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Qu’est-ce que c’est que cette tactique bordelaise que personne ne comprend ?
Depuis son arrivée à Bordeaux en mars dernier, Paulo Sousa a toujours fait jouer les Girondins de la même manière. Toujours. Pourtant, très peu de personnes - y compris parmi les supporters et journalistes qui s'infligent l'intégralité de ses matchs - semblent avoir compris la tactique mise en place par le technicien portugais. Attention, le tableau noir est de sortie.
À Bordeaux, la blague du moment raconte que même les joueurs de Paulo Sousa ne comprennent pas le schéma que le Portugais veut mettre en place. Le trait d’humour, épais comme un beach-body après quinze jours de régime bière-pizza, émane souvent d’un suiveur des Girondins tentant de masquer par la gaudriole sa propre ignorance. Car au vrai, la tactique mise en place par Paulo Sousa depuis son arrivée en France n’a jamais changé. Et elle est même plutôt facile à lire, à défaut d’être simple à appliquer. À la décharge de ces fameux suiveurs – qu’ils soient supporters, journalistes ou consultants –, ce que tente de mettre en place le double vainqueur de la Ligue des champions n’a rien de commun avec ce qui se fait habituellement dans le championnat de France. Car il s’agit d’un double schéma. Un avec le ballon, l’autre sans. D’où l’incompréhension quasi générale.
Bordeaux ne défend jamais à trois
Depuis qu’il a pris les commandes de l’équipe en mars dernier, Paulo Sousa a dirigé les Girondins durant onze matchs officiels. En utilisant, à chaque fois, le même schéma tactique. Un 3-4-3 lorsque son équipe attaque, qui se transforme en 4-2-3-1 pour défendre lorsqu’elle perd le ballon. Elle ne défend donc jamais à trois, comme cela est écrit un peu partout (certains esprits imaginatifs vont même jusqu’à parler de défense à cinq). Pour que l’affaire fonctionne, la popote de Paulo Sousa nécessite donc d’aligner des joueurs polyvalents en défense et au milieu. La saison passée, Jules Koundé se muait en arrière droit à la perte de balle. Pendant qu’à l’autre bout du terrain, Maxime Poundjé descendait d’un cran. Ainsi, la défense Jovanović-Pablo-Koundé se transformait en Poundjé-Jovanović-Pablo-Koundé à la perte de balle pour défendre à quatre.
Chose a priori impossible en alignant le fameux trio Mexer-Pablo-Koscielny, aucun de ces joueurs ne possédant les caractéristiques pour se transformer en latéral ou en milieu de terrain. Cette saison, Koundé parti au FC Séville, Paulo Sousa a décidé que ce serait Otávio, un milieu de terrain, qui officierait en tant que troisième défenseur central lorsque Bordeaux a la balle. Ce qui donne une arrière-garde Mexer-Otávio-Pablo (ou Koscielny) avec le ballon et Benito-Mexer-Pablo/Koscielny-Bellanova sans, Otávio remontant au milieu à la perte de balle. Le Brésilien étant suspendu face à Angers le week-end dernier, c’est Albert Lottin, 17 ans, qui a occupé ce rôle hybride lors de la première journée de championnat.
Bordeaux avec le ballon :
Bordeaux sans le ballon :
« Cela peut prendre trois, quatre ou cinq ans »
Sur le papier, tout cela est très excitant. Mais avec seulement deux succès (face à Marseille, et Caen) et sept revers en onze rencontres, on ne peut pas franchement parler de réussite. Et pourtant, Paulo Sousa s’accroche pour l’instant à ses principes coûte que coûte. Parce que l’homme sait que son ambitieux projet nécessite du temps, comme il l’expliquait en longueur en mai dernier : « Mes joueurs ont besoin d’être tactiquement intelligents, parce qu’il y a beaucoup de complexités à prendre en compte dans le jeu. D’abord, il faut connaître son environnement, ses coéquipiers et leurs qualités, et commencer à travailler simplement, avant de compliquer de plus en plus les choses. L’idéal est de parvenir à donner aux joueurs des clés pour qu’ils réussissent le plus vite possible. La réussite, c’est lorsque le joueur reconnaît qu’il progresse en faisant les bonnes choses, et qu’avec ses coéquipiers, il pourra obtenir des résultats. Parce que les résultats doivent être la conséquence des progrès individuels et collectifs, OK ? Parfois, cela prend plus de temps. Pourquoi ? (Il se lève.) Imaginez que les hémisphères de votre cerveau représentent l’un le présent, l’autre le passé : le présent est la conscience, le passé est le subconscient. OK ? Le joueur est habitué à faire quelque chose. Où va-t-il ? Dans son subconscient. C’est comme un ordinateur, vous écrivez, vous sauvegardez. Pour changer cela, vous avez besoin d’installer une nouvelle méthode de travail, pour remplacer les vieilles habitudes, les routines, par de nouvelles choses. Cela peut prendre trois, quatre ou cinq ans. »
Des changements forcés ?
Si un entraîneur a rarement eu autant de latitude pour faire naviguer son bateau dans la tempête, la priorité des propriétaires américains des Girondins n’étant pas franchement le sportif comme évoqué dans le numéro 162 de So Foot, les supporters, eux, n’auront pas la patience d’attendre « trois, quatre ou cinq ans » . C’est même peu dire qu’ils commencent à s’impatienter, même si les Ultramarines ont choisi d’attendre la fin du mercato pour exprimer ou non leur colère. Alors, Paulo Sousa peut-il être tenté de changer des choses ? Pour la première fois, ce vendredi en conférence de presse, il en a évoqué la possibilité en cas de fin de mercato frugale.
« S’il n’y a pas d’arrivée, il faudra peut-être changer de direction, d’idées de jeu » , a fini par se résoudre le Portugais, dans des propos relayés par Sud-Ouest. À commencer par ce samedi soir, face à Montpellier ? Ce qui est certain, c’est que Paulo Sousa ne sera jamais de ces entraîneurs qui ont pour seule ambition de blinder derrière en espérant un exploit individuel devant. Et cela, les supporters bordelais devraient s’en réjouir. Même si la patience n’est pas une vertu en vogue, dans les tribunes.
Par Mathias Edwards