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Quelles options pour un joueur sans club à la fin du mercato ?

Nicolas Jucha
7 minutes
Quelles options pour un joueur sans club à la fin du mercato ?

Le mercato a officiellement fermé ses portes en France. Les clubs professionnels ne peuvent donc recruter qu’un joker à l’intérieur des frontières nationales... ou alors puiser dans le contingent des joueurs libres. Pour ces derniers, la période qui s’ouvre est cruciale : ce sera le rebond ou une fin de carrière prématurée...

« La plus mauvaise année pour se retrouver en fin de contrat, c’est bien 2020… » Il prend ça avec le sourire, mais on le sent dans le ton de sa voix, Jérémy Grimm aurait aimé que l’histoire se poursuive avec le Racing Club de Strasbourg, son club formateur. À 33 ans, il n’a signé son premier contrat professionnel qu’à 28 ans et sent qu’il a « encore le physique pour continuer », après avoir vécu un parcours du combattant de 2007 à 2015, entre la fin de sa formation, une bifurcation en Suisse puis dans les divisions inférieures avec Colmar puis le Racing. « Mon histoire personnelle m’aide à relativiser ce que je vis aujourd’hui, et à croire qu’un retournement de situation est possible, mais c’est vrai que cette année, c’est peut-être plus difficile. » Plus difficile à cause de la crise sanitaire, « qui a sensiblement augmenté le nombre de joueurs sans contrat par rapport à d’habitude », estime Philippe Lafon, directeur général de l’UNFP, qui, depuis cet été, a lancé un programme d’incitation financière pour les clubs de Ligue 1 et Ligue 2 (*).

« Mon mercato a vraiment commencé le 6 octobre » Édouard Butin

Outre l’impossibilité d’organiser un stage pour le syndicat des joueurs professionnels – qui permet aux inscrits de se montrer et de garder le rythme des matchs –, le décalage calendaire a aussi fait mal aux footballeurs les plus précaires. « Chaque année, ils deviennent les acteurs clés du marché début septembre, là il a fallu attendre un mois de plus dans un contexte anxiogène, c’est difficile à gérer. » L’ancien Sochalien Édouard Butin, qui a achevé son contrat avec Orléans en juin, le confirme : « Mon mercato a vraiment commencé le 6 octobre. » Lafon donne les chiffres : « On est arrivé fin juin avec environ 260 joueurs en fin de contrat et libres entre les niveaux professionnel et fédéral, il nous en reste encore entre 100 et 120 à placer. » Le bilan définitif se fait début février, après le mercato d’hiver.

Pour éviter une inactivité longue durée, l’agent Franck Belhassen préconise de faire face à la réalité, et vite. « Quand un joueur arrive non prolongé fin juin, ou sans avoir finalisé dans un autre club, c’est symptomatique, il a une position fragile sur le marché. » Édouard Butin a visiblement compris, et très vite, qu’il n’était au mieux « qu’un second choix dans les listes des clubs » . Pour Vincent Muratori, cinq ans à Monaco puis huit à Nancy, la prise de conscience a été plus rude. « J’ai refusé une prolongation d’un an à Nancy, et je pensais retrouver pendant le mercato. Finalement, le marché des arrières gauches en Ligue 2 a été calme, et le lendemain de la fermeture, j’ai ressenti un sentiment d’échec. » Il convient alors de revoir ses prétentions significativement à la baisse, pour privilégier un rebond plutôt qu’un maintien du niveau de vie. « Cette démarche, je l’anticipe même dès le mois de mars avec mes joueurs », précise Belhassen, « car on dit souvent qu’un club qui tient vraiment à un joueur, il le prolonge au plus tard 18 mois avant la fin de son contrat… » Dans le cas de Butin et Muratori, qui ont connu la Ligue 1, la quête du rebond implique de « viser une Ligue 2, ou un club à l’étranger ».

« Les plus jeunes, c’est dur pour eux de comprendre qu’il va falloir apprendre un autre métier » Philippe Lafon, directeur général de l’UNFP

Habitués à la performance et au succès, les footballeurs professionnels ne voient pas forcément le couperet du chômage arriver. Mais quand il arrive, c’est psychologiquement violent, entre les craintes pour l’avenir, la perte d’estime ou la nécessaire question d’un nouveau métier. En bons termes avec le Racing, Jérémy Grimm s’est vu proposer une discussion autour d’une reconversion par son président. Mais pour le moment, il préfère persévérer. « Je suis conscient de la valeur de l’argent, donc j’ai mis de côté, je touche des ARE (allocations retour à l’emploi) et mon épouse travaille. Donc je ne m’inquiète pas pour mes deux petites filles, on peut assurer un niveau de vie correct, et j’espère trouver un projet, Ligue 1, Ligue 2, National ou dans un pays étranger proche. » Mais il sait que tôt ou tard, il faudra penser à l’après. Philippe Lafon s’inquiète moins pour les trentenaires comme Grimm, « car à cet âge, ils ont déjà fait une carrière, ils n’ont plus grand-chose à perdre, donc s’ils voient que le marché n’est plus réceptif, ils tournent plus facilement la page, ils n’en souffrent pas forcément. Les plus jeunes en revanche, c’est dur pour eux de comprendre qu’il va falloir apprendre un autre métier. »

« Un joueur sans contrat, il est vulnérable » Franck Belhassen, agent

C’est pour cette raison que l’UNFP – qui propose des activités d’accompagnement sur la préparation physique avec Pascal Bollini, et un accompagnement en préparation mentale avec l’ancien gardien Thomas Aupic – essaie d’orienter les jeunes joueurs sans contrat « vers des projets sportifs en National 2 couplés à une reprise d’études ». Une reprise en mains sociale essentielle, si l’on en croit Franck Belhassen. « Un joueur sans contrat à la sortie d’un mercato, il est vulnérable psychologiquement, il a besoin d’un bon entourage. Car ils sont des cibles privilégiées de pseudo-agents qui veulent se faire un vivier de clients à moindre frais. Ils promettent monts et merveilles à beaucoup de joueurs, ne font rien payer à part une commission monstre si un contrat tombe, mais finalement, ils ne vont bien s’occuper que d’une infime minorité. » Cela peut même être plus grave, « car notre milieu est de plus en plus investi par des gens aux activités hors de la légalité : on donne de l’argent en liquide au joueur et sa famille pour « aider à passer la période difficile », et on s’arrange pour toucher une belle commission avec l’obtention d’un contrat dans un pays exotique. Ni vu ni connu, de l’argent a été blanchi. Les joueurs chômeurs sont des proies faciles pour ce type de pratiques… »

« Vincent, relève la tête » Vincent Muratori

Pour limiter ces dérives ou les situations de détresse, Philippe Lafon prône une philosophie simple : « Casser la spirale de l’isolement, car c’est violent pour un joueur d’appartenir à un collectif, puis presque du jour au lendemain, de se retrouver à s’entraîner seul. » Édouard Butin, qui a déjà vécu une expérience similaire jusqu’à décembre 2019 – avant de rejoindre Orléans – pense qu’il faut savoir « continuer à vivre, profiter pour faire ce que le football ne permettait pas de faire comme voir sa famille et ses amis, jouer un peu plus au golf, ma passion, ou s’intéresser à d’autres choses » tout en réussissant à se maintenir physiquement. « Cela reste l’activité à laquelle je consacre le plus de temps chaque jour. »

Dans le Sud, Vincent Muratori a décidé de s’entraîner avec Grasse, en National 2. En Alsace, Jérémy Grimm à lui la chance de pouvoir s’entraîner avec la réserve du Racing sur autorisation de François Keller, ainsi qu’à Colmar. Un coup de pouce qui n’est pas de trop, pour un joueur qui veut aller chercher un nouveau club afin de valider les efforts pour revenir d’une longue blessure aux ischio-jambiers gauches. « Je n’ai pas beaucoup joué pendant deux ans, j’ai cravaché, et au moment où je suis revenu à 100% de mes moyens, le championnat a été arrêté à cause de la Covid-19. Il n’y a pas moyen que je m’arrête sur ça. » Même son de cloche chez Muratori. « Le 5 octobre, je n’étais pas bien. Mais le 6, je me suis dit : « Vincent, relève la tête et va chercher un nouveau projet. » J’ai trop envie de continuer à jouer, je ne peux pas abandonner. »

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Nicolas Jucha

Tous propos recueillis par Nicolas Jucha

(*) L’UNFP propose 9000 euros à un club professionnel ou 7000 euros à un club fédéral qui recruterait un joueur adhérent sans contrat. La somme sert à couvrir les charges patronales sur le salaire du joueur, l’UNFP paie une moitié à la signature du contrat et l’autre moitié en juillet, sur présentation des justificatifs de cotisations patronales.

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