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Qu’est-ce qui empêche les footballeurs de faire grève ?

Par Ulysse Llamas

Rodri, Alisson Becker, Kylian Mbappé, Aurélien Tchouaméni, Jules Koundé... La prochaine liste du Ballon d’or est pleine de joueurs qui expriment leur malaise face au fait de jouer 70 matchs par saison. Nouveauté : ils brandissent un droit plus connu des cheminots que chez les salariés du football : la grève. La mobilisation sociale est-elle si improbable ?

Qu’est-ce qui empêche les footballeurs de faire grève ?

Une grève de millionnaires ! Comme si Jul se plaignait de jouer trop de musiques ou Bernard Arnault de gagner trop d’argent. La revendication prête à rire, ou à gentiment inviter les footballeurs à pointer à France Travail – Pôle Emploi pour les anciens. Pourquoi des nantis, non biberonnés aux manifs ou à la Fête de l’Huma, une des seules professions au monde où des salariés sont payés plus que leurs patrons, décideraient de faire grève ?

Peu importe si les plus riches d’entre eux ne sont qu’une minorité, les footballeurs ont de plus en plus l’impression d’être des bêtes de foire du cirque du foot moderne. « Le calendrier se charge chaque année, on a toujours plus de matchs et de moins en moins de repos. Ça fait trois ou quatre ans qu’on le dit, et personne ne nous écoute, nous les joueurs, qui sommes les premiers acteurs. Il va effectivement arriver un moment où on va faire grève. C’est le seul moyen qu’on aura pour être entendus », s’est lamenté Jules Koundé à l’aube de démarrer une nouvelle campagne de Ligue des champions. Le Français du Barça prenait le pas sur Rodri, plus médecin que géopoliticien : « Si cela continue comme ça, à un moment donné, on n’aura pas d’autres choix. En tout cas, c’est quelque chose qui nous inquiète, car nous sommes ceux qui souffrent. » Manque de pot, le Citizen est sorti sur blessure ce dimanche, face à Arsenal, comme pour montrer la véracité de ses propos. De Pep Guardiola à Marcelo Bielsa, la liste des coachs s’agrandit elle aussi. Même Didier Deschamps s’y est mis.

La FIFPRO alerte régulièrement sur ce sujet. Le syndicat mondial des joueurs recommande de ne pas disputer plus de 55 matchs par saison, et pas plus de deux matchs en semaine d’affilée. « Le foot est en danger. Celui des grandes compétitions, ce “produit premium”, a été préféré aux championnats domestiques, se lamente David Terrier, président de la FIFPRO Europe et vice-président de l’UNFP. En ne faisant pas attention à la santé des joueurs, le football est en train de perdre en valeur. » À l’heure où le foot français vit une sacrée crise, protéger le « produit » apparaît comme une vieille rengaine corporatiste, mais vient soutenir des joueurs qui s’engagent pour prendre en main leur carrière.

De la lutte des classes à la guerre des matchs ?

Une carrière soumise à des cadences de plus en plus infernales. Des grandes affiches, des gros matchs, car plus on est de fous, plus on rit : la Coupe du monde a débuté à 13, elle conviera 48 pays en 2026. L’Euro a démarré à 16, il est désormais à 24. « Cela affecte le football et son industrie. Étendre les compétitions, agrandir la Coupe du monde des clubs avec plus d’équipes, c’est dénué de sens : la saison dure depuis août, pourquoi l’étendre jusqu’à mi-juillet ? Que fera-t-on d’un joueur en fin de contrat le 30 juin ? Et ça ne concerne pas que les “top players”, mais aussi des joueurs qui jouent la CAN et qui évoluent en Ligue 2 par exemple », proteste David Terrier.

Dans les faits, comme n’importe quel salarié dans le privé, les footballeurs professionnels peuvent faire grève. L’article 508 de la charte du football professionnel stipule que « les joueurs professionnels jouissent des droits que leur accorde l’ensemble des dispositions du Code du travail et de la législation sociale ». Ajouter à cela qu’avec près de 90% de syndiqués à l’UNFP, les footeux sont une des professions les plus syndiquées. « Dans l’histoire, les footballeurs ont aussi fait grève », raconte même Manuel Schotté. L’auteur du livre La Valeur du footballeur cite, outre Knysna en 2010, le long combat qui a poussé les joueurs à mettre fin au contrat à vie, dans les années 1960. En 1972, la 17e journée de championnat est marquée par la grève, lancée par l’UNFP. Résultat, des matchs non disputés et d’autres avec des équipes de jeunes. « Les footballeurs finissent par avoir gain de cause », rappelle-t-il.

Alors, que manque-t-il pour que Rodri, Tchouaméni ou De Bruyne se transforment en Socratès des temps modernes ? Une conscience de classe ? « Il n’y a pas chez les footballeurs cette identité collective. Un joueur de Ligue 2 ne partage pas grand-chose avec Kylian Mbappé, théorise l’économiste Pierre Rondeau. On observe aujourd’hui que les instances du football viennent acheter la paix sociale en garantissant la rémunération des athlètes. Il y a une logique très marxiste : dans le football moderne, leur force de travail est justement rémunérée. »

Manuel Schotté décrit : « Si les joueurs demandent simplement de disputer moins de matchs, pas sûr qu’elle soit la plus à même de fédérer. On aurait tendance à voir le mouvement comme une grève de nantis. Leur cause a plus de chances de prendre si elle dépasse les particularismes des footballeurs, analyse le sociologue. Et puis, il y a des obstacles à la mobilisation : les transformations de l’UNFP, aujourd’hui plus un syndicat de service qu’un mouvement de lutte, la jeunesse des joueurs, eux-mêmes pas forcément politisés. Ils baignent également dans un univers régi par l’apolitisme. » Comme des acteurs qui enchaînent les films ou les mannequins les défilés.

Le Grand Soir du football ?

Le mouvement des joueuses américaines et espagnoles, ici, peut montrer l’exemple. « Tout est envisageable, imagine David Terrier. Ça peut être de rester dans les vestiaires 15 minutes, ou aller jusqu’à refuser de participer à une compétition. Potentiellement la Coupe du monde des clubs. » Comme Robbie Fowler, le Liverpuldien qui avait soutenu le mouvement social anglais de 1997 ? « De Bruyne, Bellingham, pourraient ici montrer l’exemple. » Cet été, deux plaintes ont été déposées auprès du tribunal de grande instance de Bruxelles. « Il s’agit d’inverser les rapports de force, prolonge David Terrier. Jusque-là, les joueurs n’osaient pas publiquement prendre la parole, ce type de discussions restaient dans les vestiaires. »

« Pour que la grève prenne, il faut que les joueurs aient le soutien d’autres acteurs qu’eux-mêmes, raconte Schotté. Les médias, les pouvoirs publics, toutes les familles du football, sont à prendre en compte lors d’une mobilisation. » Et puis, quelles seraient les autres solutions ? Limiter le nombre de matchs ? « Rappelons ici que les entraîneurs et joueurs sont dans un univers très concurrentiel et individualisé, raconte Schotté. Quel que soit leur état physique, ils veulent jouer le prochain match. Ne pas le jouer, c’est prendre le risque de perdre sa place. Pareil pour les entraîneurs. » Enfin, reste à voir la tête de la future Coupe du monde des clubs. Sera-t-elle semblable à un tournoi d’exhibition, avec un flop à la télé, ou promet-elle du spectacle, et un dépassement de fonction des joueurs ? Eux seuls le diront, finalement, car les artistes peuvent arrêter le temps.

Tchouaméni : un brassard et après ?

Par Ulysse Llamas

Propos de Pierre Rondeau, David Terrier et Manuel Schotté recueillis par UL.

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