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Quel rôle pour Lassana Diarra chez les Bleus ?
Appelé surprise par Didier Deschamps, Lassana Diarra bénéficie de ses débuts tonitruants sous les couleurs de l'OM. Après 15 mois loin des terrains en raison de soucis extrasportifs au Lokomotiv de Moscou, le milieu défensif arrive sans pression, mais avec pas mal de cartes à jouer pour s'imposer.
Cinq ans après, Lassana Diarra est de retour en équipe de France. Perdu au Lokomotiv Moscou, absent des terrains pendant 15 mois, le milieu défensif aura donc convaincu Didier Deschamps en un mois et demi de compétition sous le maillot de l’OM. Une période sur laquelle l’ancien joueur de Chelsea et du Real Madrid a impressionné bon nombre d’observateurs pour qui le retour du natif de Belleville est une évidence, malgré son retour récent : « À partir du moment où il est bon, quand on voit ce qu’il produit, c’est logique » , estime Olivier Dacourt, ancien milieu de terrain des Bleus. Pour celui qui a côtoyé la grande génération de Zinédine Zidane et Claude Makelele, Lass est tout simplement « un super joueur » , dont Didier Deschamps aurait tort de se passer actuellement. Un avis que ne partage pas Frédéric Hantz, selon qui Francis Coquelin a plus démontré sur les derniers mois : « Coquelin s’est accroché, puis imposé à Arsenal sur la durée, alors que Diarra n’a même pas trois bons mois. » Pour l’ancien entraîneur de Bastia, le joueur formé au Havre a notamment bénéficié de l’exposition offerte par Marseille lors de « matchs faciles contre Troyes et Bastia » . Lassana Diarra aurait-il fait l’objet d’un favoritisme du sélectionneur ? Hantz le pense : « Cela montre que l’équipe de France, c’est du réseau, de l’influence. On juge sur l’instant et sur l’aura médiatique. » Mais Dacourt ne croit pas à cette théorie, il pense plutôt que la préférence donnée aux Marseillais fait partie des aléas du football, « la nécessité pour un entraîneur de faire des choix entre des joueurs très proches. » Quand bien même l’ancien joueur de Leeds et Everton voit Diarra largement devant, car « il est plus difficile de briller à l’OM – sans leur manquer de respect – qu’à Arsenal actuellement. Et contre le PSG, alors qu’il y avait Marco Verratti et Thiago Motta en face, Lassana a été très bon. » À son tableau de chasse contre l’équipe de Zlatan Ibrahimović, on compte onze ballons grattés, six interceptions et quatorze duels gagnés. Les statistiques idéales de la sentinelle que Didier Deschamps recherche pour compléter son milieu.
Frédéric Hantz : « Son début de saison est un leurre »
Car si le sélectionneur a déjà en Blaise Matuidi et Paul Pogba deux éléments incontournables dans son entrejeu, la réflexion est toujours ouverte quant à l’identité de la pointe basse de son milieu à trois. Longtemps, il a privilégié Yohan Cabaye dans ce rôle, mais l’ancien Lillois est remonté à un poste de relayeur avec Crystal Palace, quand Morgan Schneiderlin a montré de bonnes choses lors du dernier rassemblement, mais n’est pas encore assez établi ni à Manchester United ni en Bleu pour être vu comme un taulier et un intouchable. « Il s’est un peu perdu à cause d’un mauvais choix de carrière, mais cela reste un superbe joueur avec le potentiel pour être titulaire » , assure Olivier Dacourt à propos de Diarra, qu’il voit comme une alternative crédible pour jouer les sentinelles. « Il est moins offensif que les autres joueurs disponibles, même s’il sait à peu près tout faire. » Mais les éloges dont bénéficie le Marseillais sont exagérés selon Hantz : « J’ai beaucoup d’estime pour sa force mentale, c’est un exemple sur ce plan, mais pour moi, son début de saison est un leurre. Il s’est fait remarquer, on loue ses performances personnelles, mais l’efficacité d’un milieu défensif se juge aussi aux résultats de son équipe, or Marseille est 16e de Ligue 1. » En clair, si Lassana Diarra était si précieux dans le jeu de l’OM, les Olympiens seraient dans la course aux places européennes plutôt que dans celle pour revoir le milieu de tableau. Toujours est-il que la majorité des opinions à Marseille comme en France font de Lassana Diarra l’un des hommes forts du début de saison et un choix réellement crédible chez les Bleus, en partie car, au-delà de ses dernières semaines de compétition, il a une réelle histoire avec la sélection.
S’il n’a connu qu’un seul sélectionneur – Raymond Domenech – Lassana Diarra n’en a pas moins porté 28 fois le maillot bleu depuis sa première convocation en mars 2007 contre la Lituanie. Et sans des douleurs intestinales contractées par l’altitude lors du stage de préparation à Tignes, il aurait vécu le Mondial 2010 comme titulaire après avoir été convoqué à l’Euro 2008 sans toutefois jouer. Un mal pour un bien diront certains, Lassana Diarra n’ayant pas été mouillé par le fiasco sud-africain et l’affaire de Knysna. Ignoré par Laurent Blanc, jugé trop éloigné par Didier Deschamps quand il évoluait à l’Anji Makachkala, le Parisien de naissance avait été jusqu’à annoncer sa retraite internationale en 2013, visiblement frustré de ne plus être dans les petits papiers du sélectionneur, avant de se raviser ces derniers mois. Pour Olivier Dacourt, Lassana Diarra va forcément ajouter un plus, car « quand on a joué dans certains des plus grands clubs du monde, c’est qu’on est bon. Il a une vraie expérience, y compris avec les Bleus » . Mais le joueur n’arrive pas pour autant en terrain conquis selon Deschamps : « Il y a de la concurrence, il le sait et il y est habitué. » Pour l’intéressé d’ailleurs, pas question de réclamer quoi que ce soit, « il y a un train en marche, c’est à moi de m’adapter, de trouver des repères et de m’impliquer » . Au-delà d’un CV fourni, le patron de l’équipe de France a peut-être été séduit par le parcours cabossé du milieu défensif, un ingrédient intéressant pour compenser l’innocence des Golden Boys de son groupe comme Raphaël Varane, Paul Pogba et même Karim Benzema, plongés dans la lumière depuis de nombreuses saisons déjà.
Olivier Dacourt : « Revenir après 15 mois sans jouer, c’est énorme »
« Si Deschamps l’a pris, ce n’est pas un hasard. Il s’arrange pour tout connaître de l’attitude des joueurs en dehors du terrain, on lui a forcément donné des garanties sur Lassana Diarra » , imagine Dacourt, pour qui le Marseillais a prouvé qu’il avait un mental d’acier. « Revenir après quasiment 15 mois sans jouer, c’est énorme. Quand un joueur revient de deux mois de blessure, c’est déjà difficile. » Ce caractère renforcé par l’adversité, Lassana Diarra lui-même y croit : « Je suis un peu plus mature, plus âgé. 15 mois d’absence, ça forge. Je suis passé par plusieurs étapes, mais quand on a la chance de faire le métier qu’on aime et de vivre de sa passion, il faut en profiter. C’est une énergie positive. » Mais pour Hantz, la sélection de Diarra dépasse la seule idée d’intégrer un revanchard dans le groupe France. Selon le technicien, Didier Deschamps a surtout voulu se payer les bonnes grâces du monde médiatique : « Didier Deschamps, j’ai beaucoup de respect pour lui, mais en prenant Diarra, il fait de la politique. Il veut être tranquille dans sa préparation de l’Euro, alors il renforce les connivences avec des gens qui pourraient lui être utiles quand l’équipe sera dans le dur et aura besoin d’être soutenue par la presse. Diarra a été encensé par la presse. Dans ce sens, il a raison de le prendre. » Pas effrayé à l’idée d’aller à contre-courant de l’opinion générale, celui qui a encore une aura de héros à Bastia lance un défi : « Si on gagne l’Euro grâce à Lassana Diarra, j’invite toute l’équipe de France pendant trois jours au golf de Rodez. » Staff compris ?
Par Nicolas Jucha