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Quelle corrida pour l’Espagne ?

Par Markus Kaufmann
6 minutes
Quelle corrida pour l’Espagne ?

En Espagne, on parle partout de « régénération ». Étymologiquement, cela veut dire « retour à la vie ». Comme si, au Brésil, la Roja des champions était définitivement tombée. Morte d'humiliation, certainement. Après les cruelles défaites contre les Pays-Bas et le Chili – et surtout la manière de perdre – voilà que l'Espagne est à nouveau plongée dans la masse des nations du football, pleine d'incertitudes, d'hésitations, de promesses, et d'envies. Comment Del Bosque peut-il les orchestrer ?

Tout le travail de transition de Luis Aragonés entre la Furia Roja et le tiki-taka est résumé par cette tirade de César Luis Menotti : « Durant de longues années, l’Espagne a vécu dans une énorme confusion, parce qu’elle devait oublier la furie et décider si elle voulait être taureau ou torero. Elle a toujours eu des bons joueurs, mais un jour elle voulait être l’Italie, et le lendemain elle décidait de devenir les Pays-Bas. Elle a enfin trouvé son propre chemin, le meilleur chemin. » À la suite de la victoire de l’Euro, il n’a été question que de « gestion » . L’homme providentiel, Del Bosque le paternel, aura d’ailleurs été choisi puis confirmé pour ce talent de gestionnaire. Quelques retouches : Piqué, Pedro, Jordi Alba, mais toujours la même formule. Comme s’il ne fallait plus jamais étudier le jeu. Alors, après l’étape de la « gestion de la victoire » , voilà les premiers pas de la « gestion de la défaite » . Avec une constante : le style. « Il y a maintenant en Espagne un courant qui nous dit comment une équipe devrait jouer » , écrivait Del Bosque en août dans El Pais. Sauf que le torero a disparu.

Le règne du milieu mis en péril

Mercredi soir, As annonçait la composition probable suivante pour le match du Stade de France : Casillas – Carvajal, Albiol, Ramos, Alba – Busquets, Koke, Cesc – Silva, Diego Costa, Pedro. Des onze joueurs, au-delà des évolutions naturelles de la sélection, comme l’arrivée de Carvajal, et des absences, comme celle d’Iniesta, seuls les changements du milieu semblent capables de bouleverser l’essence – et la qualité – du jeu espagnol. Derrière, les équilibres ne sont pas modifiés. Et devant, l’échec brésilien de Diego Costa devrait à terme pouvoir être digéré. Après tout, celui-ci peut aisément être mis sur le compte de son évidente méforme physique, le manque d’automatismes avec ses coéquipiers (Costa n’avait jamais joué avec Xavi avant le Mondial), le manque de préparation tactique face à des lignes de trois défenseurs (une seule pointe) et enfin le manque de réussite globale d’un groupe sur le déclin. Del Bosque le répète depuis des mois : « Il n’est pas très différent de Torres ou Soldado. Ce sont des buteurs qui n’ont pas besoin de s’associer vraiment avec les autres. Leur fonction, c’est de prendre les espaces et de marquer des buts. »

Dans ce style, les latéraux se montrent disponibles et les attaquants proposent des chemins. Mais la création, le savoir-faire, la valeur ajoutée se trouve au milieu. La différence se fait sur un décalage, une passe de la mort, un coup d’œil. Ce n’est pas un football du dribble, de la vitesse ou du tir. C’est un football où les milieux règnent. Koke et Cesc sont tous deux des footballeurs exquis, mais ils sont différents d’Alonso et Xavi. Si, de toutes manières, les qualités de Xabi Alonso sont peu communes, Del Bosque n’a jamais été très loin de lâcher le « double pivot » pour revenir à un triangle plus offensif. Maintenant que le Basque n’est plus, la Roja devrait donc naturellement faire reposer ses attaques sur les seules épaules du projet Busquets. En revanche, les qualités de Xavi sont irremplaçables.

La mort du torero

Alonso avait la lecture, une habileté unique dans le jeu long et une facilité déconcertante pour remporter ses duels. Les qualités de Xavi, elles, sont plus difficilement descriptibles. Il faudrait un livre entier pour raconter ce joueur dont l’arme principale n’était ni la technique ni la vitesse, mais le fait de sentir le jeu. Comme un bon torero sait sentir le bon rythme de ses passes pour faire de la faena un tout harmonieux, Xavi savait attendre, marquer les pauses, prendre les décisions. Il faudrait un livre, mais Del Bosque a essayé en quelques lignes, dans un article paru à la suite de la retraite internationale du Cerebro : « Il se dit qu’une équipe joue à la manière de son milieu de terrain. Xavi a été le représentant de la sélection espagnole au cours de 70 matchs des 90 que j’ai dirigés. (…) Évidemment, Xavi a marqué le style de la sélection, et même une longue époque. Il a été expert dans la gestion du jeu à une ou deux touches de balle. Mais quand il a fallu faire respirer le ballon, il a aussi su le faire. Et quand il a fallu temporiser et étudier les matchs, il s’est révélé être un maestro. Les équipes se repliaient et lui, grâce à sa patience, trouvait toujours la solution. Il lui suffisait de dix minutes pour connaître parfaitement son adversaire. Il était et il est encore un leader. »

En perdant les deux Xavier, Xavi le Catalan et Xabi le Basque, la Roja perd de l’expérience, mais surtout de la personnalité. Cette patience, cette pause de numéro 10 accompagnée de cette science de milieu défensif, voilà ce que l’Espagne a définitivement perdu. Xavi avait le caractère pour faire jouer son équipe comme il voulait qu’elle joue. Il l’avait travaillé au fil des années, pour ne plus revivre la douleur de l’élimination de 2006 contre Vieira et Makelele. Qui peut lui succéder ? La réponse se trouve certainement dans les têtes et les pieds de Koke, Tiago, Cesc, Cazorla ou Isco. Aucun ne sera un torero identique à Xavi. Koke est moins patient, Tiago plus fantaisiste, Cesc plus vertical, Cazorla plus ailier et Isco plus buteur. Alors, pour la même idée de jeu, le même style ? L’une des conditions est que Silva, Pedro, Busquets et Iniesta vont tous devoir faire un peu de Xavi. À Del Bosque de jouer.

Quel remède pour Del Bosque ?

Les images du banc espagnol contre les Pays-Bas sont encore vives dans les mémoires. Comment tirer un trait sur un événement historique en moins de trois mois ? Pour le moment, Del Bosque doit surtout se relever d’un terrible échec. Or, une grande partie des succès de la philosophie du madridiste est basée sur la gestion de l’émotion. Elle se résume ainsi, par cette formule utilisée lors d’un entretien avec le journaliste d’El Mundo, Orfeo Suárez : « Le football est technique, organisation du jeu… Mais on met souvent la vitalité et l’énergie au second plan, alors que le centre de tout, c’est l’émotion. Notre devoir, en tant qu’entraîneurs, c’est d’émouvoir le footballeur, et ce, dès les entraînements. » Alors que sa mission était jusque-là de travailler sur des émotions positives pour nourrir une ambition de plus en plus exigeante en défis, voilà que le groupe va devoir combattre le doute, l’échec et la peur. Comme s’il était nez à nez avec un taureau.

Gasperini-Retegui : l’amour ouf

Par Markus Kaufmann

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