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Quel bilan pour la saison 2 de l’Indian Super League ?
Avec une affluence consolidée et un jeu plus attrayant, l’ISL a confirmé son succès sans lever les doutes sur la viabilité de son modèle.
Surréaliste fin de saison pour l’Indian Super League (ISL) ce dimanche : une victoire sur le fil du Chennaiyin FC en finale (deux buts inscrits à la 89e et 90e pour battre le FC Goa 3-2), l’arrestation du Brésilien Elano car suspecté d’avoir rossé Dattaraj Salgaocar – un des propriétaires du FC Goa -, et Apoula Edel élu meilleur gardien du tournoi. L’occasion de faire le bilan, plus calmement, de la saison 2 de cette ligue censée accélérer le développement du foot en Inde.
Un point sur lequel tous les observateurs de l’ISL s’accordent : le spectacle a été meilleur cette année, avec un jeu plus attrayant proposé et un nombre de buts en hausse (186, contre 129 l’an passé, soit 3,05 buts par match en 2015). « Pour la première édition, tout était nouveau. Depuis, les équipes se sont habituées à l’ISL. Aussi, pour cette saison, les meilleurs joueurs indiens ont également tous été libérés par les clubs de l’I-League (l’autre compétition domestique, ndlr) » , analyse Susmita Gangopadhyay, journaliste au quotidien Uttar Banga Sambad. Des équipes comme Goa, Chennai ou Kolkata ont franchi un palier. Et même si le niveau reste loin des standards européens, il est en progression. Le salary cap mis en place (2,8 millions d’euros par franchise) a freiné l’arrivée de superstars vieillissantes et une nouvelle génération de joueurs en meilleure forme a pu se mettre en valeur, comme le meilleur buteur Stiven Mendoza, pisté par le Stade rennais, Sameehg Doutie ou l’Indien Harmanjot Khabra.
Affluence consolidée
Beaucoup s’interrogeaient sur la capacité de l’ISL à maintenir un intérêt après la nouveauté de la saison dernière. Les promoteurs de la compétition peuvent se targuer d’une affluence de 27 224 personnes de moyenne. Soit quasiment 1000 de plus que l’an passé et quasiment quatre fois plus qu’en I-League. Des chiffres à relativiser, car gonflés par les poches déjà acquises au football (Kolkata, Goa, Kochi, Guwahati). N’empêche, le public est resté, et l’ISL s’enracine doucement hors de ces bastions, comme à Chennai où un groupe de supporters s’est créé, chose plutôt rare en Inde. Les téléspectateurs ont également passé 36% de temps de plus devant les matchs. « Avec une rencontre tous les soirs, à 19 heures, c’est devenu un rendez-vous pour les gamins, comme un feuilleton » , pense Bruno Satin, agent qui avait aidé à faire venir plusieurs étrangers l’an passé et qui a travaillé comme consultant pour la franchise de NorthEast United cet automne. Les clubs se structurent progressivement après une année de rodage et se tiennent à un cahier des charges exigeant.
Reste que l’ISL n’est aujourd’hui « qu’une » ligue privée de deux mois et demi, financée à grand renfort de cash venant de ses promoteurs, IMG-Reliance, et de stars du cricket ou de Bollywood. L’I-League, « supplantée par l’ISL et pas viable financièrement » (dixit Bruno Satin), reste pourtant le véritable championnat. Celui qui permet une qualification en Ligue des champions asiatique et qui se déroule de janvier à mai. La fusion et un championnat unique, demandé par tous, permettrait de sortir de cette situation guignolesque. « Je ne pense pas que cela se fera avant deux ou trois ans. Il va falloir réfléchir au format, au nombre de clubs, à savoir s’il y a un système d’accession et de relégation comme en I-League aujourd’hui » , décrypte Susmita Gangopadhyay. Pour l’heure, on en reste aux déclarations d’intention, et le processus s’annonce complexe. Car il faudra intégrer East Bengal et Mohun Bagan, les deux clubs mythiques de Kolkata, ultrapopulaires, mais loin de répondre au cahier des charges de l’ISL.
L’ISL, bientôt un championnat « normal » ?
Une fusion appelle aussi une normalisation de l’ISL. Elle est actuellement hors du temps : des joueurs qui restent ensemble 24h/24h et vivent à l’hôtel sans leur famille, des déplacements longs et incessants à cause de la fréquence élevée des rencontres, des droits télé pour le moment non redistribués aux franchises… Et surtout des pertes faramineuses : 14,1 millions d’euros pour le premier exercice, et le bilan sera toujours négatif cette année. Si IMG-Reliance a un contrat de 15 ans avec la Fédération pour développer le foot, les autres investisseurs, y compris les stars de Bollywood, ne financeront pas aveuglément pendant trop longtemps. Un des propriétaires des Kerala Blasters, le groupe PVP Ventures, a ainsi revendu ses parts en cours de saison, arguant ne plus pouvoir éponger les pertes du club.
Nita Ambani, la patronne de la compétition, a donné une interview au Times of India dimanche. Derrière les tartines d’autosatisfaction, elle a pour une fois souligné la nécessité pour les clubs « d’être viables économiquement » et qu’il fallait « les renforcer » avant de s’agrandir. Une manière de dire poliment qu’un tel trou dans les caisses ne sera pas vraiment tenable sur le long terme. Sur le terrain, une normalisation voudrait dire une moindre importance des joueurs étrangers (la règle de 6 joueurs étrangers maximum sur la pelouse est loin de faire l’unanimité, ndlr) et de stars surpayées et/ou en préretraite. « Je pense qu’à l’avenir, le plateau va monter en qualité, et la moyenne d’âge des joueurs étrangers va baisser. Même si leur notoriété sera peut-être moins importante que les joueurs de la saison passée » , confie Bruno Satin. Et des vedettes comme Apoula Edel pourront continuer à briller.
Par Guillaume Vénétitay