- Primeira Liga
- J12
- Belenenses SAD-Benfica (0-7)
Que s’est-il passé au Portugal entre Belenenses et Benfica ?
Privé d’une majeure partie de son effectif pour cause de Covid, Belenenses s’est présenté avec neuf joueurs au coup d’envoi de son match face à Benfica. Une partie finalement abandonnée après 48 minutes de jeu sur un invraisemblable score (0-7). Mais au-delà de l’insolite, cet épisode jette surtout le discrédit sur la Ligue de football portugaise et son incapacité chronique à gérer les situations de crise.
En débarquant à Jamor ce samedi, Belenenses SAD avait des allures d’équipe de futsal. Neuf joueurs seulement sur la pelouse, dont sept issus de l’équipe réserve, et João Monteiro, habituel troisième gardien de but, aligné au milieu de terrain pour faire le nombre. Un cocktail aussi explosif qu’embarrassant pour ce qui devait être un match de gala face au grand Benfica. Bilan : un résultat trompeur (0-7), une soirée interrompue peu après le retour des vestiaires et une question en suspens. Comment un tel scénario a-t-il pu se produire ?
Coup de téléphone, pénalité et larmes
La soirée de l’étrange a commencé son cheminement dès vendredi. En effet, après les habituels tests PCR réalisés au sein du club, dix-sept membres de Belenenses sont déclarés positifs. Treize joueurs et quatre entraîneurs sont ainsi touchés. Parmi eux, Felipe Cândido, le technicien principal, mais surtout le défenseur Thibang Phete, rentré malade de sa trêve internationale en Afrique du Sud, où serait apparu le fameux variant Omicron. Une véritable hécatombe que le président Rui Pedro Soares tente dès lors de pallier. Lui qui accepte dans un premier temps de disputer la rencontre, pensant avoir suffisamment de joueurs à disposition, se ravise finalement le lendemain comme il a pu le déclarer en conférence de presse. « Au départ, nous n’avons pas demandé le report, il n’y a eu ni refus ni accord. Nous avons laissé la décision aux autorités sanitaires. » Alerté par son équipe médicale et sur la possibilité de voir le virus se propager au sein d’un effectif déjà bien affecté, le dirigeant fait alors volte-face.
C’est ainsi que samedi, « dans l’après-midi précédant le match », tel qu’il l’a précisé, Soares se serait entretenu au téléphone avec un délégué de la Liga Portuguesa de Futebol Profissional (LPFP). Mais durant la conversation, le président se « heurte à un mur », confronté à l’intransigeance d’une ligue peu encline au dialogue. « Nous avons indiqué à la Ligue que nous ne souhaitions pas disputer la rencontre, ce à quoi elle nous a répondu que l’on disposait de huit joueurs aptes à débuter. » Une version appuyée par le club du quartier de Belém dans un document officiel : « À 14h34, Belenenses SAD a formellement informé la Ligue de la décision de la DGS de placer 44 membres de son groupe de travail en isolement. Mais contrairement à ce qui était attendu, la Ligue n’a pas répondu à cet e-mail et s’est contentée d’envoyer un message WhatsApp au président Soares avec une liste de huit joueurs qu’elle considérait comme prêts pour se rendre au match. » Dans son édition de dimanche, Record révèle également que la LPFP aurait possiblement fait pression sur Benfica et Belenenses en invoquant les amendes et le retrait de point auxquels s’exposeraient les deux formations en refusant de se présenter au coup d’envoi. Une véritable dérive organisationnelle. Présent en tribunes, Rui Pedro Soares, impuissant et en larmes, a donc assisté à la déroute logique de ses jeunes pousses, conscient de cette faillite collective.
Les limites des instances
En refusant de reporter le match et en se montrant incapable d’anticiper des scénarios pourtant envisageables en période de pandémie ou de libérer des fenêtres calendaires, la Ligue de football portugaise s’est donc tiré un missile dans le pied. Car au milieu des arguments avancés de part et d’autre, rien ne semble limpide. Parmi les éléments ayant poussé la LPFP à ne pas céder à la requête belenense pointe le calendrier de Benfica. La ligue aurait ainsi souhaité alléger le programme des Aigles, déjà engagés sur quatre tableaux. Une réglementation tacite, qui ferait écho au passif liant le SLB, la Covid et les hautes instances. En effet, le 25 janvier dernier, les Benfiquistes s’étaient présentés avec un effectif amoindri pour affronter le Nacional, les Madérois ayant refusé tout report du match.
O futebol só tem cor se tiver competição.O futebol só tem cor se tiver verdade desportiva. O futebol só tem cor quando é um exemplo de saúde pública.Hoje, o futebol perdeu a cor. pic.twitter.com/ujjv5H5Ffp
— Afonso Sousa (@afonso_sousa10) November 27, 2021
Une décision qui avait alors attisé la colère des dirigeants lisboètes, à l’image de leur communiqué : « Sport Lisboa e Benfica comprend et annonce que dorénavant, et à l’exception de cas particuliers, il n’acceptera aucune justification concernant la décision de reporter un match. En particulier lorsque le quota minimum de sept joueurs par équipe est respecté. » Une pression qui a donc fait effet, dix mois plus tard, sur les malheureux joueurs du Belenenses (malgré eux). À la tête du Benfica, Rui Costa s’est ainsi empressé de calmer tout éventuel vent de polémique : « Je regrette ce qui s’est passé aujourd’hui à Jamor, je regrette cette page noire du football portugais et du pays lui-même. Benfica s’est simplement conformé au règlement de la même manière que Belenenses SAD était obligé de disputer ce match.(…)Benfica n’est pas responsable de cette page noire. »
Des coulisses rugueuses
En réunion de crise dès lundi, la LPFP tentera finalement d’éteindre un feu qu’elle a en partie attisé. Car aujourd’hui, le championnat portugais se trouve plongé dans une tempête sanitaire d’envergure, sans solution de repli. Les cas positifs s’enchaînent, à l’image de Tondela, privé de quatre joueurs face au Sporting (défaite 2-0) et qui n’a également pas réussi à obtenir le report de son match, obligeant la Direction générale de la Santé (DGS) à communiquer sur l’arrivée de nouvelles formes de Covid-19. Loin du terrain, c’est donc désormais, et comme souvent, en coulisses que le football portugais tentera de se racheter une conduite. Et peut-être assainir des institutions victimes de leur réputation depuis trop longtemps.
Par Adel Bentaha