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Queens Park Rangers, Beautiful Losers
Avant-dernier du championnat avant de recevoir Manchester United ce samedi, Queens Park Rangers est un club à part : financé par le riche homme d'affaires Tony Fernandes, QPR n'en galère pas moins à sécuriser la place en Premier League. Mais un club supporté par de nombreux artistes a forcément des qualités. Tour du propriétaire avec Paul Farrell, chauffeur de taxi londonien et supporters « à la vie à la mort » des Rangers.
Les supporters de la première heure vous diront 1882, ceux qui veulent leur chier dans les bottes « 1887 » . La date de naissance des Queens Park Rangers n’est certes pas gravée dans le marbre, le club de l’Ouest londonien est centenaire haut la main. Question palmarès en revanche, c’est plutôt calme : une Coupe de la Ligue (1967), une présence continue dans les trois meilleures divisions anglaises depuis l’après-Guerre plus quelques titres en seconde division. Et pourtant, QPR fait partie des meubles dans le foot anglais. Sa popularité prend sa source dans les années 70, quand le club, sous le management de Dave Sexton, envoie du jeu – inspiré par l’équipe nationale hollandaise – et rivalise avec le Liverpool de Bob Paisley.
D’un petit point, ce sont les Reds qui remportent le titre en 1976. Un mal pour un bien concernant l’image des Rangers, étiquetés amoureux du beau jeu et animaux inoffensifs. Le dernier grand fait d’armes : la finale de Cup 1982, alors que QPR était en division 2. Aujourd’hui, le club londonien s’est éloigné du football total qui a fait sa réputation, une nécessité quand on lutte contre la relégation avec une équipe techniquement limitée. Chaque match est une guerre pour la survie. Les armes de QPR ? La solidité défensive et l’espoir que Charlie Austin, le buteur maison, plantera un but… Heureusement que pour QPR, tout ne repose pas sur le jeu, mais plutôt l’ambiance de son antre mythique Loftus Road.
La position du Loftus
Les habitués vous le diront : les gens aiment venir dans cette enceinte du XIXe qu’est Loftus Road. Voué à la démolition mais toujours debout, le vieux stade se caractérise par ses gradins proches de la pelouse qui donnent aux spectateurs le sentiment de pouvoir toucher les joueurs et influer sur la rencontre. Un stade convivial donc, pour un club dont les supporters se targuent souvent d’être là par amour, vu que question résultats, c’est à Chelsea que cela se passe. La principale limite à la popularité de QPR reste le nombre de places limité de son enceinte, 18 000 sièges aujourd’hui quand quelques décennies plus tôt, ils étaient plus de 30 000 à s’y entasser. Une preuve de la ferveur populaire autour du club : lors des play-offs de montée la saison passée, le club a écoulé 40 000 billets pour son match à Wembley…
Parmi les fans, quelques VIP comme Alan Wilder (Depeche Mode), Mick Jones (The Clash), Ian Gillan (Deep Purple) ou encore Robert Smith (The Cure). Il faut dire que QPR, c’est l’Ouest londonien, un quartier général proche de Notting Hill, Kensington ou encore Chelsea, autant de zones « aisées » . Mais limiter les Rangers à un club de bourgeois serait réducteur, le Loftus Road accueillant « différentes classes sociales, communautés ethniques ou religieuses » selon Paul Farrel, un fervent supporter. « Dans notre stade, il y a aussi beaucoup plus de femmes que dans les autres stades de Premier League et d’Angleterre. »
Tony Fernandes, le mécène naïf
Si QPR maintient sa touche familiale et traditionnelle, c’est en grande partie à cause de son propriétaire Tony Fernandes. Le boss d’AirAsia est un professionnel du low cost, et il adapte son modèle au prix des billets à Loftus Road, parmi les plus raisonnables de Premier League. Une manière comme une autre d’essayer d’attirer plus de monde pour remplir qui sait le futur nouvel écrin de 40 000 places sur lequel le club planche. La condition sine qua non imposée par les supporters est simple : ne pas s’éloigner de plus de deux kilomètres de Loftus Road, le centre névralgique du peuple QPR. Mécène et propriétaire depuis 2011, Tony Fernandes n’a pas été épargné par les critiques, notamment pour ses dépenses sans résultats en 2013, quand le club fut relégué avec le 8e plus gros budget de la Premier League.
Taxé de naïf à ses débuts, il a payé des investissements inconsidérés et certains gros contrats, comme pour le Portugais José Bosingwa. Après la période « je joue àFootball Manageravec des êtres vivants » , le big boss a visiblement appris de ses erreurs : son club continue de lutter pour sa survie, mais lui ne promet plus rien et se veut réaliste. Du côté des supporters, on le soutient car il vit lui aussi dans l’Ouest londonien et a un vrai lien affectif avec le club. Aujourd’hui dans la zone rouge, QPR et ses fans gardent espoir et rêvent d’un destin à la West Ham ou Southampton, club modestes qui parviennent cette saison à s’inviter à la table des grands.
Par Nicolas Jucha