- Portugal
- Retraite de Casillas
Quelle place faut-il donner à Iker Casillas dans l’histoire du foot ?
L’information ne demandait qu’à être officialisée, c’est désormais chose faite : Iker Casillas met fin à sa carrière de footballeur professionnel. Avant d’évoquer la reconversion de San Iker, il apparaît nécessaire d'étudier son cas pour établir les frontières de son immense gloire.
« Mon parcours dans le monde du football a commencé il y a trente ans, c’était un très long chemin et comme sur n’importe quelle route, j’ai connu de bons et de moins bons moments. J’ai connu la joie, mais aussi la tristesse. Désormais à un tournant de ma vie et avec certaines perspectives, je peux dire sans aucun doute que tout cela en valait la peine. » Dès le premier paragraphe de son discours d’adieu publié sur Twitter, Iker Casillas s’est auto-convaincu de façon modeste : son aventure dans le football est une réussite. D’ailleurs, son successeur au capitanat du Real Madrid et son homologue italien sont également unanimes. Sergio Ramos : « Le football te remercie, mon ami. Tu seras pour toujours une légende. » Gianluigi Buffon : « Merci Iker, sans toi, tout aurait été moins significatif. » Casillas entre dans le cercle fermé des mythes de son sport. Mais à quelle place, exactement ?
Sa Sainteté Iker
Lancé à dix-huit ans dans les cages de l’équipe première du Real Madrid, Iker Casillas aurait pu fondre sous la pression comme un glaçon en plein soleil. Au lieu de cela, le portier remporte la première C1 de sa carrière le 24 mai 2000 contre le FC Valence (3-0), à dix-neuf printemps et quatre jours. Déjà couvert d’or, Casillas ne s’endort pas sur ses lauriers et poursuit sa moisson de trophées : deux nouvelles Ligue des champions remportées en 2002 et 2014, mais surtout une belle réputation à l’échelle nationale. Désigné capitaine de La Roja après le Mondial 2006, San Iker soulève deux championnats d’Europe consécutifs (2008, 2012) entrecoupés par la coupe du monde sud-africaine de 2010. Des titres que la vox populi préfère attribuer au talent de métronome de Xavi et Iniesta. Et pourtant…
Jamais réalisé jusque-là, ce triplé Euro-Mondial-Euro porte le sceau de Casillas : décisif lors de la séance de tirs au but contre l’Italie en 2008, impassable face à Arjen Robben en finale à Johannesburg, salvateur sur une tête à bout portant d’Ivan Rakitić contre la Croatie en 2012. Dans une Espagne bercée par des références du Pays basque comme Ricardo Zamora, José Ángel Iribar, Luis Arconada ou Andoni Zubizarreta pour garder les buts de l’équipe nationale, Casillas est parvenu à bousculer des codes préétablis jusqu’à devenir le footballeur le plus capé de la sélection espagnole (aujourd’hui dépassé par Ramos). Un rapide tour de ses exploits sur la toile permet de constater que Casillas était aussi considéré comme un gardien d’exception au Real Madrid : son arrêt à reculons contre le FC Valence en 2001-2002, son triple arrêt contre Villarreal en 2006-2007 ou ses deux sauvetages aussi miraculeux l’un que l’autre face au FC Séville en 2009-2010 et 2011-2012.
Le complexe de la nationalité
Seul souci pour Casillas au moment de se comparer aux meilleurs : l’ingratitude, à la fois pour son poste et son statut. Un gardien espagnol n’est pas fait pour être considéré comme le meilleur de l’histoire, c’est tout. L’Espagne entre 2008 et 2012 sera toujours perçue comme une équipe construite pour écraser son adversaire grâce à une possession de balle accrue via son milieu de terrain exceptionnel. Et Casillas dans tout ça ? Plongé dans la masse. Comme s’il était normal de réaliser des parades en pagaille pour amener ses coéquipiers sur le toit européen ou mondial. Sacrée championne du monde il y a dix ans, l’Espagne possède encore trois longueurs de retard sur l’Italie et l’Allemagne, deux nations où l’école des gardiens est reconnue pour former les meilleurs au poste. Cela vaut pour les anciennes générations (Zoff, Kahn, Buffon ou Neuer) comme pour la nouvelle (Donnarumma, Ter Stegen). Casillas est donc le meilleur gardien espagnol de l’histoire. Le meilleur de tous ? C’est une autre histoire.
Par Antoine Donnarieix