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Que rico, que lindo, Alberto Bueno

Par Robin Delorme, à Madrid
Que rico, que lindo, Alberto Bueno

Discret, pour ne pas dire taiseux en dehors des prés, Alberto Bueno préfère parler avec ses pieds. Aujourd'hui meilleur buteur espagnol de la Liga, la pointe du Rayo toque à la porte de la Roja. Et quoi de mieux qu'un derby face au Real Madrid, son club formateur, pour accroître son attractivité.

« Mes amis proches m’ont demandé à quoi je pensais après le quatrième but. Ils étaient étonnés de voir la tête que je faisais… Ils m’ont dit que je ne semblais pas très heureux. Tout s’est passé si rapidement que je ne croyais pas à ce qu’il se passait. » Le tableau d’affichage de l’Estadio de Vallecas en garde pourtant les stigmates. En quatorze minutes, Alberto Bueno fait trembler les filets de Levante à quatre reprises. Un « poker express » – un quadruplé dans le jargon footballistique d’outre-Pyrénées – qui lui permet d’entrer dans un cercle très restreint, celui de Bebeto, Mundo, Campanal et Kubala, seuls auteurs de quatre pions en moins d’un quart d’heure dans l’histoire de la Liga. Lui n’en tire que peu de gloire. De même, son nouveau statut de meilleur buteur espagnol du championnat ne le tracasse pas. Pis, il semble le gêner. Peu habitué aux flashs, le natif de Madrid est un taiseux qui a trouvé son bonheur dans le si peu médiatique Rayo Vallecano, loin des strass et des paillettes d’un Real qui l’a formé. Justement, le fanion blanc meringue, il le retrouve ce mercredi pour un derby dont il peut être le protagoniste bien malgré lui.

Le jeu rayista plus que le prestige merengue

Un mètre 78 pour 64 kilos. De ce physique anonyme, voire lâche, Alberto Bueno s’est toujours accommodé. « Je ne suis pas le plus rapide de la Liga, je ne suis non plus le plus fort, mais j’essaye de faire briller tout le bon qui est en moi » , raconte-t-il au Pais suite à son exploit du 25e chapitre de cette Liga. Ses qualités entraperçues du côté de l’école de football de Concepcion arrivent jusqu’aux oreilles des formateurs merengues. Dès ses 13 ans, il quitte le cocon familial pour s’émanciper à la Fabrica. « Il a toujours eu une extraordinaire capacité à conclure, se rappelle Carlos Salvachua, son mentor en Infantil et en Cadete du Real Madrid. Le gardien allait d’un côté et le ballon de l’autre. Ça ne rentrait pas toujours, mais Alberto sait très bien placer son corps et mettre le ballon où il le souhaite. » Sa période au sein de la cantera blanche, sur le terrain et en chambrée, il la passe aux côtés d’un autre lilliputien, Juan Mata. « Il venait d’Oviedo, c’était un joueur très habile, avec une dernière passe magnifique. Comme je jouais plus neuf à cette époque, nous nous complétions bien » , évoque Albert Bon.

Grand espoir d’un football espagnol dont il a écumé toutes les sélections de jeunes, il connaît une ascension fulgurante au sein de la Casa Blanca. En novembre 2008, il fait le grand saut. En moins de 15 jours, il découvre les joies de la Liga, de la Copa del Rey, puis de la Ligue des champions. Ce hat trick sera pourtant suivi d’un exode. « À l’été, des élections ont eu lieu, Florentino est arrivé avec ses transferts ronflants. Pour ma personnalité, ma manière d’être et vu comment je gère le fait d’être sur le banc ou de ne pas avoir d’importance dans l’équipe, j’ai préféré m’en aller et changer d’air, même si le prestige n’était pas le même » , avoue-t-il sans détour. Contre trois millions d’euros, il passe de l’actuelle capitale espagnole à l’ancienne. À Valladolid, l’étiquette de plus gros transfert du club lui colle à la peau. Trois changements d’entraîneur en un an ont raison de sa confiance. Javier Clemente, aux commandes durant quelques mois, ira même jusqu’à le qualifier de « mediapunta de mis cojones » . Bref, le courant ne passe jamais. Même dans le vestiaire, il ne lie aucune amitié. Solitaire, il qualifie cette expérience de « chaotique » .

« Je ne suis pas un buteur »

Après 90 rencontres, 14 petits pions et un prêt infructueux en Deuxième Division anglaise, l’opportunité Paco Jémez s’offre à Alberto Bueno à l’été 2013 : « Quand je suis arrivé au Rayo, j’avais besoin de continuité et de confiance. J’ai parlé avec le mister. Il m’a clairement dit qu’il n’allait rien m’offrir, qu’il m’appréciait comme joueur, mais que celui qui le mériterait jouerait » . Le courant passe, sa mutation s’opère. En soutien de l’attaquant, il diversifie son jeu et devient un indéboulonnable de l’Estadio de Vallecas. Surtout, il enchaîne les buts. Après un premier exercice facturé à 11 banderilles, il gonfle ses statistiques lors de ce présent exercice. Avec ses 16 unités, il devient le Pichichi espagnol de la Liga et s’attire caméras et lumières. Un comble pour celui qui « n’aime pas trop les célébrations » . S’il s’octroie « un mérite, si j’en ai vraiment un, c’est que je ne joue pas comme un neuf, je ne suis pas un buteur » . Un jugement qui ne sied pas à son nouveau statut de meilleur artilleur de l’histoire du Rayo Vallecano en Liga, ni aux observateurs qui l’envoient prochainement avec la Roja. Car Paco l’a assuré, « la récompense va arriver » . Et la lumière avec.

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