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Quelle action de légende pour Christophe Jallet ?
Marc Raquil 2003, Bernard Mendy 2004, Christophe Jallet 2017. Lorsqu’il se pare de son habit des grands soirs, le stade de France réussit aux hommes de couloir. Pour ce qui pourrait bien être sa dernière titularisation en bleu, le chauve de Cognac va entrer dans l’histoire. Et voilà comment ça pourrait se passer.
Il met fin à la carrière d’Olivier Giroud
« JE MARCHE SEUL / DANS LES RUES QUI SE DONNENT ET LA NUIT ME PARDONNE. » L’index pointé vers un miroir qui lui renvoie le reflet de son crâne chauve, Christophe Jallet profite de l’exceptionnelle solitude de sa petite chambre de Clairefontaine pour s’envoyer un peu de Jean-Jacques Goldman. Appelé de dernière minute pour pallier le forfait de Bacary Sagna, le natif de Cognac entame son mardi 28 mars avec sérénité : un petit texto à Steve Mandanda pour son anniversaire et un coup d’œil aux journaux. Il est 7 h du matin dans les Yvelines, Christophe enfile son slip quand soudain, on frappe à la porte : « Jallet, courrier ! » Le latéral ouvre avec le sourire. Dire qu’il n’est pas le joueur le plus populaire de l’équipe de France est un euphémisme, du coup « les messages de fans, ça fait toujours plaisir » . Il pose ses fesses sur son lit et se saisit de deux enveloppes et d’un colis. Dans la première enveloppe, une photo de Mathieu, un petit gros, assorti d’un message : « Je veux être comme toi plus tard, avec des cheveux, tu peux me renvoyer ma photo dédicacée ? Merci » . Dans la seconde, une carte de Simone, 76 ans, qui écrit : « Cher Laurent, merci pour la présentation desChiffres et des lettres, c’est un plaisir de stimuler mon cerveau en votre belle compagnie. » Du colis émane une odeur de charcuterie qui ne laisse pas le palais d’esthète de Christophe insensible. Jallet ouvre, trouve quelques morceaux bien sélectionnés de pata negra et un mot, écrit dans un français primaire, mais clair : « Christophe, nous espérons que ce jambon te plaira. C’est un avant-goût de la vie que tu pourras avoir une fois que tu nous auras rendu un petit service. On ne comprend pas pourquoi tu seras titulaire ce soir, mais c’est une bonne nouvelle pour nous. Ce que tu vas faire est simple : trouve un moyen de démolir Giroud et aide-nous à rendre à Karim Benzema la carrière internationale qu’il mérite. Et si jamais tu hésites, sache que nous savons que tu as une fille, nous connaissons son prénom, mais aussi un homme qui s’appelle Diego Costa, qui a beaucoup aimé les photos que nous lui avons montrées. Abrazo. Sergio, Alvaro, Dani et Isco » .
Sous le coup de la panique, Christophe se tâte à envoyer un message à Karim Benzema, mais se rappelle que dans les affaires de chantage, mieux vaut laisser son portable en mode avion. Le petit-déjeuner indigeste passé, le chauve ne ferme pas l’œil de la sieste et se retrouve à côté d’Olivier Giroud dans le bus. « Ça va pas Christophe ? T’es pâle mon vieux, on dirait Iniesta » , balance le Gunner. « Non, non, ça va, je crois que j’ai bouffé un morceau de jambon qui n’est pas passé. » Dans le couloir qui mène à la pelouse, Ramos propose une poignée de main sincère à Jallet alors qu’Isco opte pour le clin d’œil. 30e minute de jeu : sur un corner, le défenseur central madrilène balance Jallet dans la surface. Le Lyonnais tombe de tout son poids sur Giroud, qui ne peut enlever sa jambe. Le bruit de la fracture résonne dans tout le stade de France. Tibia, péroné, ménisque, tout y passe. Malgré le travail du médecin des Bleus, la fin de carrière est inévitable.
Quelques semaines plus tard, Jallet, fraîchement retraité, mate l’annonce de la liste des Bleus depuis son château espagnol, payé avec l’argent de quatre joueurs du Real Madrid. Mais quand vient le moment des attaquants, pas de Benzema, mais Anthony Modeste. Taquin, Christophe envoie un colis à Sergio Ramos, avec une bouteille de cognac de chez lui : « Le contrat, c’était sur Deschamps qu’il fallait le mettre. Tu penseras à dire au mec de la piscine de passer à la maison. 27 degrés, c’est trop froid. Abrazo. »
Il repart avec Shakira
Il n’en croit pas sa touillette. Présent dans les tribunes du stade de France après une partie de golf endiablée avec un Nasser qui avait visiblement besoin de ça pour changer de clubs, Laurent Blanc assiste incrédule à l’atroce ballet qu’il a lui-même mis en scène. Manifestement fan de l’audace de celui qu’il a côtoyé chez les Bleus, Didier Deschamps change son dispositif tactique et propose un 4-4-2 avec Corchia en latéral droit et Jallet en milieu, histoire d’avoir de la percussion, mais aussi pour perturber la doublette Iniesta-Silva à la création. Et si Blanc avait été malheureux avec Debuchy et Réveillère, le coup de poker de DD est un déclic pour l’autre divin chauve. Phénoménal dans ses prises de balle qui feraient passer Ousmane Dembélé pour Bafé Gomis, Christophe donne le tournis à la défense espagnole. À la demi-heure de jeu, Lemar trouve Jallet côté opposé. Christophe fait du Robben, repique vers le pied gauche, glisse le ballon entre les jambes d’un Piqué sorti haut pour presser, puis envoie une praline du gauche en plein dans la lucarne de De Gea. En roue libre après son but, le Lyonnais court vers la tribune présidentielle et envoie la chorégraphie de Whenever, Wherever, l’index pointé vers Shakira, dont le maquillage peine à masquer les joues rougies par cet hommage sincère. Pas moins étincelant en seconde période, Christophe redescend dans l’axe pour chercher le ballon, envoie un râteau devant Busquets, une virgule devant Piqué, un passement de jambes devant Ramos, un grand pont devant De Gea et pousse la balle du crâne chauve dans le but vide. Il soulève son T-shirt où est marqué la Tortura, en hommage au featuring bouillant entre Shakira et Alejandro Sanz. Remplacé par Kylian Mbappé à la 87e minute, Jallet est ovationné et file directement à la douche. Christophe se frotte avec son gel douche Petit marseillais, se parfume de Brut vert, le déo des champions, et grimpe en tribunes présidentielles où il déclare sa flamme à Shakira. « Con los Chamois niortais, estaba escuchando Laundry Service. Te quiero. » Blasée par Gerard Piqué depuis qu’ils se sont fait recaler du mariage de Lionel Messi, la Colombienne embrasse Jallet devant le stade de France qui applaudit, avant de l’emmener au Buffalo Grill. Au moins ça que Laurent Blanc aura fait pour les Bleus.
Il livre un discours d’anthologie à la pause
Il y a des oppositions qui sentent le soufre, et les rencontres entre la France et l’Espagne en font partie. Alors la veille au soir, Christophe Jallet, qui se veut l’âme d’un leader depuis qu’il a tapé du poing sur la table à la mi-temps du match de l’OL face à la Roma, bosse son sujet. Sagement posé sous sa couette, il allume son ordinateur et s’envoie un Intérieur Sport. Pas n’importe lequel, celui où Tony Parker balance ce qui est resté comme l’un des plus beaux speechs de mi-temps du sport collectif français. « Ils nous dominent parce qu’ils pensent qu’on est de la merde. Ça se voit sur leur visage. Ils nous prennent pour de la merde. » Christophe s’endort sur ces belles paroles et n’oublie pas qu’un soir de succès face à Paris, il avait aussi motivé les siens en poésie : « Solide, solide, solide, la putain de vos mères. » Mais si le Lyonnais a fait de beaux rêves, les quarante-cinq premières minutes passées sur la pelouse du stade de France sont un véritable cauchemar pour les Bleus. Étrillés par les Espagnols, les hommes de Deschamps rentrent aux vestiaires menés 3 à 0. C’en est trop pour Christophe, qui décide de prendre la parole. « À tout seigneur tout honneur. Monsieur Deschamps, au lieu de vous limer les dents, pensez plutôt à votre milieu de terrain aussi frileux que Souley Diawara. Matuidi-Kanté, ça ne marche pas. Et vous savez pourquoi ? Bah parce que Blaise, il n’est pas bon. Genre vraiment pas bon. Je sais de quoi je parle, j’ai joué avec lui. Giroud, je n’ai pas joué avec, mais contre lui. Et je peux vous dire un truc : quand on joue contre des plots, il mettra toujours son doublé, en revanche, contre l’Espagne, si vous pouviez foutre un joueur de football en attaque, ça serait super. Ensuite, laRojafait pas mal tourner le ballon. Du coup, si on pouvait avoir des mecs qui courent en phase défensive, ce serait mortel. Parce que là, le pauvre Mendy, avec Payet, il souffre et c’est encore sur lui qu’on va tomber dans la presse et pas sur la starlette qui se regarde tirer des coups francs comme un mec qui fait de la muscu quand il fait l’amour. Samuel, Laurent : c’est bien ce que vous faites. Varane, de toute façon, je ne veux plus jamais le voir. Huit ans qu’on me dit que c’est un espoir et qu’il ne se passe rien, on dirait Jenifer, ma meilleure amie d’enfance que j’ai toujours aimée secrètement, mais qui ne m’a toujours pas embrassé. De toute façon, vous savez quoi ? Moi aussi, je suis nul. Je suis le remplaçant de Bacary Sagna, si vous aviez besoin que je situe le bordel. Donc je me casse et surtout, je vous emmerde. Jallout. » Christophe claque la porte et se barre en claquettes alors que dans le vestiaire, on se regarde en silence. Sur le terrain ? Un carnage. Les Bleus ont les crocs et renversent l’Espagne 4-3 sur un doublé de Giroud, un but Matuidi et un coup franc de Payet. Christophe Jallet prend sa retraite dans la foulée et sera sollicité par la prod de Pascal le grand frère pour un job. Job qu’il refusera, évidemment.
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Par Swann Borsellino