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Qu’est-ce que tu fous là, Mario ?
C'est au moment où on l'attendait le moins qu'Antonio Conte a rappelé Mario Balotelli en équipe d'Italie. L'attaquant de Liverpool vit en effet le pire moment de sa carrière, mais le sélectionneur a décidé de lui tendre la main. Probablement pour la première et dernière fois.
Il marche. Il marche avec une tranquillité maladroite. Une attitude je-m’en-foutiste en totale inadéquation avec ce qui constitue un moment de deuil national. Le casque soigneusement vissé sur les oreilles, Mario Balotelli trace sa route vers le bus de la Nazionale après la défaite de l’Italie face à l’Uruguay. Dans le même temps, dans les vestiaires, là où les hommes véritables règlent leurs comptes, Andrea Pirlo formule un discours d’adieu qui n’en sera pas un et Cesare Prandelli annonce sa démission. C’est sur cette scène surréaliste que Mario Balotelli, dont l’investissement sera pointé du doigt par les sénateurs Gigi Buffon et Daniele De Rossi, fait un premier au revoir à la Squadra Azzurra. Un au revoir qui aurait pu être un adieu avec l’arrivée d’Antonio Conte à la tête de la sélection italienne. Au vrai, l’arrivée de l’ex-mister de la Juve devait être l’ultime clou sur le cercueil azzurro de Mario Balotelli. Qu’est-ce que Conte, l’homme de principes, de valeurs, de culte de la performance, allait bien pouvoir faire de cet attaquant en perdition ? Ne pas le convoquer a été la solution la plus évidente. En plein brouillard anglais (deux buts en 14 matchs avec Liverpool, aucun en Premier League, pas une seule passe décisive), l’ancien de Manchester City n’apparaissait pas dans la dernière liste italienne pour affronter l’Azerbaïdjan et Malte. Pas plus prolifique quelques semaines plus tard, Balotelli, qui s’était toujours débrouillé pour marquer régulièrement entre un jet de fléchettes, un incendie et une demande en mariage, a vu une main se tendre devant lui. Cette paluche, c’est celle d’Antonio Conte, qui tente un ultime coup de Trafalgar pour sortir Mario du pire moment de sa carrière. Une opération sauvetage qui fait évidemment jaser, de l’autre côté des Alpes.
La méritocratie déjà galvaudée
« Le terrain parlera et décidera des convocations. Place à la méritocratie. » Voilà le slogan du début de mandat d’Antonio Conte qui faisait frétiller tout le monde en Italie. Enfin un homme avec de la poigne ! Difficile cependant de l’appliquer à la dernière liste de convoqués, et pas seulement pour Balotelli. En attaque, on retrouve encore et toujours Giovinco qui cumule seulement 183 minutes de jeu depuis le début de saison avec la Juve ! C’est tout de même une heure de plus que Cerci à l’Atlético Madrid où il est incapable de convaincre l’exigeant Simeone. Heureusement, Pellé à Southampton (9 buts en 14 matchs) et Immobile au Borussia (6 en autant de rencontres) sont là pour remonter les statistiques. Zaza, lui, se situe entre les deux, 3 buts en 8 matchs avec Sassuolo, mais suffisant pour faire de lui un titulaire en puissance de la Squadra Azzurra. Le terrain s’est exprimé, mais à première vue, il ne parle pas la même langue que le sélectionneur.
Quid d’Okaka, Gabbiadini, voire Destro, très bons depuis septembre ? « Il faut de la continuité pour prétendre à laNazionale, je ne peux pas convoquer un joueur qui a joué trois minutes en Serie A. » Et Rugani de l’Empoli alors (débutant à ce niveau) ? Bref, il n’aura pas fallu longtemps pour que Conte dévie de ses principes, ce n’est pas grave, cela arrive à tous les sélectionneurs. Rappelez-vous de Prandelli et son code éthique. Foutu pour foutu, et avec les indisponibilités d’Insigne et Osvaldo, autant rappeler ce bon vieux Mario qui, en plus, présente un bilan de 13 buts en 33 sélections, du jamais vu dans l’ère moderne de la sélection italienne. Et puis, il n’y a pas foule de prétendants non plus, qui est le meilleur buteur italien de la Serie A ? Toto Di Natale, du haut de ses 37 ans avec 6 réalisations, suivent Cassano et Matri à 5.
La main tendue de Conte ou la patte de Puma ?
Les plus vicieux (et ils ne manquent pas en Italie) ont vu l’influence de Puma dans ce retour en sélection. L’équipementier de l’Italie depuis dix ans et qui paye une partie du salaire de Conte, seul moyen pour que ce dernier accepte de prendre les rênes de la Nazionale. 1,6 million venant de la fédé (salaire max autorisé), plus 2 de la célèbre marque allemande… également sponsor numéro un de Super Mario ! Les polémiques se sont succédé au moment de la signature du contrat en août dernier, avant de disparaître avec les premières exclusions de Balotelli, puis de faire leur retour ces jours-ci. « Des discours de piliers de bar, parlons de choses sérieuses » , voilà comment Conte a expédié la question hier en conférence de presse. Plus détendu qu’à l’époque de la Juve, il ne faut cependant pas trop le titiller sur certains thèmes. Un sujet qui remplit tout de même les pages de la presse sportive italienne : Conte le VRP de Puma.
Mais alors, si ce n’est pas pour ses performances, ni pour le sponsor, pourquoi cette convocation ? Et si Conte était plus fin psychologue qu’on ne le pensait ? Lui tendre la main dans un moment difficile où il sera plus à même de faire profil bas et de se mettre au service de l’équipe, voilà une idée finaude ! Le tester personnellement aussi, car, comme il le dit : « Je n’aime pas les on-dit, je veux évaluer moi-même les joueurs d’un point de vue technique, tactique et comportemental. » Et surtout le normaliser, en faire un joueur lambda, un parmi 26 autres, un simple attaquant, mieux, le 5e dans la hiérarchie puisque les autres ont une longueur d’avance. Balotelli doit pouvoir être titulaire, remplaçant, voire en tribunes sans que cela ne fasse de remous : « Ce sont vous les journalistes qui le mettez à part du reste des joueurs. » Un discours en apparence protecteur, mais ce n’est pas le genre de la maison. Chassez le naturel, il revient au galop, Conte précise ainsi : « Il devra faire les choses comme je le veux, suivre mes règles très strictes, sinon, au revoir. » Et cette fois, probablement pour de bon.
Par Valentin Pauluzzi