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  • International – Russian Premier League

Qu’est-ce que ça vaut, le championnat russe ?

Par Régis Delanoë
Qu’est-ce que ça vaut, le championnat russe ?

C'est un peu la grande mode en ce moment de dire : « Nan mais t'sais, l'avenir du foot, c'est en Russie que ça se joue. » Et d'argumenter la prophétie de quelques mots clés : Anzhi, Zénith, Eto'o, M'Vila, CSKA, Djibril, maille, gaz… Tentons d'aller au-delà et de décrypter point par point les avantages et les limites du ballon rond au pays de Vlad' Poutine.

Points positifs

– De l’argent, beaucoup

Yann M’Vila et Djibril Cissé auront beau justifier leur choix de rejoindre le championnat russe en ne mettant pas la question du salaire en avant, personne n’est dupe. Oui, les (gros) clubs russes paient très bien leurs meilleurs joueurs. L’ancien Rennais a, par exemple, plus que triplé son salaire en quittant la Bretagne, malgré une annus horribilis qui a refroidi tous les autres clubs susceptibles d’accueillir l’enfant terrible. Pas le Rubin Kazan, qui le rémunère entre 3 et 4 millions d’euros nets par an. Pour Eto’o, c’est plus de 20 millions annuels à Makhachkala. Et niveau indemnités, les Russes ont aussi montré qu’ils étaient capables de frapper fort. Le Zénith a ainsi déboursé pas loin de 100 millions d’euros pour récupérer Hulk et Witsel l’année dernière. Au dernier mercato estival, les clubs russes de l’élite ont déboursé un total de près de 350 millions d’euros. Seules l’Angleterre et l’Italie ont fait mieux (ou pire, selon les points de vue). Comment c’est possible ? Simple, beaucoup de formations sont cocoonées par un bienfaiteur plein aux as, une multinationale ou un homme d’influence : Gazprom pour le Zénith, la banque VTB pour le Dynamo, les milliardaires Leonid Fedoun pour le Spartak, Suleyman Kerimov pour l’Anzhi et Sergey Galitsky pour le FC Krasnodar, Ramzan Kadyrov pour le Terek Grozny, le gouverneur de Krasnodar Alexander Tkachiov pour le Kuban de Djibril Cissé…

– De vraies rivalités

À première vue, le championnat russe peut faire penser à une bataille d’oligarques, mais ce serait insulter l’histoire. Car le foot local n’a pas attendu l’anarchie capitaliste post chute de l’URSS pour briller et créer un engouement populaire. Avec le CSKA, le Spartak, le Dynamo et le Lokomotiv, la seule ville de Moscou concentre un quart des clubs participant à la Premier League russe. Avec, pour chacun, une origine historique qui constitue son ADN, même si c’est aujourd’hui plus symbolique qu’autre chose : équipe de l’armée, du peuple, de la police et des cheminots. Aujourd’hui, la rivalité s’étend au territoire national, avec une bagarre capitale/province encouragée par Poutine lui-même, fan de la décentralisation. Désormais, la grande ville rivale Saint-Pétersbourg cartonne avec le Zénith, le Tatarstan bombe le torse avec le Rubin Kazan, alors que le Daguestan grâce à l’Anzhi et la Tchétchénie grâce au Terek essaient de nous faire croire que tout roule chez eux…

– Un championnat homogène

On le sait déjà : avec Monaco qui débarque le coffre blindé de pognon, la Ligue 1 millésime 2012-2013 devrait ressembler à un duel PSG/ASM en haut de tableau. Comme en Espagne entre le Real et le Barça. Comme en Allemagne depuis quelque temps entre le Bayern et Dortmund. En Russie au moins, ça bastonne à plusieurs, avec le suspense pour grand gagnant. Entre les 4 de Moscou et les clubs de province qu’on vient de citer, ça donne à peu près la moitié des participants à la Premier League russe qui peuvent légitimement ambitionner de remporter le titre. Alors certes, du peu qu’on a pu en juger ces derniers mois – on va reparler plus bas du problème de la visibilité médiatique – ça joue pas toujours au top en Russie. Pour mater du foot champagne, misez plus sur les Pays-Bas par exemple. Mais niveau indécision, là oui, pas de souci, la Russie vous en offre.

– Un rythme à l’occidental

Plein de neige et un froid hardcore l’hiver, une chaleur à crever l’été : ce n’est pas très facile de jongler avec les intempéries en Russie en essayant d’avoir des conditions idéales pour la pratique du football. Longtemps, les instances avaient décidé d’avoir un rythme de saison annuel, à la scandinave, histoire de carrément zapper la période hivernale. C’était cohérent sauf que c’est un peu chiant d’être en décalé par rapport aux grands championnats de l’Europe occidentale. De une parce que, niveau visibilité à l’international, ça ne fonctionne pas, de deux parce que pour les équipes qui participent aux compétitions européennes, c’est dur de tenir la forme en même temps que les adversaires. Il a donc été décidé de faire comme à l’ouest : début de saison en été, fin au printemps suivant, avec tout de même l’obligation de s’arrêter trois mois de jouer en hiver, le temps que ça se réchauffe un peu. La saison 2011-2012 était celle de transition, la saison passée a parfaitement bien fonctionné ainsi, tout semble rouler désormais avec ce rythme. Pour concurrencer les gros championnats européens, c’est plus pratique ainsi.

Points négatifs

– Un engouement populaire limité

La saison passée, un match du championnat russe s’est disputé devant une moyenne de 12 903 spectateurs dans le stade. C’est à peu près pareil que la saison précédente et que celle d’avant encore. C’est faible, bien plus faible que tous les grands championnats européens. Pour situer, la L1 réunit plus de 19 000 spectateurs en moyenne par match, l’Allemagne plus de 42 000. Comment expliquer ce manque de popularité ? Le climat pose problème, on en a déjà parlé, les stades aussi, on va en reparler. Mais le taux de remplissage moyen de 53,9 % interpelle. Sur ce point, difficile d’avancer des explications précises, étant donné qu’on n’a jamais mis les pieds dans un stade en Russie. Mais les fans locaux font quand même assez souvent défavorablement parler d’eux, avec des affrontements violents (exemple : match Dynamo – Zénith arrêté par l’arbitre en novembre 2012) et des actes racistes, qu’avait notamment dénoncés Roberto Carlos en son temps. Les ultras du Zénith se sont aussi dernièrement prononcés sur leur volonté de ne pas voir de joueurs noirs dans l’effectif… Tout ça n’incite pas forcément au développement d’un football populaire et familial.

– Un attrait médiatique quasi nul

Vous en avez vu beaucoup, vous, des matchs de la Russian Premier League ? Non ? Normal. En France, c’est la cheap Ma Chaîne Sport (MCS) qui en détient les droits, ce qui n’aide pas vraiment à sa popularité. Ailleurs en Europe, l’anonymat est le même. Dans certains pays, aucun canal ne se fatigue à diffuser un championnat dont beaucoup disent qu’il est l’avenir, mais que personne ne regarde. La Russie souffre encore d’une trop mauvaise image (même si ce sont des clichés) : les spectateurs gelés, la tête engoncée dans une chapka, la pelouse blanche, le ballon orange, le nom des joueurs en alphabet cyrillique… Sans oublier les 2 heures de décalage horaire avec la France. Il y a encore de gros progrès à faire si la Ligue de football russe souhaite un jour mieux vendre son championnat à l’international.

– Un contexte pesant

Le football russe a un dernier handicap majeur qu’on ne peut pas ne pas évoquer : c’est justement qu’il se déroule dans un pays aussi complexe que la Russie. Un pays certes incroyablement fascinant, mais aussi sacrément bordélique, avec des tensions multiples. Difficile en effet de dire du championnat russe qu’il est tout à fait « normal » quand il compte parmi ses participants le Terek Grozny du bandit notoire Kadyrov ; quand on sait que les joueurs de l’Anzhi Makhachkala ne mettent les pieds au Daguestan que pour y disputer leurs matchs à domicile ; quand il a failli y avoir une mutinerie au sein de l’effectif du Zénith avec des joueurs locaux jalousant le salaire de leurs coéquipiers de nationalité étrangère… Tout ça n’est pas très « sain » . L’exotisme fait le charme de ce championnat, mais certainement que ça doit inciter certains joueurs et entraîneurs étrangers à hésiter avant de s’engager là-bas.

Conclusion : vivement 2018

Voilà ce qu’on pouvait dire sur la Premier League russe, actuel 8e d’Europe à l’indice UEFA. Il y aurait certainement encore beaucoup à en dire, mais ce premier aperçu permet de mieux situer les perspectives et les limites de ce championnat. C’est une compétition indéniablement en devenir, portée par une manne financière essentielle, mais elle part populairement et médiatiquement de très bas. Ce qui peut tout changer (positivement), c’est la construction de nouvelles enceintes dans l’optique de l’organisation de la Coupe du monde en 2018, à Moscou, Saint-Pétersbourg, Kazan, Nijni Novgorod, Samara, Saransk et Rostov. Un cercle vertueux pourrait alors s’installer : meilleures conditions de jeu, meilleures conditions d’accueil, plus de public et plus de médias intéressés.

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Par Régis Delanoë

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