière page de la presse locale à la une de L’Equipe ne tient qu’à un exploit. Après avoir gouté à la célébrité, aux soirées au VIP Room et à la trajectoire de Mathieu Valbuena, vient l’heure de rentrer au bercail et de retrouver sa routine. Une étape difficile. L’épopée d’une équipe de Coupe est une belle histoire, mais est une histoire qui fini mal. Pour éviter la catastrophe et les dépressions, les entraîneurs doivent anticiper. Plus l’exploit est beau, plus dure sera la chute. Bien aiguillé par ses amis et des entraîneurs de l’élite, Denis Renaud a bien géré sa transition : « Il faut y être préparé. Quand tu prépares les victoires, il faut également préparer les défaites. Nous, à Carquefou, on a énormément insisté sur la fin de l’histoire, sur la fin de l’épopée. Ça n’a pas été compliqué, car nous avions un maintien à assurer, mais c’est vrai que jouer Nancy, Marseille et Paris avant de retourner à notre petit championnat, c’est dur. Le coach doit être très présent lors des deux semaines qui suivent l’élimination, car passer de la sur-médiatisation à l’anonymat est difficile, surtout pour les joueurs qui pensaient entrevoir une belle carrière » . Opium du football amateur, la Coupe de France vend donc du rêve. Un rêve impossible. Equipe de Coupe, peu importe qui tu es, tu es la seule chose qui fait encore rêver une certaine France du foot.
Swann Borsellino
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