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- 34e journée
- Manchester United/Aston Villa
Quel est vraiment le poste de Wayne Rooney ?
Depuis son arrivée à Manchester United, le rouquin est baladé de poste en poste au gré des desiderata de Sir Alex Ferguson. Aligné aux côtés de Carrick dimanche contre Stoke, il évoluait derrière Van Persie face à West Ham mercredi et on ne sait où ce soir pour le probable titre de champion contre Aston Villa. Au point qu'on ne sait plus très bien où il joue.
Meneur de jeu
En octobre dernier, Rooney s’illustre lors de la victoire 3-0 contre Nouveau-Château au sommet d’une formation en diamant qui lui permettait d’exploiter au mieux ses instincts créatifs. Après le match, il avait tweeté : « J’aime beaucoup mon nouveau rôle au milieu, toujours impliqué. » En plus, il en a déjà le numéro. Une piste évoquée dans son autobiographie : « Quand je me retrouve au cœur de l’action en tant que meneur de jeu, j’adore ça. » Mais face à West Ham mercredi, il a sombré. Aligné derrière (et non aux côtés de) Van Persie, il s’est perdu à vouloir systématiquement redescendre pour chercher le ballon. Signes qui ne trompent pas, il n’a touché qu’une fois la balle dans la surface de réparation des Hammers, n’a fait aucun dribble et seulement 65 passes. Lorsqu’il a perdu deux fois le ballon à quelques secondes d’intervalles, Ferguson et son adjoint, René Meulensteen, ne pouvaient cacher leur énervement. Dans la foulée, Rooney laissait sa place à Ryan Giggs, alors que son équipe était menée au score. Et Manchester égalisait six minutes plus tard.
Milieu relayeur
L’éphémère retraite de Paul Scholes a prouvé que sa succession n’était pas encore assurée. Anderson semble perdu pour le football, Cleverley est encore trop tendre, Giggs n’est pas crédible sur le long terme et Fletcher se bat avec ses intestins. Quant à Phil Jones, il est tout simplement plus à l’aise en défense. L’idée de replacer Rooney au milieu semble alors séduisante à bien des égards. Comme l’a déclaré Sir Alex : « Il a toutes les qualités nécessaires pour être un milieu de terrain central. » Autre point positif, cela ne le condamnerait pas à un départ en cas d’arrivée d’un autre buteur cet été – les stats de RVP (et le juteux contrat sur 5 ans) devraient assurer à ce dernier une place de titulaire inamovible. Ce repositionnement avait d’ailleurs déjà été tenté à l’automne 2011 avec succès. Après la victoire 2-0 en poule de Ligue des champions acquise aux dépens d’Otelul Galati, l’Écossais avait salué son « excellente vision du jeu » dans ce rôle reculé, qu’il avait déjà occupé au match précédent contre Everton.
Contre Stoke la semaine dernière, Rooney a fait le job. 81 passes – 6 de plus que Carrick – dont celle pour Van Persie qui amène le penalty. Néanmoins, au-delà de son manque rédhibitoire de centimètres, il évolue bas. Trop bas. Collé à ses centraux. Contre nature pour un tel joueur. On ne peut se contenter de le voir balancer des diagonales de 50 mètres, aussi belles soient-elles. À la rigueur, à 39 ans comme Giggs. Pas à 27 piges. Rooney le dit lui-même dans son livre publié l’an dernier, My Decade in the Premier League : « Je préfère lorsque je joue devant, parce que je peux faire encore beaucoup de dégâts, mais les sacrifices ne me dérangent pas » . Alan Smith a foutu en l’air sa carrière avec ce genre de conneries.
Ailier gauche
Niveau sacrifice, le Scouser en connaît un rayon. Lors de la raclée historique infligée à la Roma en 2007, Rooney jouait dans l’axe et Cristiano Ronaldo occupait le côté gauche. L’année suivante, contre Arsenal, les rôles étaient inversés. Deux raisons à ce retournement : l’émergence en tant que buteur hyper-prolifique du Portugais et une cinglante défaite 3-0 face au Milan AC de Kaká. Une humiliation suffisante pour provoquer une révolution de la tactique européenne de Manchester United – et le rôle de Rooney avec. Jamais plus Ferguson ne laissera autant de libertés offensives à son équipe. Il lui fallait un mec pour défendre, ce que CR7 ne pouvait faire, va donc pour Rooney bon pour museler Messi, alors ailier droit, en demi-finale contre le Barça. Une stratégie payante qui permit aux Red Devils de remporter la Ligue des champions. Mais qui n’a pas fonctionné l’année suivante en finale, de nouveau face aux Catalans. Cette année, rebelote contre le Real. À l’aller, il s’est employé à défendre sur son ex-coéquipier et Mesut Özil. Au retour, pire encore, il a été condamné au banc de touche. Certainement pas le poste qui lui convient le mieux.
Attaquant de soutien
Voilà, la vérité. S’il admet lui-même qu’il est « un joueur suffisamment bon pour jouer n’importe où sur le terrain » , Rooney doit jouer devant. Déjà au temps de sa jeunesse, c’est là qu’il est toujours aligné. Avec les stats qui vont avec : 114 buts en 29 matchs avec les U10 et U11 d’Everton ou 8 pions en 8 matchs de FA Youth Cup avec les U19 alors qu’il n’a que 15 ans. C’est également à ce poste qu’il fait ses débuts avec l’équipe première des Toffees et devient le plus jeune buteur de l’histoire de la Premier League, record battu depuis par James Milner et James Vaughan. En revanche, on ne peut pas dire qu’il soit un véritable 9 à proprement parler. Déjà, il est quasi systématiquement associé à un joueur plus « tueur » dans le traditionnel 4-4-2 mancunien : Van Nistelrooy, Tévez, Berbatov, Chicharito et enfin Van Persie. Le cas de l’Argentin est un peu à part – certains pourront arguer que son profil est très similaire à celui de Wazza. Mais cette paire est contemporaine de la présence de Cristiano Ronaldo dans le squad. Avec les Three Lions, même histoire, que ce soit Owen ou Defoe.
D’un point de vue purement statistique, hormis ses deux pointes à 34 buts toutes compétitions confondues (09/10 et 11/12), Rooney oscille plus généralement entre 15 et 20 unités par saison. Ce qui est bien, mais pas top, du moins pas au niveau d’un Falcao ou d’un Lewandowski, cibles potentielles du recrutement estival mancunien et références actuelles au poste d’avant-centre. Ainsi, Rooney n’est pas – vraiment – une machine à scorer, pas tout à fait un 9 ½, juste un fabuleux accélérateur de particules, un mec qui marque, fait marquer, crée des brèches partout et, en prime, défend comme un chien s’il le faut. Ferguson peut-il décemment s’en priver ?
Par Charles Alf Lafon