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Quel métier pour Makelele ?
La carrière post-football de Claude Makelele est au mieux énigmatique, au pire apocalyptique. Entre postes aux contours flous et passages de 6 mois, l'ancien milieu des Bleus semble un peu paumé et est devenu un cas d'école pour les conseillers d'orientation. Et pourtant, son échec à Monaco ressemble plus à une exécution qu'à une erreur de parcours.
Que la vie était simple, il y a cinq ans. Claude Makelele disait adieu aux terrains, et n’avait pas à se faire de soucis pour sa reconversion. Le PSG tout juste qatarisé lui ouvrait grand les bras et voulait de lui comme conseiller du nouveau roi des lieux, Leonardo. Dans la foulée, « Maké » posait ses fesses sur le banc du Parc des Princes en tant qu’entraîneur adjoint de Carlo Ancelotti et de son sourcil relevé – poste qu’il conservera après l’arrivée de Laurent Blanc et de ses sourcils froncés. Personne pour s’interroger sur le rôle de conseiller du directeur sportif, ou pour se demander si comme coach adjoint, Claude Makelele était un simple poseur de plots aux entraînements ou un conseiller tactique avisé et écouté. L’état de grâce du PSG et son prestige le dispensaient d’avoir à donner des explications, et il faudra attendre son départ pour entendre Laurent Blanc préciser la place du rouage Makelele dans la machinerie parisienne : « Il était la liaison entre les jeunes et les anciens, les étrangers et les Français. C’était un plus pour nous. » Le grand frère parfait, qui a finalement décidé de descendre dans l’arène et d’avoir son équipe à lui. Le début des emmerdes.
Le conseil d’Abramovitch
Makelele n’a même pas terminé de passer son diplôme d’entraîneur, mais à quoi bon ? Une dérogation lui est accordée et le SC Bastia le fait signer à l’été 2014. L’amourette dure 12 journées de Ligue 1 et deux petites victoires, et le divorce a lieu dans des bruits de vaisselle brisée, qui retentissent avec ce : « Je n’ai pas vu des joueurs avec un amour-propre. C’est indigne de professionnels. Indigne de joueurs de Bastia. C’est ne pas respecter le maillot. Il faut que les joueurs se remettent en question » , balancé par Makelele après une défaite face à Lorient. Les Corses lui claquent la porte au nez en moins de 6 mois et Claude a droit à sa traversée du désert, plus d’un an loin du devant de la scène avant son atterrissage à Monaco en janvier dernier. Comment est-il arrivé sur le Rocher ? Tout serait parti d’une visite de Rybolovlev et Vasilyev à Roman Abramovitch, qui leur aurait vanté les mérites de son ancien Blue. Recherchant un profil capable d’être le liant entre le vestiaire et la direction, les patrons de l’ASM sautent sur l’occasion et propulsent Claude Makelele directeur technique. Problème, ni Leonardo Jardim, ni le très influent conseiller du président, Luis Campos, n’ont été prévenus, et ce « clan des Portugais » qui tire beaucoup de ficelles chez les Monégasques va faire vivre un enfer à Makelele. Ce dernier n’est présenté ni à Louis-II, ni à la Turbie, et Jardim lui interdit dans un premier temps l’accès aux entraînements.
Dans le bureau de Vadim
« Maké » arrive pourtant avec de la bonne volonté, et parle de « projet sur le long terme » dans sa première interview pour le site du club. Une déclaration qui peut faire rire après son départ 6 mois plus tard, mais en quittant l’ASM, Makelele pourra tout de même mettre en avant certaines de ses réussites, notamment en ce qui concerne la formation. Il structure l’académie et fait jouer ses réseaux pour enrôler Bertrand Reuzeau, directeur de la formation du PSG. C’est aussi lui qui convainc le jeune Kylian Mbappe, attaquant des Bleus U19 convoité un peu partout, de rester à Monaco et d’y signer son premier contrat pro. Mais ses ennemis ne lui ouvrent toujours pas la porte, et les Portugais le voient comme un cheveu sur la soupe, un œil de Moscou venu pour les empêcher de tourner en rond, et font même courir le bruit que Makelele est arrivé pour se préparer à succéder à Jardim. Un fantasme, balayé d’un revers de la main par Vasilyev qui assurait encore à l’AFP le 4 juin dernier que Jardim serait encore en poste la saison prochaine. Concernant Makelele, le Russe se contente d’un laconique : « Cela n’a pas été facile pour lui. Je l’apprécie. Nous devons nous rencontrer. Tout dépendra de nos sentiments respectifs. » C’en est trop pour l’homme aux 71 sélections qui craque et pousse la porte du bureau de Vasilyev pour expliquer qu’il ne repartira pas pour un nouveau tour de manège si rien ne change et si les rôles ne sont pas redéfinis.
Claude le stagiaire
Mais Claude a perdu la bataille et préfère s’en aller. L’annonce officielle de son départ arrive dès le 6 juin. « Ni le club ni lui n’ont réussi à trouver le positionnement idéal au sein de la structure sportive » , annonce le communiqué officiel. Trop de flou autour de sa place, contours de son rôle pas assez bien dessinés, guérilla contre sa personne en interne, le verrou Makelele devait sauter. Une version confirmée par l’intéressé dans Nice Matin : « Je ne pouvais pas continuer comme ça. J’ai besoin de m’épanouir dans mon travail et les conditions n’étaient pas réunies(…)C’était compliqué de continuer ainsi, je ne voulais pas tricher. » Makelele aura tenu à Monaco un tout petit peu plus longtemps qu’à Bastia. Et s’il se retient pour l’instant de régler ses comptes avec l’ASM, c’est sur les Bastiais que Makelele a l’air de vouloir passer ses nerfs, comme il l’a montré en déclarant de but-en-blanc à L’Équipe : « À Bastia, j’étais en stage, ou presque, ça m’a permis de passer mes diplômes d’entraîneur. » Dommage pour lui, les Corses ont de la répartie, et lui répondent par ce missile Scud : « Constatant qu’à cette expérience malheureuse vient de succéder un nouveau passage pour le moins météorique au sein du staff de l’AS Monaco, le SCB ne saurait par ailleurs que trop conseiller à Claude d’en finir avec cette vocation de stagiaire et de s’atteler enfin, avec humilité et respect, à décrocher un job véritable et pérenne de coach principal d’équipe de haut niveau. » Un conseil qui lui passe bien au-dessus, puisque « Maké » va reprendre son rôle de collaborateur à la cellule technique de l’UEFA. Un nouveau poste à organigramme obscur, un titre fourre-tout, et une maison où l’habileté politique vaut au moins autant que la compétence. Claude est reparti pour un tour.
Par Alexandre Doskov